Ce texte m’est venu suite à la lecture d’une interview présidentielle dans Vitisphère. Mon premier mouvement fut de vous proposer, en la commentant, cette bouillie pour les chats et puis, réflexion faite, je me suis dit que ça n’en valait même pas la peine : vous m’en auriez voulu. Mais, vous me connaissez, je ne pouvais en rester là ma plume me démangeait. Que faire ? Attaquer bille en tête ? C’eut été sortir l’artillerie lourde pour pilonner une morne plaine. J’optai donc pour la relation d’un beau cas d’école : où comment fait-on pour se faire désigner Président !
Vu mon âge avancé – et comme vous le savez, depuis hier, je vogue paisiblement vers les terres inexplorées de la retraite à 65 ans – j’observe avec juste ce qu’il faut de distance, du moins je le crois, mais toujours avec gourmandise, les mouvements, les bruits et les chuchotements, à la fois de ceux qui font les rois et de ceux qui espèrent être rois. Comme maintenant j’ai pignon sur rue avec mon espace de liberté, que je baguenaude, vais et viens sans contraintes, que je suis urbain, que je n’ai plus le bras long, on se confie volontiers à moi, on m’interroge : « qu’en pensez-vous, vous qui… », on me sollicite. J’écoute. J’engrange. Ainsi, petit à petit, je fais ma petite pelote et je joue au petit télégraphiste avec mes amis.
L’histoire commence bien avant l’alternance, que certains craignaient, que d’autres espéraient, par la libération d’une belle présidence qui s’offrait aux bras serrés d’un homme qui en rêvait la nuit, le jour aussi, depuis qu’il était tout petit. En notre beau pays, et dans certains de nos terroirs profonds, surtout ceux qui comptent, des présidents il y en pousse à foison, élus pour certains, ce qui leur confère une forme de légitimité démocratique, désignés par le fait du Prince pour d’autres. Les hommes adorent être adoubés par les puissants, ça leur permet d’être sur des tribunes officielles avec eux, parfois même de discourir avant eux. Dans la panoplie de la notoriété être nommé par un Ministre de la République ça pose son homme.
Parfois le costume endossé par le nouvel impétrant paraît bien grand pour la carrure de ces hommes qui ont gravi vaillamment, patiemment, petitement, besogneusement, tous les échelons des appareils professionnels. Imaginez les affres par lesquels ils sont passés avant d’être désignés. Que de temps usé à grenouiller, à flatter, à actionner ses réseaux politiques, à déstabiliser la concurrence mais que voulez-vous rien n’est trop beau pour qu’enfin soient reconnus officiellement des mérites pas toujours évidents même pour leurs mandants. Je rassure certains de mes lecteurs qui furent ainsi désignés, ils furent l’exception qui confirme la règle : je puis en témoigner.
Comme vous vous en doutez j’ai connu beaucoup de présidents de toutes origines et de tout acabit, mais au 78 rue de Varenne, il est un must dans les désignations, c’est celui de la présidence d’une vieille maison qui eut son heure de gloire mais qui, à l’image de son implantation, semble s’enfoncer tranquillement dans une triste médiocrité. J’en suis bien triste et lorsqu’au début de cette année j’ai eu, par des sources comme l’on dit autorisées, la chance de suivre, en direct live, les épisodes de la désignation d’un nouveau président, j’ai repris espoir.
D’un côté, le favori, sûr de lui, comme toujours, et de l’autre le pressenti, je souligne trois fois le qualificatif car d’en haut, de très haut, il lui fut dit qu’on le verrait bien prendre possession de ce fauteuil. Manœuvre de diversion, un leurre, les jeux étaient-ils fait ? N’amusait-on pas la galerie ? Pas si sûr, car l’homme possédait le bon profil, la carrure ad hoc pour redonner à la vieille maison du souffle, de l’ambition. Je l’encourageais à y aller, et je n’étais pas le seul : mes grandes oreilles, entendaient que c’était l’avis de beaucoup de ceux qui comptaient dans le Landerneau concerné. J’en étais même étonné. Bien sûr je connaissais le capital de nuisance des défenseurs des droits acquis, ceux qui s’étaient laissé enfiler sans moufter la suppression d’autres droits. Normal ils n’allaient pas troubler le faste d’une présidence française du côté de Bruxelles et déplaire à leurs amis politiques. Ils seraient toujours temps pour eux de bramer. Ce qu’ils firent d’ailleurs, en chœur !
J’escomptais sur le courage du locataire du 78 rue Varenne. La meilleure personne au bon endroit, le sens de l’Etat. J’ai pratiqué une fois, mais c’était pour le fromage et l’homme avait une belle taille : André Valadier. Le pressenti qui, malheureusement pour lui était frappé d’une couleur pas encore à la mode, avaient des idées, un programme, une vision de l’évolution de la vieille maison, ses supporters se recrutaient dans toutes les régions, tous les secteurs, loin des clivages politiciens. Erreur majeure, en dépit du courage de certains au plus haut niveau, de leur ténacité, ce fut plié du mauvais côté. L’important était de confier les clés de la vieille maison à une personne sûre, du bloc des tenants de l’immobilisme maquillé sous leur soi-disant attachement au système. Attention, ne me faites pas écrire ce que je n’écris pas, l’homme bien en cour, appuyé par quelques barons des grandes régions, n’était pas dépourvu de qualités, bien au contraire, mais ce n’étaient pas forcément celles d’un réel réformateur. Gestionnaire certes mais est-ce bien de cela dont avait besoin la vieille maison perclus de rhumatismes et installée dans les délices d’une bureaucratie frileuse et besogneuse.
Mais qui suis-je donc pour écrire ce que j’écris ? Rien ! Queue de chique ! Rien qu’un petit observateur qui a vu ce qu’il a vu, entendu ce qu’il a entendu, et qui se contente, avec tout de même des précautions de Sioux, de vous livrer les clés d’une désignation. Des preuves m’objectera-t-on ? Aucunes, c’est parole contre parole. Et puis ça n’a plus aucune importance notre homme est Président, il peut se pousser du col, se croire important, donner une conférence de presse où la lecture de ses réponses m’a laissé pantois. Quel souffle ! Quelle vision ! Décoiffant ! Avec un tel élan donné la vieille maison va retrouver tout son lustre, toute son autorité, toute sa notoriété. Valait mieux en rire qu’en pleurer puisque, loin de la bonne langue de bois, nous frôlions, en matière d’éléments de langage, ce qui se faisait de mieux au temps de l’Union Soviétique.
Le bon peuple peut dormir tranquille son destin est entre de bonnes mains. La barre est bien tenue, le navire va se contenter de faire du cabotage pépère le long de côtes sûres. Mais de quel peuple s’agit-il ? De quelles côtes parlais-je ? Là est tout le mystère de cette chronique écrite pour les seuls initiés même si elle me semble assez transparente. Voyez-vous, si j’étais Ministre, ce que je ne serai jamais, j’engagerais de suite une vraie réflexion sur ce système de désignation, à tous les étages. Le système partisan pollue tout. La confusion de plus en plus patente, prégnante, entre le politique, au sens clientéliste, et le professionnel, n’est plus admissible. En effet les équilibres, les garde-fous qui présidaient autrefois à ce genre d’exercice ont été rompu laissant libre-cours à des pratiques qui enkystent le secteur dans un immobilisme mortifère.
Le pire dans cette affaire c’est l’indifférence !
Elle là, bien là, et c’est sur elle que surfent ceux qui tiennent le haut du pavé parisien et ça leur permet de faire accroire qu’ils sont vos représentants. Qui ne dit mot consent ! Ils s’expriment en votre nom. Ils se disent des corps intermédiaires mais ils sont plus connectés par le haut que par le bas. On a les dirigeants qu’on mérite. Par bonheur, privilège de mon âge canonique, je n’ai plus à les subir, à écouter leurs bas débit, leurs flatteries, c’est un vrai bonheur. Je ne suis pas très utilisateur des bras d’honneur je leur préfère l’exercice jubilatoire de la taille d’un petit costar aux justes mesures de la valetaille.
J’assume ce politiquement incorrect mais qu’on ne se méprenne pas j’attaque un système et non les hommes qui l’utilisent, en cela ne ils font qu’adopter une stratégie gagnante. Ils se situent sur le bon terrain, à la bonne hauteur. Ma seule requête de chroniqueur indépendant c’est qu’ils cessent de se draper dans une soi-disant légitimité pour se présenter comme les seuls représentants d’un secteur qui recèle des valeurs bien plus sûres. C’est faux. L’énergie, l’inventivité, l’intelligence sont ailleurs, loin des combats entamés dans une unanimité douillette, comme celui des droits de plantation. Pour être crédible mieux vaut livrer bataille pendant la bataille pas après. Mais où étiez-vous donc monsieur le président désigné ? À la pêche sans doute, pas aux voix puisque c’est une denrée dont vous n’avez nul besoin pour être désigné. Mieux vaut des amis, comme sur Face de Bouc, que des électeurs c’est plus sûr et plus efficace.
Pour plus de précisions je donnerai une conférence de presse demain 14 juillet en haut des Champs Elysée, au 138 avenue des Champs Elysée pour être précis.