Rappelez-vous dans le film d’Andreï Tarkovski « Sacrifice » ce gamin qui arrosait un arbre mort, dans l’espoir de le faire revivre. « Eh bien les enfants, il faut les arroser, avant qu’en eux ne meure l’enfance. Arrosez les enfants, arrosez-les, bon sang ! De sécurité. D’insolence. De joie. » Fanny Ardant
Il est des jours sans où le doute s’insinue en moi en une capillarité venimeuse, je me dis à quoi bon aligner tant de mots sur mon écran, batailler, exister dans un monde si peu soucieux de son devenir, si oublieux de ses propres enfants.
Et pendant ce temps-là le jeune Téo lutte dans le silence blanc d’un univers froid où la vie, la sienne, ne tient plus qu’à un fil.
Alors, impuissant je feuillette et je trouve ce texte Champs Stériles écrit voilà 20 ans.
L’enfant, né aux confins d’une plaine autrefois plantureuse, au milieu d’un semis de tours jetées par une main anonyme à même la terre nue, hausse les yeux au plus près du ciel.
Le nez collé sur le carreau de sa fenêtre accrochée au flanc de ce triste lego, il guette la mort du soleil.
Au pied de la morne paroi, des ombres accotées aux arbustes rabougris, avant que la nuit n’engonce la cité de sa camisole de peur, trompent l’ennui.
Blocs affublés de noms de fleurs alors que fuitent des cuisines des parfums de Paic citron.
Mais où sont passés les glycines ?
L’enfant espère le dernier chant des oiseaux mais ce n’est que le ronron de la télévision qui lui répond.
Alors ouvrir en grand les deux battants, se laisser aller dans le vent comme un cerf-volant, loin, très loin, là où les champs portent encore de lourds épis jaune d’or, piquetés de coquelicots et de bleuets, cernés par de hautes et profondes haies.
Planté au milieu des blés, les bras grands ouverts et le chapeau de travers servir de perchoir à oiseaux.
Le chant des loriots.
À l’école que sont devenues les cartes de France où, en couleurs vives, s’étalaient la navette, l’œillette et la garance.
Les seules couleurs qui scintillent à l’horizon sont celles des néons accrochés au béton gris du supermarché.
Reste pour s’échapper le territoire immense de son imaginaire, terre qui ne demande qu’à être fécondée.
Arrosez les enfants, arrosez-les, bon sang ! De sécurité. D’insolence. De joie.