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6 novembre 2012 2 06 /11 /novembre /2012 00:09

  

 

Ne manquait qu’un voiturier au bas des marches du Petit Palais lorsque je me pointais sur mon grand destrier noir ce lundi en fin de matinée pour honorer de ma présence de VIP (c’était inscrit sur le carton d’invitation) une dégustation du millésime 2010 des GCC de Bordeaux (pléonasme). Pour les non parisiens et les non enduit de culture, à quelques encablures, de l’Elysée et des Champs Elysée se dressent des Palais : le Grand et le Petit qui se font vis-à-vis et, même depuis quelque temps pour faire un peu d’argent ils ont posé au flanc du Grand un Mini Palais www.minipalais.com qui fait restaurant-bar-lounge de 10h à 2 h du matin. Comme on n’est jamais si bien servi que par soi-même voilà ce que son site dit : « A deux pas des Champs Elysées, dans la partie la plus noble du Grand Palais, le Mini Palais se dresse majestueusement sur l'avenue Winston Churchill. Ses colonnes impériales le rendent reconnaissable au premier coup d'œil. Le Pont Alexandre III nous offre sa plus belle vue, la Seine coule paisiblement à quelques mètres d'ici… Nous sommes au cœur du Triangle d'Or. Dans ce haut-lieu artistique parisien, Le Grand Palais et le Petit Palais existaient déjà pour faire vivre l'art d'hier et d'aujourd'hui. Il ne manquait que le MINIPALAIS pour compléter ce décorum grandiose et proposer un art plus éphémère qui n'existait pas encore dans ce bel ensemble : la gastronomie… »


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Quittant les lisières interlopes de Paris, chères à Patrick Modiano, ce Palais des Congrès de la Porte Maillot digne des congrès des gros betteraviers des plaines du Nord et de l’Est, pour se poser au cœur du Triangle d’Or pour les GCC c’est aussi normal qu’un nez posé au beau milieu de la figure. Pour le Taulier juché sur son destrier c’est plus commode. Gravissant les marches du Petit Palais sur le mode Chaban, l’échine souple, l’œil pétillant, je passais le portique sans couiner pour aller me faire étiqueter avant de me faire scanner par un sbire tirant une gueule de trois pieds de long. Les mecs en noir se la pètent grave dans le style des vendeurs de fripes de luxe de l’avenue Montaigne qui vous toisent comme si vous étiez un Rom parce que vous êtes fringué à votre goût qui n’est pas le leur vu qu’ils n’en ont pas. Ces molosses en fait veillaient au grain protégeant la pile de verres Riedel des pique-verres qui sévissent dans les dégustations. En général le pique-verre est aussi un pique-assiette et il se repère très facilement à sa capacité d’être sur les trajectoires des serveurs.


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Bref, les organisateurs par la grâce de 2 dames, qui ne sont pas des drôles de dames mais de fines lames, avaient mis les petits plats dans les grands via Fauchon. Dans mes propos nulle trace d’ironie cette dégustation était à la hauteur : lieu somptueux où il est aisé d’aller et venir, de converser, y’avait même quelques canapés, de déguster et de cracher. De la lumière ça aide surtout face à l’ampleur de la tâche : Graves, Pessac-Léognan, Saint-Émilion Grand Cru, Pomerol, Listrac-Médoc, Moulis-en-Médoc, Haut-Médoc, Médoc, Margaux, Saint-Julien, Pauillac, Saint-Estèphe, Sauternes et Barsac , 136 châteaux présentés. Mon défi : déguster ! Les prendre en file indienne, verre tendu et me soumettre sans me démettre à l’exercice dégustatif. Bien sûr je n’ai pas tout dégusté car, avec les blancs secs, une vingtaine, j’aurais atteint mon plafond d’incompétence qui se situe très bas. Petit besogneux j’y suis allé de bon cœur alors que les dégustateurs connus des revues, eux, conversaient montrant ostensiblement ainsi à la piétaille qu’eux n’avait nul besoin de ce type de raout puisqu’ils dégustent en privé. L’important pour ces mini stars c’est de se faire voir et surtout d’être vu de ceux qui comptent et, accessoirement, de se nourrir de l’excellent hachis Parmentier tout en cherchant de s’approcher de la Présidente des GCC. La routine quoi !


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Bien évidemment je ne vais vous livrer toute l’étendue de ma vacuité en exhibant mes notes de dégustation posées sur le carnet ad hoc aussi indemne de toute souillure d’écriture qu’une vierge. En revanche, petit à petit, mes doigts ressemblaient à ceux de Sonia la vinificatrice, tachés par le jeune nectar. Ce que je puis vous dire c’est que la qualité de l’accueil progresse, sans doute sous l’impact de la féminisation, c’est agréable, peu intrusif, l’extension du domaine de l’empathie ne nuit en rien à la haute tenue des GCC. Sur le fond de la dégustation, les enjeux commerciaux et financiers sont tellement grands que je comprends que pour ces châteaux tout doit être sous contrôle, bien bordé, assuré, afin de ne pas se faire décrocher du peloton. Qui se risquerait à prendre des risques ? Qui oserait pousser une nouvelle porte ? Comme une impression générale d’impeccable, de plis bien repassés, de coupes classiques maîtrisées, une crainte viscérale de l’originalité. En soi ce n’est pas de ma part une critique mais comme un regret que cette perfection sous contrainte bride l’imagination. C’est beau et grand comme un immeuble haussmannien fraîchement ravalé mais ça ne fait pas forcément rêver. Plaire sans perdre son âme telle est la question qui taraude l’univers des GCC, être de son temps avec tous les soins portés sous les conseils des consultants omniprésents et parfois encombrants en assumant tradition et histoire est une équation difficile à résoudre. Ceci écrit, sans me placer dans un ailleurs hautain, ces vins se situent bien dans la tendance d’un temps où une certaine forme d’uniformité d’apparence tient lieu d’originalité en confortant le sentiment d’appartenance à un statut privilégié d’une classe moyenne « supérieure » qui lorgne vers le haut sans en avoir les moyens.


Transition toute trouvée, mais non voulue, dans les travées du Petit Palais j’ai été frappé par l’omniprésence des jeunes gens des Grandes Écoles : Polytechnique, HEC, Supélec, Sciences Po, filles et garçons avec encore une prédominance mâle. Ils vont en paquet de 3 ou 4 tels des poussins bien nourris, on les sent appliqués comme de bons adeptes de club de dégustation, attentifs comme de futurs clients de GCC, mais en dépit de leurs codes vestimentaires modernes je les trouve un peu guindés, gênés aux entournures par leur approche du vin très cérébrale. Mettre des mots sur le vin, canaliser ses sensations, se glisser dans la peau d’un expert, cultiver le sérieux de l’expert comme un module supplémentaire, engranger des éléments de discours pour enrichir à la fois son parcours, anoblir son CV. C’est le vin statut, le vin qui pose son homme lui confère une forme moderne de vernis d’excellence qui fait la différence. Sous ma plume nul procès d’intention car je ne dénie pas à ces jeunes pousses la passion mais j’ai rarement vu une passion se développer sans grain de folie. Un peu de couleur dans ce monde gris point ne nuit les amis, je suis même certain que la convivialité est une valeur plus sûre que les placements financiers en GCC.


Que des 2 Rives, la Droite, comme la Gauche, nul ne prennent mes propos toujours un peu ollé, ollé, pour une facilité de chroniqueur en mal d’un quelconque dénigrement, pour une manière de se dédouaner à bon compte, ce serait d’ailleurs une mauvaise manière, pour un biais démagogique en tombant dans le misérabilisme. Si les GCC n’existaient pas il faudrait les inventer. Ils sont des marqueurs de notoriété incomparables, leur valeur patrimoniale est incontestable et dans le grand barnum de la mondialisation tout ce qu’ils font pour garder leur rang, pour le renforcer doit être salué. Je suis de ceux qui le font. Ma relation avec les GCC est très ancienne et très forte : je leur dois un parcours initiatique hors pair. Passer en 1981 de l’Office des Vins de Table au cabinet du Président de l’Assemblée Nationale dont la cave ne recélait, par la grâce de Chaban-Delmas, que des GCC, et de la gérer, ça ouvre la focale, ça débarrasse des idées reçues, ça vous fourbi les papilles et ça vous fait prendre conscience de la nature stratégique de « l’industrie du vin » en France. J’emploie à dessein ce mot honni rien que pour souligner que le monde du vin est un et que la bonne santé de la base de la pyramide constitue un atout pour la classe au-dessus. Mais ça c’est une autre histoire où la place de Bordeaux, au travers de ses représentants à l’INAO, s’est souvent contentée de se considérer, à elle seule, comme la France du vin. La hauteur de vue n’est plus un privilège de naissance mais la capacité de s’extraire des contingences de ses intérêts bien compris. En français ça s’appelle l’intérêt général. J’arrête là sinon je vais me faire sonner les cloches. Comprenne qui pourra, y compris le cardinal archevêque de Bordeaux le bien nommé Mgr Ricard. Amen !


Détail d’intendance : trop occupé à déguster, un verre et un calepin à la main, je n’ai pu faire des petites photos de la dégustation. Mesdames les organisatrices un photographe style Armand Borlant ne serait pas de trop pour faciliter le boulot des petits chroniqueurs fauchés de la Toile. Merci beaucoup. Enfin, j’ai fait plein de promesses aux unes plutôt qu’aux autres de descendre ma vieille carcasse jusqu’à Bordeaux pour crapahuter dans les GCC.

 

à bientôt !

 

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commentaires

D
<br /> Ce lundi il y avait aussi a Paris le salon des vins bios de Loire.<br /> <br /> <br /> La il y avait de la diversite, de la creativite.  J'y ai goute par exemple un Cabernet Franc absolument parfait...tellement parfait qu'il n'a pas eu l'agrement de la nouvelle appellation<br /> Saumur Puy-Notre-Dame. Qui siege a ces nouveaux comites d'appellation???<br />
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M
<br /> Ah, quel bonheur que de pouvoir péter dans la soie parmi les bijoux Cartier, les petits fours (tu te rends compte du hachis parmentier !), les petites dames de la gentry bordelaise et les GCC<br /> bien tempérés, bien élevés, bien pomponnés et si bien chaussés dans leurs souliers sur mesure. Comme je t'envie...<br />
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J
<br /> franchement à Ferrals c'est certainement moins huppé moins BCBG mais surement plus sincère et authentique quant à la comparaison des GCC avec nos vins je suis prêt à es comparer en dégustation à<br /> l aveugle bien sur <br />
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