Toujours le poids des mots : oser l’extase au pays de naissance de Pierre Abélard, surtout connu auprès du grand public pour sa liaison tragique avec Héloïse, c’est gonflé quand on sait ce qu’il advint à ce pauvre Abélard pour le punir de son péché de chair. Moi qui suis border line, et un poil provocateur, je ne puis m’empêcher de d’écrire : ça sent le soufre ! Mais au-delà des mots il y a les hommes, en l’occurrence ici, au Pallet, dix vignerons qui affichent « plus forts ensemble que le plus fort de l’ensemble » et, comme vous vous en doutez, moi qui n’aime rien tant que les aventures collectives ça me plaît.
Le Pallet c’est à deux pas de Nantes donc dans le vignoble du Muscadet. Là encore les plus fidèles des fidèles, ceux qui lisent depuis l’origine mon petit roman du dimanche, savent que Nantes est cher à mon cœur de jeune homme qui n’avait pas tout à fait 20 ans en mai 68. Pour le Pallet mes souvenirs sont plus anciens, ils remontent au temps où la Vaillante Mothaise, club de basket lui aussi cher à mon cœur de Vendéen, jouant dans la ligue Atlantique, se déplaçait au Pallet, soit le bout du monde pour les gars de la Mothe-Achard qui y allaient en car. Moi j’étais encore en culotte courte et c’est mon frère aîné Alain qui portait le maillot blanc de La Vaillante, club du patronage bien sûr, les laïcs eux tapaient dans le ballon au FCM. Au XXIe à la Mothe-Achard ce sont les filles qui portent haut le basket et on me dit qu’au Pallet les gars ont connu les beaux jours de la Nationale...
Je sais, je sais, nous ne sommes pas là pour bavasser sur le ballon, quoique un petit ballon de Muscadet du Pallet je suis sûr que vous ne diriez pas non. Bref, revenons à nos dix larrons. Si j’ai bien compris le scénario, ce qui les a réunis c'est la volonté de créer un cru communal « Le Pallet ». Alors ils se sont collés à des formations techniques « du sol au verre » avec une géologue et un oenologue du GDDV (groupement de développement viticole) de l'Anjou qui travaillait selon la méthode Hérody, il s'agissait pour eux de mieux comprendre leurs sols – le terroir pour les intimes – et d'optimiser ce potentiel en vinification, pour trouver l’identité communale de leurs vins. Donc démarche collective classique mais pendant ce temps là, chacun dans son coin, nos garss s'essayaient à élaborer ce type de vin selon un cahier des charges commun à l'ensemble du muscadet avec plus ou moins de réussite. C’est sans doute pour cette raison, mais aussi parce qu’ils avaient appris à réfléchir et à travailler ensemble, donc à mieux se connaître, qu’ils ont décidé, à 10 vignerons, de créer la SCA Vignerons du Pallet pour élaborer en commun le millésime 2007 « selon un cahier des charges spécifique et plus pointu que le cadre général ( grattage du sol, vendange en vert, maturité optimale, pas de chaptalisation, élevage sur lie de 18 mois, 15 à 20% de fûts neufs, malo partielle...). »
Voilà l’histoire reste à parler des vins et là je ne peux pas puisque je ne les ai pas goûtés. Faut pas m’en vouloir je ne suis qu’un artisan qui fait tout à la main. Donc pour parler des vins je laisse la plume à Michel Bedouet, l’un des 10, un gars de l'ABV, : « Nous avons fait une véritable révolution culturelle en créant nos différentes cuvées :
« Les roches blanches » et « Les roches noires » sont nos deux cuvées découvertes, elles sont notre signature géologique, par leur élégance elles sont une invitation aux plaisirs du Pallet .Ce sont deux muscadet Sèvre et Maine vinifiés et élevés sur lie.
« Jubilation le Pallet » est notre cuvée d'appellation communale, ce grand vin de Loire Bretagne est la quintessence de notre grand terroir et du meilleur de nous mêmes. C’est un muscadet Sèvre et Maine Le Pallet qui a vocation à devenir l'appellation Le Pallet (la commission nationale de l'INAO est venu pour la première fois dans notre vignoble visiter trois futures appellations communales : Gorges, Clisson et le Pallet). La vinification et l'élevage sont conformes au cahier des charges évoqué plus haut.
Reste le mystère « O » comme « Overdose » ou comment dire autrement que par les mots que le vin est un produit culturel et que le seul risque encouru à déguster cette bouteille rare est une overdose de plaisir. Cette cuvée baptisée « Overdose » est un vin de France, il s'agit d'une vendange tardive mise en à fermenter dans une barrique neuve enterrée pendant 18 mois et qui a fermentée pour partie en automne suivant la récolte, pour terminer au printemps suivant, les anciens l'appelaient le vin muet car on ne l'entend pas fermenter. »
Comme vous vous en doutez je ne peux pas laisser le dernier mot aux gars du Pallet, il faut que je ramène ma fraise à propos de la cuvée « O ». Pour moi « O » évoque plutôt « Histoire d’O » de Pauline Réage, qui défraya la chronique en 1954 et qui parut avec une préface extatique de Jean Paulhan: « Enfin une femme qui avoue ! Qui avoue quoi ? Ce dont les femmes se sont de tout temps défendues (mais jamais plus qu'aujourd'hui). Ce que les hommes de tout temps leur reprochaient : qu'elles ne cessent pas d'obéir à leur sang ; que tout est sexe en elles, et jusqu'à l'esprit. Qu'il faudrait sans cesse les nourrir, sans cesse les laver et les farder, sans cesse les battre. Qu'elles ont simplement besoin d'un bon maître, et qui se défie de sa bonté... » L’overdose, même de plaisir, n’est pas vraiment ma tasse de thé puisque c’est l’épectase qui, dans son sens le plus connu selon le Robert, est la « mort durant l’orgasme ». C'est ainsi que le cardinal Daniélou passa de vie à trépas...