Le fils de Joseph le charpentier et de Marie la mère au foyer, lorsque je dressais la crèche en moulant une grotte dans une boîte en carton avec du papier rocher, ce petit Jésus tout rose, couché sur son berceau de paille, souriant, les bras grands ouverts, tout juste vêtu d’une brassière, m’apparaissait comme un type pas ordinaire, c’est-à-dire un gars né de rien qui va devenir quelqu’un en donnant un coup de pied dans la fourmilière.
Naître dans un tel lieu, à Bethléem, sous le souffle d’un gros bœuf roux et d’un petit âne gris, entouré de ses parents à genoux – pauvre Marie – et de quelques bergers puis de gars de couleurs venu d’ailleurs, pour finir cloué sur une croix entre deux bandits de grands chemins, après avoir changé l’eau en vin à Cana, marché sur l’eau, multiplié les pains, chassé les marchands du temple, évité la lapidation à Marie-Madeleine… Ressusciter. Monter au ciel.
Un beau parcours ce Jésus, même s’il n’a jamais eu de Rolex vu qu’officiellement il n’a jamais eu 50 ans vu qu’il est mort temporairement à 33 ans, je trouve qu’il a réussi sa vie.
Ceci étant écrit, ce jeune type barbu et aux cheveux longs, qu’a-t-il fait dans la vie avant d’être le Messie ?
Aucune trace d’un quelconque métier alors c’est pour ça que j’ai toujours pensé que Jésus de Nazareth était un gavache (prononcer gabatch).
Sans doute est-ce mon passé de gardien des vaches du pépé Louis qui m’a permis de rêver, de me raconter des histoires. Quand tu as le cul assis dans l’herbe, adossé à un arbre, c’est le mieux qui te reste à faire : rêver !
Quand j’écris que j’ai toujours pensé ce n’est pas la stricte vérité car, étant né dans ma Vendée crottée, j’ignorais l’existence même des gavaches. Mais, ça n’enlève rien au tissu de mon histoire car ce Jésus je le voyais comme un type venu d’ailleurs, un étranger comme ces rempailleurs que nous désignions sous l’appellation de bohémiens. Des voleurs de poules disait-on. Je n’ai jamais vu l’une des poules de ma mémé Marie se faire tordre le cou par ces gens en roulotte.
Bref, ce n’est que bien plus tard, lorsque le grand Sud devint l’objet de mes occupations que j’ai découvert cette appellation qui collait comme un calque à mon histoire.
Dans son livre « le vin bourru » le natif, en 1931, de Colombrières-sur-Orb, village de 500 à 550 habitants situé dans la vallée de l’Orb, fleuve côtier qui traverse le département de l’Hérault, arrose Béziers et va se jeter dans la Méditerranée à Valras, Jean-Claude Carrière nous explique, bien mieux que je ne le ferais, ce qu’est un gavache.
« Juste un mot sur les gavaches (prononcer gabatchs). Ils vivent au nord, dans les régions froides et peu civilisées des montagnes centrales. Ils parlent patois et ne sont bons qu’à faire brouter les vaches. A certaines saisons ils descendent dans les terrains méridionaux comme travailleurs périodiques. C’est l’occasion pour nous de voir comment ils sont frustes et ignorants. Le gavache est la référence barbare. Il est ce qu’il ne faut pas être. A deux ou trois reprises, par suite de quelque bêtise, j’ai été menacé d’être envoyé dans la montagne pour garder les vaches avec les gavaches. J’en ai pleuré. Un vraie détresse.
J’ai longtemps cru que les gavaches étaient des gars à vaches. Beaucoup plus tard, travaillant en Espagne, je découvris que pour les Espagnols tous les Français sont des gabachos. Et j’appris l’origine de ce mot. Les Gabaches furent un peuple du Massif central qui, au Moyen-Âge, lorsque l’Espagne était encore verte (avant qu’on ne la dépouille de ses forêts pour fabriquer les galions qui vidèrent le Nouveau Monde), franchissaient la frontière pour venir y faire des récoltes.
Des journaliers, des saisonniers. Les Français ont été pendant plusieurs siècles travailleurs immigrés en Espagne. Il paraît que le mot existe aussi en italien.
On est toujours le gavache de quelqu’un. Il fallait s’y attendre. »
Vous comprenez sans doute mieux que ce Jésus, l’oublié de Noël, est pour moi un gavache… une forme de boumians, on dit roms maintenant j’en croise tous les jours sur les trottoirs de Paris, des estropiés, des femmes allongées…
« Chevalier, lui repartit le brave Sancho, vous n’êtes assurément qu’un gavache, avec vos injures : car mon maître, qui jase comme un prédicateur, et qui est aussi savant qu’un pape, m’a dit que les injures sont les meilleures raisons de ceux qui n’en ont point, et des lâches. Don Quichotte était dans une colère terrible de s’entendre traiter de lâche et de gavache. »
Pour la vérité géographique « Le Pays Gabay (prononcer gabaye), aussi appelé « Grande gavacherie », est une aire géographique située entre la Saintonge au Nord, l'Entre-deux-Mers au Sud et l'Angoumois à l'Est. »
Pour la vérité historique « À la fin de la Guerre de Cent Ans (1453) qui se solde par une victoire des armées du Roi de France (Bataille de Castillon), la Guyenne est ruinée et dépeuplée par les pertes humaines causées par les combats entre Gascons et Anglais d'un côté et Français de l'autre.
Les seigneurs gascons locaux font alors appel en masse à la main d’œuvre étrangère (Poitou, Angoumois, Saintonge, Limousin, mais aussi Périgord) pour cultiver les terres laissées à l’abandon.
L’autre appel de bras venus de territoires étrangers à la Gascogne fut conséquent aux pertes humaines causées par la peste noire qui sévit dans la région de 1520 à 1527.
Ces nouveaux occupants s'établirent jusqu’à Monségur, au Sud-Est de l’Entre-deux-Mers formant un îlot de langue d'oïl noyé au cœur de l'Occitanie.
Ils sont nommés par les Gascons « Gavaches » et on appelle ce noyau isolé la « Gavacherie », les « Gavaches » étant des « étrangers », entourés de Gascons, tandis que les populations frontalières des Gascons en Libournais étaient nommées « Gabayes ».
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En espagnol gavacho signifie canaille et désigne toujours celui qui vient de plus au nord.