Oui mes biens chers frères, oui mes très chères sœurs, en vérité je vous le dis le vin délie les langues, le vin réchauffe le cœur, le vin élève le débat, le vin attise l’intelligence, le vin dessine des sourires sur toutes les lèvres, le vin donne de la lumière à tous les regards, le vin rend les hommes beaux, le vin rend les femmes désirables, le vin rend les femmes et les hommes bons, le vin est le seul lien qui unit sans annexer, en un mot comme un seul : le vin rend libre...
Je suis très bon public, j’adore les discours décalés, la bouffonnerie, le comique de répétition, les traits d’esprit assaisonnés de légèreté et vraiment dimanche dernier à Beaune le ludion Luchini, roulant comme à plaisir sur les jantes, m’a ravi. Je sais qu’il en énerve plus d’un mais, comme vous vous en doutez, ça n’est pas pour me déplaire. La petite vidéo qui circule sur le Net en témoigne : nous ne nous sommes pas ennuyés avec notre Fabrice très en verve sous l’effet magique de ce vin de Bourgogne qu’il découvrait. Il a su trouver le mot juste pour qualifier leur palette extraordinaire : « la nuance »
À l’heure de la vente du tonneau de charité Fabrice s’est emparé de la tribune, sans surjouer, tel qu’en lui-même il a su transmettre à la salle des vibrations, de l’émotion, bête de scène bien aidé par la pugnacité d’un Jacques Boisseaux qui, avec un allant coupant le souffle à l’assistance, lui tirant des ah de surprise, avalait l’obstacle sans sourciller : à 200 000 euros mon voisin anglais s’agitait puis à 300 000 il grimaçait : ils sont fous ces froggies ! La salle n’en croyait pas ses oreilles. Fabrice haranguait le peuple frigorifié au dehors, collé à la vitre, le réchauffait, en appelait à Victor Hugo, mettait le feu en chantant Johnny. Face à Jacques Boisseaux, à coup de 5000 euros le challenger relançait l’enchère. Même Fabrice restait un instant interloqué pressentant le sublime, le moment rare. La salle retenait son souffle, Jacques Boisseaux imperturbable, grand seigneur, y allait de son enchère à 400 00 euros. La salle debout trépignait, applaudissait, mon voisin anglais s’affaissait de douleur muette. Fabrice trouvait les mots justes, s’emparait de l’évènement avec humanité, et même si certains vont y trouver à redire, à ironiser, moi en ce milieu d’après-midi dans la halle de vente je trouvais ça beau.
Même si cela vous surprend en ce monde comme on dit financiarisé, pendant ces quelques minutes nous étions loin du charity buiseness, nous étions à Beaune en Bourgogne, nous ne nous sentions pas des nains mais une once plus humains... Merci Fabrice d’avoir à ta manière réhabilité les saltimbanques, les héritiers de Jean-Baptiste Poquelin dit Molière, ceux qui faisaient rire le peuple en se moquant des grands, ceux que l’on privait de sépulture. Merci d’avoir mis ton talent au service d’une belle cause. Moi j’avais à cet instant une pensée pour Danielle, la femme de mon grand-frère, emporté il y a quelques mois par ce foutu chancre qu’elle avait su défier pendant plus de 8 ans. Oui merci Fabrice d’avoir donné gratos deux journées de ta vie...