Il est des jours où tout est raccord, vous ne regrettez pas de vous être levé avec le soleil qui est, lui aussi, au rendez-vous, vos faits et gestes s’enchaînent dans une fluidité de tulle, même de crêpe georgette, les merlots et les merlettes trottinent sur les pelouses, le mâle arbore un bec d’un orangé pétant : présage sans doute, l’air est si vif qu’il vous fait oublier les gros postérieurs assis sur des sièges à moteurs qui pètent et pétaradent en se prenant pour les rois de la chaussée, des reines aussi, vous filez droit devant en les laissant en plan : ils enragent tous de vous voir vous échapper de la gangue dans laquelle ils sont englués… Que du bonheur, sentiment extrême d’une liberté qui n’empiète sur le territoire de personne : oui la journée est bonne !
Et puis il y a Fanny qui vous convie le soir à venir apprécier, au cœur de la ville, des vins italiens qu’elle aime et qu’elle soutient. Entre chien et loup la ville vire de bord, se vide des uns, s’emplit des autres, change de visage, il y a ceux qui se posent, se retrouvent, se parlent, les terrasses s’animent ; il y a ceux qui se hâtent de rentrer cabas gonflés, poussettes poussées ; et puis reste ceux qui vont se lever pour peupler la nuit. Moi je plonge dans le Boul’mich sans le voir, il a disparu des écrans radars, pour passer la Seine et remonter le Sébasto plein d’autos. Ça me donne une belle soif. Mais où vais-je accrocher mon beau vélo : dites-donc monsieur Contassot et madame Hidalgo il faudrait sortir de vos bureaux pour nous faciliter la vie. Et pendant ce temps-là, une grosse hirondelle verbalise à tour de bras des 2 roues garés sur les trottoirs : à quand la fourrière monsieur le maire ? Dans cette ville il faut payer même pour pisser vu que les WC gratos y’en n’a pas lerche au km2.
Fanny c’est un beau sourire, une discrète attention et une grande disponbilité, ça me change des pratiques ordinaires de la corporation. Je ne vais pas vous conter la soirée par le menu même si chez Vino&Cucina www.vino-cucina.com/ 22-24 rue Saint-Sauveur - 75002 Paris nous fûmes excellemment reçus et régalés :la focaccia origan saucée dans l’huile d’olive Nocellara, la superbe buratta de Caserte de chez Terra Candido et le San Daniele de 24 mois et le Sot l’y laisse- citron-aubergines m’ont charmés. Du côté vin j’ai fait deux découvertes, la première dont je vais vous entretenir dans le droit fil de ma chronique de ce matin : l’Ageno 2007 et 2008 du domaine de la Stoppa ; pour ce qui concerne la seconde je la garde en réserve : faut pas gâcher !
Le domaine de la Stoppa est situé sur les contreforts des Apennins en Émilie-Romagne ; des écrits datant des années 40 expliquent comment le domaine s’est constitué à partir des années 1870 et surtout comment les propriétaires de l’époque étaient soucieux de produire des vins exprimant leur terroir : cépages autochtones et mode de vinification. La famille Pantaleoni l’a acquis en 1973, et aujourd’hui c’est Elena, la fille de Rafaele Pantaleoni, qui mène l’exploitation depuis 1993.
58 ha, dont 28 de bois d’acacia et 30 de vignes complantées sur des pentes abruptes essentiellement de Barbera et Bonarda pour les rouges et de Malvasia di Candia Aromatica, Ortrugo, Trebbiano et Moscato pour les blancs. Pour les aspects pédoclimatiques je m’abstiens car je n’y comprends rien. Vous demanderez à Fanny. Le domaine est bio depuis les années 90.
Et puis vint l’Ageno (Pour plus de détails sur l’origine du nom de cette cuvée aller ICI link). On nous le versa dans un verre noir mais mon tarin ne s’y trompa point puis la première gorgée confirma : Fanny nous avait sorti de derrière les fagots cet Ageno, fait de 60% de de Malvasia di Candia Aromatica, et de 40% Ortrugo e Trebbiano mais surtout macéré sur peaux pendant 30 jours : un vin orange sans soufre. Là, j’ai cessé d’alimenter le seau posé devant mon nez : j’ai bu à petites lampées. Je me suis régalé.
L’Ageno 2007 premier dégusté est doté d’une vigueur extraordinaire, il vous gagne, ne vous laisse aucun répit, c’est un pistard de charme, élégant mais vif comme l’éclair : bu et approuvé en mon unanimité.
Le 2008 est plus sage, plus posé, mais il sait aussi se faire désirer, avec lui il est nécessaire de prendre un peu plus de temps, de le chercher et bien sûr de le trouver bien présent. J'adore et ne coupe pas le son. Comme je suis en possession d’un flacon si mes petits copains de Tronches de Vin sont partants nous lui feront un sort.
Mon beau vélo m’attendait sagement ficelé à son poteau. Je l’ai enfourché, direction la Seine passée au Pont Neuf, Odéon, mes feux avant et arrière clignotent, le froid est revigorant car j’ai du bon carburant. Heureux de me coucher en pensant que je devais m’être levé du bon pied.