« La face cachée du vin » de Baraou&Septime, que je n’ai ni acheté, ni lu, mais que l’ami Stéphane Derenoncourt va m’offrir après lecture, agite le petit marigot de la Toile depuis que le Tambour Major, dit aussi Tonton Clarinette, alias Périco Légasse lui a apporté sa caution, j’écrirais même son onction extrême – Olif aussi d’ailleurs. Comme je suis à la fois un chroniqueur en cave particulière, ici, et chroniqueur coopérateur sur les 5 du Vin – où je suis comme un cheveu sur le crane de Yul Brunner en compagnie de gars qui savent de quoi y causent – j’ai commis un patchwork de l’affaire lundi dernier dans notre chais collectif. http://www.les5duvin.com/article-perico-legasse-quel-imbecile-ceux-qui-boivent-du-puzelat-comprendront-la-profondeur-de-sa-betise-56574833.html
Pas sûr qu’après avoir lu le bouquin de Baraou&Septime je chronique dessus. Pourquoi donc ?
Déjà le titre à un petit goût de « La Face cachée du Monde » de Péan ce qui voudrait donc dire que Baraou&Septime se glissent dans la peau de spécialistes de l’investigation pour lever le voile sur des comportements, des pratiques que l’on cache au grand public. Des faits concrets, des enquêtes approfondies, des révélations, pour étayer ce qui, qu’ils le veuillent ou non, revient à dire qu’il y a une face présentable du monde du vin et une qui, si vous me permettez l’expression, n’a pas les fesses propres. Convenez que ça n’est pas rien ! Les extraits que j’ai lus sur le site « les Picrates » de Facebook me troublent car le propos se rapproche plus du « côté obscur de la force »d’Anakin Skywalker de Star Wars que du journalisme d’investigation. Et c’est là de PM Doutrelant avec « Les Bons Vins et les autres » remonte à la surface de ma petite tête de chroniqueur sis en Corse depuis 3 semaines.
Ce matin je suis monté de bonne heure au Clos d’Alzeto.(chronique de 2008 http://www.berthomeau.com/article-22597044.html ) Le ciel était lourd d’orage. Avec Pascal Albertini nous sommes allés dans ses vignes, il les aime ses vignes perchées, il les bichonne, il en parle avec passion, elles sont belles, pas d’une beauté fabriquée mais de celle qui respire l’harmonie d’une sculpture façonnée de la main de l’homme. En trente années, du maquis improductif, à force de travail, de ténacité, d’intelligence, il a créé le Clos d’Alzeto. Et je me souvenais de ce qu’écrivait l’ami Jacques Dupont Merveilleux du Vignoble dans son livre « Choses Bues » « J’ai plutôt tendance à trouver ringards tous ceux qui n’ont du mot terroir qu’une définition naturaliste, comme si c’était le fruit d’une sorte de génération spontanée. Le terroir béni des dieux, créé de toute pièce par Dame Nature qui en aurait fait don aux hommes, me donne envie d’aller me coucher. C’est de la philosophie de syndicat d’initiative. » Alors de quel côté de la force placeriez-vous le Clos d’Alzeto, vous les messieurs qui vivez du vin, j’écrirais même sur le dos de ceux qui font le vin ? Sans doute est-il plus facile de vendre des mots que de faire du vin !
Je m’échauffe, pardonnez-moi. Que voulez-vous, je suis un peu vieux jeu, je ne peux me départir du respect du travail de ceux qui créent sans pour autant verser dans le tout le monde il est beau tout le monde il est gentil. Brosser le tableau d’un monde du vin en noir et blanc, en affirmant être en capacité de séparer le bon grain de l’ivraie, en s’arrogeant le pouvoir de dresser l’échelle du propre et du sale, relève de la posture et de l’imposture intellectuelle. Je ne sais si Baraou&Septime ont versé dans ce travers. J’espère que non ! Alors je reviens au bon côté de la force avec « Les bons vins et les autres » de Paul-Marie Doutrelant. Qui se souvient de PM Doutrelant ? Quelques-uns d’entre-nous sans doute qui l’ont connu journaliste au Monde puis au Nouvel-Observateur. Un bon vivant qui savait lever le coude tout en portant un regard plein d’empathie sur le monde du vin tout en gardant sa liberté de plume. Il ne se prenait pas le chou, il ne nous prenait le chou le Doutrelant, il s’adressait aux buveurs de vin, tout bêtement, tout simplement.
1976, une éternité, l’année de la démission fracassante de Jacques Chirac de son poste de 1ier Ministre, l’arrivée du Pr Barre, une décennie de basculement pour le vin national : déclin du vin de table, résistible envolée des AOC. Bien sûr, les écrits de Doutrelant ont pris quelques rides – cependant sur le Bordeaux par exemple ses pages sont une bonne contribution à la compréhension du phénomène AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur – mais ce qui m’importe aujourd’hui, plus que le côté factuel, c’est son approche du monde du vin de ce temps. Décontractée, rigolarde, impertinente mais sans le côté vachard ou donneur de leçons. Bien sûr que le Doutrelant il en a des copains dans le vignoble mais dans son bouquin il ne leur passe pas les plats. Il n’est pas sectaire, il n’excommunie personne, dans sa liste de ses 500 bonnes adresses y’a des vignerons, des coopératives et même des négociants. Moi ça me plaît le côté carnet de route impertinent. De plus c’est bien écrit ce qui ne gâte rien je vous assure. Bien sûr, en bon Français qui regrette toujours le bon vieux temps il ne peut s’empêcher de s’exclamer « France ton vin fout le camp ! » mais il n’en geint pas pour autant et surtout ne tombe pas dans l’élitisme. Bien au contraire, il est avant tout – je le suis aussi – un franc buveur « La fréquentation des caves incline souvent au lyrisme ou à la piété. Elle nous inspire plutôt bonne humeur et irrévérence. La d’entendre chanter des cantiques au pied de l’idole enivrante, il nous est venu l’envie d’envoyer un coup de pied dans la termitière des poncifs et des pantalonnades. Sacrilège ? Non, quand le vin est bon, nous ne connaissons qu’une manière de lui faire nos dévotions, c’est lever le coude. »
Pour tout vous avouer, le monde du vin qui chante son produit comme étant le plus beau support de la convivialité, qui nous rabat les z’oreilles avec son nouveau dada : l’oenotourisme, s’affiche de plus en plus dans le pontifiant, le « chiant » avec ses débats de chapelles, ses tirades de petits marquis, ses fait pas ci, fait pas ça, t’es un ceci, t’es un cela, ses annonceurs d’apocalypse, ses fouteurs de trouille, me gonfle parfois un peu, beaucoup, passionnément... Tout pondeur de rapport que je fus, tout pondeur de chroniques que je suis, je n’ai jamais fait partie du cercle des initiés, je n’en serai jamais et jamais au grand jamais je ne commettrai un opus sur le vin. Que voulez-vous moi ce qui m’intéresse c’est « l’extension du domaine du vin » pas les petites querelles entre initiés, ou les débats dans une cabine téléphonique, ou le déballage de poncifs ou l’étalage de propos rances. Bien évidemment, je n’ai rien contre les taillages de costards ou autres joyeusetés mais toujours avec un zeste d’humour, de bonne humeur. Ne pas se prendre au sérieux n’empêche pas de traiter sérieusement les questions que l’on aborde. Moi je m’y colle tous les jours, avec plus ou moins de bonheur, mais quand il faut lancer le débat sur le dossier OGM de l’INRA de Colmar je ne suis pas aux abonnés absents.
Pour en revenir à feu Doutrelant, pour le charrier un peu post-mortem, quand il écrit « Et puis à parcourir le vignoble, l’envie nous a pris de rompre des lances avec l’école laxiste qui le dirige : ce gentil Institut National des Appellations d’Origine (INAO), ces énarques de troisième rang qui font les choux gras du Ministère de l’Agriculture... » il se trompe et je me gondole gentiment car il n’y a jamais eu, avant l’actuel Directeur, d’énarques, de quelque rang que ce fut, à l’INAO. C’était la chasse gardée des IGREF avec un épisode Alain Berger qui venait de l’INRA et Jean-Daniel Besnard qui venait de l’Office du Lait. En ce temps-là, je puis vous l’assurer le Directeur de l’INAO, ce brave Pierre Marquet, comptait pour du beurre (normal avec les choux gras) les vrais patrons de l’Institut étaient les professionnels : des présidents bien sûr. Les fonctionnaires haut ou bas ont le dos large mais bon passons.
Reste le Baraou&Septime, je le lirai et après vous verrez : mon silence, si silence il y a, en dira plus long qu’un long discours...