Dans un Paris au mois d’août venteux, pisseux, désagréable à souhait, passer du temps devant son écran, être cloué chez soi, favorise ma graphomanie. Et pourtant je suis bien aise lorsqu’une bonne âme me vient en aide, me libère de ma chronique journalière « paix sur la terre aux hommes de bonne volonté », je me permets de citer Flaubert en titre et demain j’irai déposer PAX sur Twitter.
Ici Paris libéré… le taulier est dans ses petits souliers… la saison 3 de Pax est arrivée…
Les années de voyages
«Les exemples vivants sont d'un autre pouvoir, un prince dans un livre apprend mal son devoir»
(Pierre CORNEILLE, Cid, I, 3)
Il est bien connu que l’apprentissage, en France, est le parent pauvre de la formation de la jeunesse. Une fois encore regardons outre Rhin ou GOETHE, pour exposer ses théories, réflexions et propositions, écrit « Wilhelm MEISTER » en 2 tomes – « Les Années d’Apprentissage et les Années de Voyage ». Il met autant en évidence qu’il ne reprend cette notion de voyage qui apparaissait comme complément indispensable à toute éducation. Ainsi, en France, le Tour de France du Compagnonnage ou en Angleterre Le Grand Tour, certes réservé à la jeunesse aristocratique.
En route donc !
C’est avec la fine équipe formée autour de Paul BRUNET que nous prîmes goût aux périples.
Les 3 Glorieuses à Beaune avec des rencontres dont la moindre ne fut pas celle de Michel COUVREUR à Bouze-les-Beaunes. Fantasque belge, courtier en vin « ruiné » par la mise en bouteille au domaine, Il avait acquis ( ou fait creuser ?) des grottes taillées dans la roche, par peur de la guerre atomique, Il les faisait visiter avec fierté ainsi que les trésors qu’elles conservaient, avant de nous faire participer à un diner dégustation.
A cette occasion il nous racontait ses « campagnes et ses combats». Nous buvions autant, sinon plus ses paroles que les vins et ouiskis proposés. Michel COUVREUR était certes un original mais ce qu’il faisait et disait était frappé au coin du bon sens et apportait une authenticité non négligeable à ses idées. Il s’était mis à faire du Calvados et vous invitait à le boire frappé car disait-il « C’est un alcool de fruit » J’ai terminé ma dernière bouteille il y a peu la dégustant égoïstement car le produit n’était plus commercialisé.
Les 3 Glorieuses étaient devenues, pour la clique, une tradition et nous nous y rendîmes plusieurs fois, avec ses rituels, tel le déjeuner dégustation « Chez Camille » à Arnet-le – Duc qui nous régalait entre autre, d’œufs en meurette d’anthologie et quand il n’en avait pas prévu dans le menu qu’il nous proposait, m’en glissait subrepticement une portion entre deux plats, pour dérider ma mine dépitée devant cette omission.
A l’occasion des 3 Glorieuses, à notre demande, « Lameloise » à Chagny nous composa un menu de près de 10 services avec accord plats et vins. Le nombre de couverts fut définit avec le maître d’hôtel en fonction du nombre de verres contenus dans une bouteille et qui devint l’unité pour ouvrir ou fermer la liste des réservations.
La visite chez Michel COUVREUR entrait dans ce rituel et une certaine complicité s’installa entre nous deux lorsqu’il décida de savoir quelle était la technique la plus adéquate pour élaborer le meilleur Armagnac : la simple ou la double chauffe. Selon son habitude, il descendit dans en Armagnac, vendangea et vinifia lui-même la folle blanche et avec la complicité du brûleur, élabora un Bas Armagnac issu d’une simple chauffe et un autre issu d’une double chauffe. Il en remonta 2 fillettes à Bouze-les Beaunes qu’il laissait vieillir.
Chaque année nous gouttions pour suivre l’évolution qui selon les périodes rendait l’une des techniques supérieure à l’autre sans qu’un vainqueur ne s’affirme vraiment. Le dimanche midi sur le retour, on terminait notre ballade en dégustant une pochouse au bord de la Saône à St Jean de Losne. Paul Brunet, en Champagne, nous fit également découvrir Paul BARA à Bouzy qui fut une belle surprise pour nous qui ne connaissions que les champagnes de grandes marques. Il devint le champagne préféré de mon père. J’ai regretté de ne pas le trouver dans « Champagne le rêve fragile » de Samuel COGLIATI chez POSSIBILA éditeur. Peut être parce que ce n’est plus l’artisan que j’ai connu, bien que COGLIATI évoque, avec raison, la maison DRAPPIER pourtant récoltant manipulant.
J’ai eu l’occasion de retourner en champagne avec une amicale d’œnologue qui organisait des voyages en y associant des œnophiles et qui a eu le tort de m’accepter comme membre. C’est ainsi que j’ai visité MOET et CHANDON dont les installations ressemblaient à l’univers d’un Docteur NO ou un plateau de tournage de James BOND. Mon mauvais esprit, mon incorrection politique chronique érigée en principe de vie me fit exclure, après quelques années quand même, démontrant mon erreur et illustrant ainsi l’adage de Groucho MARX déclarant qu’il ne ferait jamais partie d’un club capable accueillir un membre tel que lui. J’en ai retenu cependant que cet industriel provoquait systématiquement la fermentation malolactique (ce qui facilite l’identification à l’aveugle de ce champagne).
Hormis les sempiternelles visites de caves ou les cuves étaient plus cuves que dans la cave précédente, les levures plus levures, les voyages furent souvent passionnant grâce à des participants de grande valeurs tant humaine que professionnelle.
Je me souviens du vignoble d’Anjou ou je découvris des piquets de vignes en ardoise et le discours anthroposophique et quelque peu illuminé de Nicolas JOLY.
Je me souviens aussi de la Savoie et du Jura que je connaissais déjà, compte tenu de sa proximité avec l’Alsace. Je me souviens encore du vignoble des Côtes du Rhône septentrional qui commençait à être à la mode. Quel étonnement : des vins « soyeux » entre les tanniques bordeaux et les gouleyants bourgognes ; des conditions de cultures acrobatiques sur des microparcelles escarpées interdisant toute mécanisation ou recours même au cheval par exemple.
Nous visitâmes cette incongruité de CHATEAU GRILLET ; AOC à lui tout seul. L’accueil fût comique car vraisemblablement en pleine période de succession .Nous dérangions manifestement notre hôtesse toute dans ses préoccupations de savoir à quelle sauce elle serait mangée. Elle nous laissa à nous-mêmes, n’octroyant l’accès à la cave qu’au compte-goutte (pour ne modifier ni hygrométrie ni température alors que le temps de septembre était sans influence notable sur ce plan. Derrière la porte de cette cave un rideau à lamelles de plastique fort comme dans les réserves climatisées des super- marchés !)Nous pûmes acheter du vin, en cassant, déjà, notre tirelire, à condition qu’une seule personne prenne les commandes et fasse un seul chèque ! Aujourd’hui cette curiosité et tombée dans l’escarcelle de LVMH. Ce bon M.ARNAULT s’empressant de relever les prix, réserve, à présent, ce vin aux buveurs d’étiquettes dont la qualité essentielle est d’être solvable.
Note du Taulier : mon cher Pax en juin 2011, c'est François Pinault, le grand ami de bernard Arnault, qui rachète le domaine via sa holding Artémis. Château-Grillet appartenait à la famille Canet, descendant de la famille Neyret-Gachet, depuis 1830.
Un voyage en Provence fut également heureux. Visite enrichissante de 2 maisons aux antipodes l’une de l’autre : le charmant vignoble AOC de BELLET et l’industriel Domaine OTT à la réputation incompréhensible mais figurant, en bonne place, à l’époque sur toute les cartes de vins des restaurant alsaciens !
Avec cette aimable association je découvris également de très intéressants vignobles européens.
Mais je m’aperçois que le temps qui m’est imparti est achevé. Alors, au bon plaisir du Taulier, la suite….par la suite…
Patrick axelroud Strasbourg le15 août 2014