Le texte de Guy de Maupassant ouvrait une porte que je me devais de franchir : celle des conditions d’extraction du soufre. Je le fais encore une fois au travers du texte d’Andrea Camilleri car celui-ci se fonde lui aussi sur un témoignage d’époque. Petit rappel à l’attention de tous ceux qui ne se soucient guère de l’exploitation de la main d’œuvre qui perdure allègrement dans les pays dit émergents. Tout ça pour acheter à des prix bodybuildés par un marketing flamboyant des fringues, des godasses de sport, des ordinateurs, des téléphones portables… La délocalisation permet dans beaucoup de cas le surprofit pour une petite poignée de gens comme au bon vieux temps des débuts de la Révolution Industrielle. Camilleri est un grand écrivain car il sait en quelques paragraphes mettre à nu des plaies sans pour autant jouer de ce que nos sociétés raffolent : l’émotion…
« Combien sommes-nous d’habitants à Vigàta ? » s’était demandé un jour le baron Raccuglia en discutant avec Lemonnier, l’ingénieur, et avant que ce dernier ait eu le temps d’ouvrir la bouche, il avait déjà la réponse toute prête : « Nous, huit ou neuf familles, plus une trentaine de familles bourgeoises. Trois cents personnes tout au plus.
- Mais enfin, on compte neuf mille âmes ! avait rebriqué Lemonnier.
- On compte, on compte quoi ? s’était sincèrement étonné le baron. Le reste ne compte pas, cher ami.
- Peut-être qu’elles ne comptent pas, mais elles sont là, avait insisté Lemonnier, un peu irrité. Vous n’allez tout de même pas me soutenir qu’elles sont invisibles. »
- Et puis, c’est, c’est sans danger, vous savez ? Soufre et eau de mer : deux désinfectants qui n’ont pas leur pareil. »