Dauvergne&Ranvier ça sonne BD, comme Floch&Rivière et ainsi la boucle est bouclée puisque c’est le Grand Tasting de B&D : Bettane&Desseauve voir ma chronique Bettane&Desseauve 2009 by FLOC’H http://www.berthomeau.com/article-22808007.html pour saisir le lien, qui me permet de consacrer une chronique à ce duo de jeunes créateurs de vin. Pour être plus précis, avant de m’intéresser à leurs œuvres, je vais d’abord vous parler du seul que je connaisse depuis un bail : François Dauvergne. Nous nous sommes croisés sous les ors d’une salle à manger de la République sis rue de Lille où un connétable de Bourgogne, répondant au prénom de François, Ministre du Commerce et de l’Artisanat mais aussi, vous vous en doutez, fort soucieux de tout ce qui touchait à la vigne et au vin, avait convié à déjeuner une poignée de dangereux agitateurs d’idées : certains rédacteurs de Cap 2010. François faisait ses classes dans la vallée du Rhône pour le compte d’un grand négociant bourguignon grand ami du François Ministre et connétable de Bourgogne.
Ce qui m’avait de suite accroché ce jour-là chez François Dauvergne ce fut, bien sûr, sa précision, sa discrétion, sa passion pour le vin mais plus encore son souci réel d’établir avec les vignerons une relation de confiance. Langage neuf dans le monde du négoce français plus porté sur l’envie de faire de « bonnes affaires » au coup par coup que sur l’établissement de liens durables avec la propriété. N’en déplaise à certains ce n’est pas de l’angélisme ni du discours pour faire joli mais l’un des leviers à utiliser pour redonner à une part de notre viticulture – et aussi d’ailleurs de notre agriculture qui continue d’appliquer à ses relations avec l’aval des méthodes syndicales – un nouveau dynamisme et des raisons de croire en l’avenir. Donc ce jeune homme, un peu intimidé, au sourire éclairant une réserve naturelle, apportait de l’eau à mon moulin et vous vous doutez bien que j’inscrivis son nom sur mes tablettes et que je suivis son parcours professionnel avec attention. En 2004, le voilà qui vole de ses propres ailes en s’associant avec Jean-François Ranvier. L’enthousiasme des deux compères va très vite convaincre des vignerons de leur confier quelques parcelles prometteuses pour qu’ils puissent y exercer leur savoir-faire.
De la vigne à la bouteille que font-ils nos D&R qui n’ont pas de château, ni de domaine et donc des vignes ? « D’un domaine à l’autre ils agissent à toutes les étapes : conseillant pour les plantations, veillant à la taille, recommandant d’enherber ou d’ébourgeonner, dégustant les raisins, ils vont jusqu’à choisir avec les vignerons les dates de vendanges [...] Lorsque vient le temps de la récolte, dans chaque domaine, les raisins sélectionnés sont vendangés à part puis vinifiés dans des cuves qui leur sont dédiées. » Naissance du vin menée avec des soins patients et attentifs puis c’est le temps de l’élevage « temps suspendu, temps d’attente dont le rythme lent berce leurs vins » Et puis, « à chaque vin son fût et nos 2 compères sélectionnent eux-mêmes les origines et la chauffe de leurs barriques. » Vous comprendrez donc plus aisément que moi, fils de couturière, j’ai intitulé cette chronique « des vins sans coutures » et, comme l’aurait dit maman, tout est dans le drapé, l’art de donner à la matière de l’ampleur, de la structurer sans lui ôter son grain, velours ou soie, crêpe georgette ou organza... Les vins de François Dauvergne et de Jean-François Ranvier sont des vins rares dans le sens où, comme dans les grandes maisons de coutures, hormis le génie du créateur, c’est la succession des gestes des petites mains qui donne naissance à un produit à la fois unique et chaque fois renouvelé. Le vin est sans conteste le domaine où l’artisanat, cet art de la main prend tout son sens car ici la matière est vivante.
Nos créateurs de vins « off shore » de Rhône Valley présentaient au Grand Tasting leur collection : 1 Côte du Rhône : Vade Retro 2009 dont je me disais en le dégustant « si tous les côtes du rhône étaient de cette facture, nul n’aurait besoin de s’interroger dans les sphères professionnelles sur lien au terroir... », puis, en n°2, venait la pièce la plus accomplie du défilé : le Gigondas 2007 Vin Rare car il est exceptionnel, de quoi exciter les neurones des jurés du Wine Spectator qui n’aiment rien tant que les perles de la Rhône Valley. Ce vin sera en rayons chez Monoprix à partir de février puisqu’il a été sélectionné par le jury de Monoprix Gourmet (lire la chronique « À Grains Nobles une labellisation Gourmet Monoprix avec B&D au pupitre http://www.berthomeau.com/article-31056996.html pour être l’une des stars). Si vous accordez une confiance minimale à mes capacités de « long nez et de bec fin », et si vous avez un Monop près de chez vous, courez-y vous ne serez pas déçu du voyage c’est de la belle et fine ouvrage. En 3 venait le Châteauneuf-du-Pape 2007 de belle facture et d’un rapport qualité/prix tout à fait exceptionnel : moins de 20 euros. Le dernier vin à monter sur le podium était une Côte Rôtie 2007 Vin Rare qui tout comme le Gigondas vaut le détour. Sans vouloir couvrir de fleurs nos jeunes créateurs je me dois de souligner, leur modestie dut-elle en souffrir, que leur plateau de 4 vins était en tout point remarquable et surtout signé du fait de leur finesse et leur élégance.
R&D Vins c’est aussi Jean-François Ranvier, ingénieur agronome et œnologue qui a été directeur de labo-conseil (ICV) puis responsable des achats chez Bernard en même temps que François Dauvergne. C’est l’homme du suivi des vignobles et des vinifications alors que François Dauvergne est plus axé sur le commerce. Pour ce qui concerne l’étape cruciale des achats et des assemblages ce sont les deux qui officient de concert. R&D Vins c’est aussi une activité de conseil axée sur le haut de gamme et le suivi des conversions bios Une des propriétés suivies en conseil a eu un 100/100 de Parker. La liste de leurs récompenses est fournie et témoigne de leur esprit d’excellence tourné vers des vins accessibles. En effet, ils développent 3 gammes de vins :
- Dauvergne Ranvier qui représente la gamme la plus ambitieuse en termes de qualité tout en restant à un niveau de prix raisonnable.
- une gamme de vins plus "cœur de marché"
- une gamme de domaines et châteaux.
Faire du vin, son vin, sans posséder ou détenir en propre un vignoble, doit laisser pantois ceux qui affichent sur leur vitrine « vins de propriétaires ». Vous connaissez mon peu de goût pour cette dénomination très caractéristique de notre beau pays où est né le code Napoléon, ce code civil qui est le socle de la propriété privée. J’arrête car certains vont me traiter de « collectiviste ». Cependant, si nos deux compères peuvent ainsi se déplacer dans les vignes, les domaines et les chais, c’est parce qu’ils ont su créer un réel climat de confiance par le respect de la parole donnée. Autant que je sache, si ça fonctionne, c’est que les deux parties y trouvent leur compte : c’est du partenariat. Bien mieux que les beaux discours, les appels à l’aide des pouvoirs publics pour aider à vendre le vin produit ne serait-il pas plus judicieux de faire produire ou élaborer le vin par ceux qui savent le vendre. Que je sache passer 2 jours derrière une table de dégustation au Carrousel du Louvre n’est pas tout à fait une sinécure et comme François Dauvergne sait, mieux que beaucoup, faire partager sa passion du vin, de ses vins, et comme de surcroît ce sont d’excellents vins, je n’ai pas trouvé mieux comme méthode. Bonne pioche, ne croyez-vous pas ? À Paris, à Londres, à Hong-Kong, à Shanghai ou à New-York...