Nous sommes une meute. Nous chassons en meute, redoutés et redoutables, partout dans l’attente de nos notes dans les chais l’angoisse monte. Les meilleurs des châteaux tremblent. Les stars des longs nez et des becs fins stressent. Pour la France du vin nous sommes des Huns. Par rapport à notre férocité, Bob Parker est un agneau de lait. Implacables, incontrôlables, purs et durs, nous dégustons. Nous notons. Entre nous, nous nous marrons plutôt bien. Même si notre Margot à des côtés Diane la chasseresse notre petite bande de dégustateurs s’apparente plus au lycée Papillon – ça c’est la référence pour Michel-Laurent et moi – ou à Desperate Housewives – pour nos 2 filles Flore et Margot – qu’à un banquet de chasseurs de la baie de Somme. Reste que sous cette décontraction se cache un professionnalisme en béton Erwan, Mathieu, Yannick et, bien sûr notre doyen Michel-Laurent, gardent les colonnes du temple de la dégustation.
Comme nous ne faisons rien comme tout le monde nous faisions mardi notre rentrée de septembre en octobre en un lieu tenu secret, genre catacombes des premiers chrétiens – je suis de plus en plus Spi-Spi – afin de nous préserver de la concurrence. Erwan, notre grand organisateur, nous avait dégoté ce lieu du côté de ND de Lorette. Manquaient à l’appel Matthieu et Yannick partis par monts et par vaux. Nous avions un petit nouveau, un grand et discret jeune homme : Edouard. Notre exercice du jour initié par ma pomme consistait à déguster le panier que j’avais confectionné lors de ma razzia à la Grande Épicerie du Bon Marché http://www.berthomeau.com/article-36251348.html
39,30 euros mon panier
- L’orée du Bosquet vin de pays Charentais Merlot Cabernet 2008 4,90 euros
- Château Mas Neuf Costières de Nîmes 2007 5,70 euros
- Domaine Pero Longo AOC Sartène cuvée Sérénité 2008 blanc 8,10 euros
- Domaine de Cabriac Vin de Pays d’Oc 2007 5,20 euros
- Les Beaux Jours Coteaux du Giennois 2008 blanc 10,50 euros
- Pichot Roucas vin de pays de la Méditerranée 2008 4,90 euros
Et 3 petites boutanches acquises à la Cave Robuchon – le Joël étoilé – lors d’une Promotion – entre nous c’est plus classe que faire la foire aux vins – soit un Robert Skalli South of France VdP de l’Île de Beauté 2006 Pinot Noir à 9 euros, un Château Tire Pé Bordeaux 2007 rouge à 12 euros, un Côte du Rhône Brézème blanc Roussane 2007 Eric Tixier à 25 euros. Soit un total de 46 euros moins 20% = 36,80 euros.
Nous dégustons d’abord les 3 blancs : N°1 Coteaux du Giennois, N°2 Pero Longo, N°3 le Côte du Rhône Brézème.
Ça part très fort. Les petits loups ont les crocs et les pays boomers sont affutés. Erwan et Margot dégainent sans sommation sur ce Coteaux du Giennois. Ça fuse : typique du sauvignon blanc, exotique, bourgeons de cassis, feuilles de tomates. Quel nez ! J’ironise comme d’hab sur le vocabulaire. La répartie est sans appel : c'est dans le manuel. Je m’incline. Flore, en finesse, se glisse dans le débat pour souligner qu’en bouche il est ample, d’une absolue fraîcheur. Excellente longueur et une finale délicieusement parfumée de violette. Ce vin aérien s’appuie sur une belle matière. Aucune fausse note, Michel-Laurent donne ampliation à ce délicieux dithyrambe. La note tombe, belle, 15/20.
Notre second vin est un corse de Sartène, Pero Longo, AB/Demeter. Michel Laurent soucieux de l’éducation de nos petits loups décrypte et glisse quelques infos sur le débat bio au plan européen. Le nez plaît : muscat, coing, figue... Comme je m’y attendais voilà que les fruits compotés arrivent sur le tapis. Bien sûr, je ne peux m’empêcher d’y opposer le confituré cher à Perico. Michel-Laurent toujours bien à l’aise dans son rôle de sage confirme la pertinence de l’opposition : fruit et sucre séparés dans la confiture et intimement mêlés dans la compote. Margot, primesautière, le trouve sensuel, pas ML mais notre corse. Je confirme il est puissant. Gras avec une pointe d’amer agréable. Houblonné ! C’est Erwan. Je fais mon petit numéro sur la Pilsen Urquel. Les petits loups sont éblouis par la science du papy. Mais, je ne sais d’où vient le bémol mais il est unanime : la finale est un peu courte, ce vin est moins équilibré, sa puissance initiale laissait espérer un peu moins de douceur. La note est le reflet de cette ambivalence : 13 ,5/20.
Pour en finir avec les blancs je sors mon Côte du Rhône Brézème d’Eric Texier. Pour l’introduire je fais l’intéressant en soulignant qu’Éric Texier est un minimaliste dans la vigne, labourage et enherbage, et dans les chais. J’ajoute pontifiant qu’ils peuvent lire ma chronique du 23 mars 2009 http://www.berthomeau.com/article-29228704.html Tous m’écoutent religieusement sauf Margot qui n’aime les pontifes que lorsqu’ils sont souverains. Bref, trop de mots Berthomeau ! Couleur très prononcée : melon mur. « Montaigne était fou de melon » dis-je. Promis juré je me tais. Le nez est timide, délicat, minimaliste. En bouche il les déçoit. Manque d’intensité, étriqué, ne surprend pas. Espérait quelque chose de plus riche avec la Roussane. « L’habit ne fait pas le moine... » c’est du Margot. Très pomme grany. Michel Laurent tempère : ce Brézème est né dans un millésime difficile : 2007. Flore est bien plus indulgente, elle trouve que ce vin est bon pour faire aimer le vin. Beau compliment qui tempère la déception des autres et donne une note de 11,5/20.
Nous attaquons les rouges par la Charente, l’Orée du Bosquet 2008, un vin de pays qui ne séduit personne : nez poivron, le cabernet est d’un côté et le merlot de l’autre. Apre en bouche, maigre, manque d’équilibre. Stop ! 8/20 et dire qu’un Ministre m’a expédié en Charente pour prêcher la reconversion. Comme je n’y croyais guère je n’en ai fait qu’à ma tête et je n’ai aucun regret.
Le suivant, un pays d’Oc Domaine de Cabriac Merlot 2007, avec son nez de fruits très mûrs, ketches, cerise au kirsch « Mon chéri » versus Margot, déçoit Flore. Erwan prend la main pour souligner la rondeur, des tannins fondus et une bonne puissance tannique. Margot coupe court d’un « superficiel » sans appel. La finale manque d’ampleur et de profondeur c’est donc un petit 10/20 au final.
Nous attaquons le Pinot noir corse 2006 de Bob Skalli. Ils le trouvent très Pinot noir Nouveau Monde, Oregon, nez bonbon à la cerise, chaud, réglisse, cacao amer, un peu de réduction. En bouche soyeux, équilibré, du grain, du corps, pour Erwan à mille lieux du pinot noir classique sur le fruit, un peu lourd, eau-de-vie, ni Corse, ni Pinot noir. La discussion s’engage. Les filles l’aiment, le trouvent flatteur, fait pour les States. Pas de compromis possible 12/20 pour les mecs et 14/20 pour les nanas. Moi j’aime Bob et son vin.
Je l’ai acheté pour son étiquette sympa le Pichot-Roucas 2008 c’est un Vin de Pays de la Méditerranée qui nécessite une explication géographique puisque l’aire monte fort loin la vallée du Rhône. Suit un grand moment de notre Margot autour de la basse-cour, du poulailler et autres qualificatifs allant du Guano au pied de facteur. Je goûte tout le suc d’un vocabulaire très Béruréen – du Bérurier de San Antonio – et prends des notes. Nez syrah poivré cabernet poivron, animal, très coq au vin : la basse-cour toujours, rustique sans être rustre. En bouche c’est frais, fruits croquants, assez cohérent comme vin, bon équilibre général. Idéal sur les grillades. La note : 11,5/20.
Nous descendons le Rhône jusqu’au Costières de Nîmes Château Mas Neuf 2007. Nez chocolat, séducteur, appétissant, bel équilibre d’assemblage des 4 cépages Syrah (45%), Grenache (25%), Mourvèdre (15%), Carignan (15%). Qualifié de riche, lorsque soudain Margot nous projette dans la jungle guatémaltèque : le nez de ce vin relève du poivre mentholée naturel du Guatemala . Un must donc ! Un autre must serait sans doute de visionner une fameuse photo de Flore et de Margot dans la jungle guatémaltèque mais je pense que notre petit cercle s’en réservera l’exclusivité. Vous étiez prévenus les amis nos filles sont formidables. En bouche rond, équilibré, du velours, musclé, présent, un vin très mec pour Margot. C’est Michel Laurent qui a le dernier mot à déguster avec de la viande de taureau camarguais. Pour Margot, qui a passé la surmultipliée, à boire dans le Sud, à Paris c’est trop musclé. La note excellente : 15/20.
Nous terminons notre dégustation avec le Château Tire Pé Bordeaux 2007. Le silence se fait. Je pressens le grand moment. Il monte, il fuse. Le nez est sur le fuit mûr croquant. Finesse. Chaleur. L’instant est extatique. Erwan avoue que ce vin le réconcilie avec l’AOC Bordeaux. « Pas de bois c’est génial ! » je crois que c’est notre Margot qui s’enflamme. Bien équilibré, bien fait, tanins bien exprimés. Donne tous les gages d’une bonne garde. En un mot : EXCELLENT ! Nous allons le boire à table. Quel bonheur de finir sur une note enthousiaste : 16,5/20. Je suis aux anges. Je n’ai en rien influencé mes petits camarades dans leur élan qui fut unanime.
Notre PODIUM
N°1 : le Château Tire Pé Bordeaux 2007 www.tirepe.com/ 16,5/20
N°2 : Les Beaux Jours Coteaux du Giennois 2008 blanc emile.balland@orange.fr 15/20
N°3 : Château Mas Neuf Tradition rouge Costières de Nîmes 2007 www.chateau-mas-neuf.com/ 15/20