Le « Charle’s bar » rue d’Aboukir, aujourd’hui disparu, fut tout un temps mon repaire. J’y mangeais parfois au déjeuner dans la salle du fond et le soir il m’arrivait de m’accouder au bar, derrière lequel s’affairait une grande anglaise languide, bien en chair, yeux de biche triste, longs cheveux roux, jeans et tee-shirt au-dessus du nombril, une grande belle tige. Le lieu, en dépit de son petit périmètre, accueillait en fin de semaine des micro-concerts de rock et, pour tirer un sourire de celle que je prénommerai Mary, il suffisait de la brancher sur le sujet. Tout en essuyant les verres, avec son accent cockney des faubourgs de Londres, elle s’animait et j’en arrivais à oublier qu’elle se gavait de la lecture de tabloïds. Elle était très fleur bleue, sans doute par la suite groupie de la princesse Diana, et je n’ai jamais tout à fait compris pourquoi elle vivait à Paris.
Le « Charle’s bar » c’était un bar à tout, un bar tout court, peu de pochtrons, des habitués, des gens de passage, Mary derrière son bar, le jeune patron et ses santiags, un petit bout d’humanité. Ce lieu, où les vins de comptoir étaient banalement tristes, avait une âme, une vie intérieure, j’y ai puisé l’inspiration d’un polar que j’ai commencé d’écrire sur une Underwood achetée aux puces de Montreuil et terminé sur un des premiers petits Macintosh portable dans ma maison nichée dans la forêt d’Ermenonville. Par bonheur le manuscrit de ce truc mal foutu dort dans un carton dans ma cave. Le jour où, de passage rue d’Aboukir, j’ai constaté la disparition de mon « Charle’s bar » ce fut comme si un petit bout de ma vie venait de se détacher, de disparaître. Nulle tristesse ni nostalgie c’est la vie… ainsi le boulanger de Lumières et le boucher de Goult ont pris leur retraite sans être remplacé alors tout change pour que rien ne change.
Fort bien me direz-vous mais pourquoi encore une nième chronique sur mes souvenirs de bord de bar ? Tout bêtement parce que le Wine blog Trophy du futur Salon des Vins de Loire fait un appel à la population des bloggueuses&bloggueurs : « Nous rappelons que les participants doivent, avant de s'inscrire, poster sur leur blog un article en rapport avec le thème 2012 « Mon bar à vins, les Vins de Loire et Moi » : la rencontre d’un gérant, un coup de cœur pour un lieu ou la découverte d’une bonne bouteille dans un bar à vins. Tous les prétextes sont bons ! » Fort bien, je fréquente les bars à vins, je bois aussi des Vins de Loire, mais j’avoue que je n’ai pas le tour de main pour monter la mayonnaise donc j’aurais dû m’abstenir d’écrire cette chronique.
Sauf que, comme je ne peux m’empêcher de décoconner, je vais vous proposer un bar à eau : Colette Water Bar 213, rue Saint Honoré dans le premier, au sous-sol, où je suis allé une fois pour boire du vin. C’était en 2006 link et j’y étais allé déguster lubie qui est un petit flacon de vin, en alu, capsule type beer noire, décor minimaliste : deux gris, en facial la marque sur un timbre fond vert, en bas sur le fond gris souris, en blanc : SAUVIGNON. Sur le flanc droit : Appellation Bordeaux Contrôlée, 11,5%, 25 cl. Sur le flanc gauche : Vin blanc, se boit très frais. Mais, même si Colette c'est le haut-lieu de la branchitude consumériste parisienne, où des jeunes gens payés au SMIC vous regardent comme si vous étiez un extra-terrestre parce que vous vous risquez à trouver les prix très hot : le téléphone portable Vertu à 4750 euros, la montre Jacob&Co à 38000 euros ou une veste grunge à 2250 euros, je ne puis faire un tel choix puisqu’il me faut faire la promo des vins de Loire.
Réflexion faites mon choix se portera donc sur le Baratin « rue Jouye-Rouve dans le XXe et ce pour 3 raisons dont 2 n’ont ni rimes ni raisons : la première c’est que je préfère un Baratin à un bar à vins (désolé !), la seconde c’est que baratin rime avec ligérien, et enfin parce que c’est au Baratin qu’avec Sébastien Demorand ont s’est liché des lignes de Chenin de la Loire. Lesquels ? Je ne sais plus mais sur la carte de Philippe Pinoteau les vins de Loire « nature » y sont bien représentés. Mais pour terminer sur une énième décoconnade je ne puis m’empêcher de promotionner un beau vin né dans la Loire mais qui n’est qu’un vin de France : Les Rouliers 2010 de Richard Leroy. link
Avouez que ce n’est pas avec ça que je vais décrocher la timbale du Wine Blog Trophy mais, comme disait Pierre de Coubertin, l’important c’est de participer et comme j’ai voté pour la chronique d’Eva ça suffira largement à mon bonheur…