Pour un oui ou pour un non, en ce moment je ressors à tout bout de champ des petits bouts de mon petit roman dominical :
« Nantes, à la bascule des années 60, le quai de la Fosse, ses anciens beuglants pour marins en mal d'amour de passage, comme le quartier de Pigalle à Paris, sentait le stupre. L'imagerie populaire mêlait pêle-mêle les bas-résilles des filles de joie, les ombres inquiétantes de types louches, les lumières tamisées de bars enfumés, faune interlope vivant en marge du corset des biens pensants.
Pour le provincial en goguette et le bourgeois nantais c'était le quai de la Fesse. Nous les étudiants y venions finir nos soirées. Je n'avais jamais pratiqué l'amour tarifé mais j'aimais bien tailler une bavette avec les filles, surtout lorsque j'étais pompette. Les talons des mocassins de Sylvie claquaient sur le macadam du trottoir, et je pensais qu'elle n'avait pas l'air d'une pute. Nous faisions très petit couple égaré dans un lieu de perdition. Dans la lumière jaune des lampadaires, les grues du port ressemblaient à de gigantesques squelettes noircis. L'air marin remontant le fleuve me revigorait. Mes idées noires se teintaient de sang, du rouge, de l'incandescent, une sale envie de me laisser-aller, d'être un enfant de salaud. Rompant le silence, « tu penses trop ! », Sylvie appuyait là où ça faisait mal. »
Oui, je le concède, « je penses trop ! », ce qui ne signifie pas que je pense bien ou juste, mais que je me pose trop de questions et qu'ainsi j’ai très mal fini.
Pensez-donc, hier j’ai retrouvé ça sur la Toile :
« Près d'un siècle et demi après que Napoléon III a confié un rapport sur L'Etat et l'avenir de la viticulture française au Bourguignon Jules Guyot, Jacques Berthomeau, contrôleur général des offices, s'est penché sur le système français avec son importante étude Cap 2010, publiée en 2002. »
Ce sont les gars de l’Express qui l’ont écrit en juillet 2003…
En arriver là, dans la peau, non de John Malkovich, mais d’un petit rapporteur, pour un gars qui a toujours aimé la nuit, celle que l’on passe hors son lit, où les chats sont gris et les lapins blancs, c’est bien pire que de ne jamais avoir eu une Rolex dans sa vie avant 50 ans.
Oui, je l’avoue, en ces années étudiantes j’ai passé bien plus de temps sur les banquettes de skaï des bars que sur les bancs de la Fac de la Jonelière. Ceci explique cela, je sais, je sais…
Temps béni des crèmes des petits matins, des journées entières passées au lit à écouter de la musique, à baguenauder, à refaire le monde et surtout à ne rien faire si ce n’est d’aller écouter Johnny Rivers chanter John Lee Hooker en live au « The Whiskey a Go Go » de Los Angeles.
Bien évidemment, en ce temps-là un billet d’avion coûtait une fortune pour un étudiant désargenté comme moi, je ne suis jamais allé au « The Whiskey a Go Go » de Los Angeles mais nous nous saoulions, plus de musique que d’alcool, dans les rades enfumés.
Depuis ce temps béni, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de la Loire et de la Seine mais en la défunte année 2013, en juillet, le 12 très précisément, le « système » m’a rayé du cadre actif, j’ai bénéficié d’une levée d’écrou et depuis je ne suis plus en liberté conditionnelle mais en liberté tout court.
Conséquence de la levée de mes fers, j’ai décidé que pour 2014, depuis 00:00 heure ce jour, mon nouveau statut sur Face de Bouc serait : chroniqueur de jour et Taulier du bout de la nuit au Lapin Blanc.
Vous allez me dire que je décoconne.
Oui, mais à peine, seul l’avenir vous apportera des réponses sur mes lignes. «Que Sera Sera»…
Pour ceux qui ont envie de se plonger dans les lignes de mon petit roman voici la suite du texte :
« La boîte affichait « strip-tease permanent » et, en effet, une fois la porte poussée, sur un fond musical sirupeux, nous découvrions une gamine malingre avec des seins œufs aux plats, des canes de serin et des hanches en porte-manteaux, se trémoussait sur une scène en asticotant son entrecuisse avec son soutien-gorge. Le public clairsemé, quelques voyageurs de commerce en costume-cravate, une poignée de messieurs propres sur eux, des petits maquereaux caricatures de petits maquereaux et un petit vieux tout racorni, s'ennuyaient ferme sur des banquettes recouvertes d'un tissu pelucheux orange. Des filles fatiguées, en bas résilles et bustiers noirs, tentaient d'activer la consommation. Posées sur les tables, des lampes chapeautées de crinolines diffusaient une lumière rougeâtre. En terrain connu Sylvie se voyait saluer avec obséquiosité par la barmaid, qui semblait être la patronne, une poufiasse grasse et blondasse. Tout était à chier, surtout la musique. Nous nous assîmes dans une sorte de niche demi-circulaire éclairée par une lampe sur pied, une Betty Boop rousse et sensuelle. Sylvie se défaisait de son blouson. Elle avait gardé son Marcel mais libéré ses seins de toute entrave. Ils restaient hauts et pointaient sous le coton tendu. Avachi sur la banquette je la laissais se glisser tout près de moi. »
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