LeRouge&leBlanc à 30 ans et toutes ses dents. Pour fêter ça ils se sont égarés comme des parigots dans le fin fond de la Vendée profonde et crottée pour se faire une petite idée de ce que sont les vins de la jeune AOC Fiefs-Vendéens. François Morel et Fabrice Tessier auraient aimés avoir de bonnes surprises mais au final ils n’ont eu sur les 45 vignerons que des confirmations faciles à résumer : Thierry Michon et Jérémie Mourat.
Je ne les démentirai pas mais, au-delà de ce constat un peu tristounet, ce qui m’a vraiment intéressé c’est ce qu’ils écrivent sur les assemblages de cépages.
Comme vous le savez je n’ai pas un goût immodéré ni pour les pourcentages, ni pour les assemblages de cépages. Pour moi c’est de la technique et, en tant que simple consommateur, assembler du cabernet franc et cabernet sauvignon ce ne sont pas mes oignons.
Ma remarque peut paraître iconoclaste, les cépages sont parties intégrantes de la notion d’AOC. J’en conviens aisément pour les appellations anciennes mais pour les nouvelles, qui ont poussé, tels des petits rosés dans un pré, ces dernières années, je suis et je reste dubitatif.
La constitution de la liste des cépages fut dans ces nouveaux territoires l’œuvre de techniciens et la part de soi-disant modernisme y est très prégnante. Ne parlait-on pas dans le grand Sud de cépages améliorateurs. Bien des cépages forts anciens y laissèrent leur peau car ils avaient beaucoup péchés sous la main de la productivité.
En Vendée, l’antériorité est facile à cerner « en 1958, le département possédait en majorité un vignoble d’hybrides 13 738 ha et de cépages prohibés 2993 ha représentant 92,70% des superficies en vignes et seulement 1034 ha de cépages français. »
Alors, tout restait possible sauf que les artisans d’une forme de typicité, très en vogue du côté des commissions de l’INAO bénissant la naissance des nouvelles AOC a de nouveau frappé.
Le carcan.
Résultat « Lors de nos séances de dégustations des rouges s’est ainsi vite imposée une réflexion quant à l’opportunité d’assembler de la négrette avec du pinot noir, du cabernet franc, du cabernet sauvignon, voire du gamay. Assemblage plutôt « contradictoire », comme le souligneront plusieurs dégustateurs, mais impératif pour être conforme aux critères de l’AOC, dont le « modèle », selon l’INAO, serait le Fiefs-Vendéens Mareuil Cuvée des Moulins Brûlés du vignoble Maquigneau-Brisson (40ù cabernet franc, 30 % gamay, 20% pinot noir, 10% négrette). L’objectif déclaré du syndicat serait à l’horizon 2021 un assemblage comportant 50 % de cabernet franc ( au moins 30% dès 2016) et au moins 30% de pinot noir. Loin donc des cuvées qui ont dominé qualitativement nos séries de dégustations. »
Moi je vois bien un certificat de conformité à l’uniformité. Le Vin de France a de beaux jours devant lui en Vendée. Quand on ne dispose pas de quartier de noblesse, et la Vendée connaît ce que fut la noblesse foncière, on peut toujours en acheter mais ça se sait. Mauvaise pioche !
Même si je risque d’y laisser quelques plumes j’ose affirmer qu’une telle vision des choses est très caractéristique des tendances lourdes de l’agriculture vendéenne, productive mais si peu innovatrice. Que de fois l’ai-je dit à Luc Guyau lorsqu’il était le patron de la toute puissante FNSEA grand machine niveleuse et purement défensive.
« Pour les blancs, si le chenin règne en maître, les dispositions légales imposent d’autres cépages en assemblage, comme le chardonnay, le grolleau ou le sauvignon. Mais nos visites dans le vignoble nous auront permis de constater que nombre de domaines, et quelles que soient leurs orientations, vinifient – sans le dire ouvertement… – en quasi monocépage. »
Grand classique que cette pratique mais, que diable, quand est-ce que l’INAO lèvera le pied par rapport à une politique de gribouille illisible et incompréhensible ? Je ne sais, et on va me dire que ce ne sont pas mes oignons. Sauf que la notoriété d’une nouvelle AOC ne passe en rien par de tels chemins.
Tout ça c’est vraiment petit bras !
Mais le pompon en Vendée ce sont les rosés « à quelques exceptions près – dont le rosé Reflets de Thierry Michon –, le constat est amer dans une région où ils représentent pourtant plus de 43% de la production ; pas d’émotions, une majorité de vins à la maîtrise œnologique « parfaite » (levures exogènes et vinification en température basse, soufre), mais sans âme. Regrettable, car la région accueille chaque année 2,4 millions de visiteurs – la deuxième destination en France, soit dit en passant –, qui constituent le gras des consommateurs de ces boissons d’été et n’ont, pour l’essentiel, d’autre image des vins de Vendée que celle-ci »
Un petit bémol au juste courroux de nos 2 missionnaires, qui ont une vision d’esthètes parfois un chouïa élitiste, je ne suis pas sûr que le gros de la troupe des vacanciers, qui hante les plages vendéennes, ne s’estime pas satisfaite par la « qualité » de ce breuvage rosé, bien au contraire je crois.
Pour le vendéen expatrié que je suis le problème ne se situe pas à ce niveau mais dans le modèle adopté par cette micro-appellation qui se contente de singer les grosses cylindrées.
Jouer la diversité, l’identité et l’authenticité, la signature, comme le font Thierry Michon, Jérémie Mourat et Christian Chabirand, est la seule stratégie qui peut tirer les Fiefs Vendéens vers le haut, en faire un « chapelet » de domaines qui trouveront leur place sur un marché moins encombré que celui des vins « œnologiques » où les grosses machines à vendre et marqueter savent inonder les rayons de la GD.
Pas sûr qu’après une telle antienne je ferais un tabac dans les travées vendéennes du prochain salon des Vins de Loire. La Vendée, la vraie, pas celle arasée par le remembrement, reste celle des chemins de traverses : les chemins creux pleins de mystère et de fraîcheur.
Dernière petite remarque je trouve que les dégustateurs de la maison LeRouge&leBlanc ont été d’une bien grande sévérité dans leurs notations. Trop de rigueur tend vers un rigorisme qui n’est guère encourageant pour ceux qui se battent pour porter haut le tout petit carré des vins de Vendée qui ont de la gueule, des tronches de vin, dans un environnement un peu rétrograde. Ça me rappelle par trop les soutanes des très chers frères du bienheureux Grignon de Montfort…