Cher Louis-Fabrice Latourlink ,
Au tout début d’avril, sur les coups de 5 heures de l’après-midi, je reçu un courrier – presqu’un poulet - Billet doux [Ancien]. Synonyme de lettre – d’une de vos cousines, Bénédicte Poisot, émigrée dans le Perche, à Moutiers-au-Perche précisément où, avec toute la famille, elle élève des vaches charolaises et des volailles. Que me disait donc cette Bourguignonne d’origine ? Tout d’abord pour éclairer ma lanterne : que Louis-Fabrice Latour venait de lui donner mes coordonnées. Très gentil de votre part me disais-je ! Et puis elle m’indiquait « Nous élevons une poularde, volaille à maturité, la Poularde de Culoiseau que nous distribuons chez de grands restaurants et bouchers. » Pensez bien Louis-Fabrice que le taulier, tel un bon vieux cheval de trait – j’oserais même écrire un percheron – par l’odeur de belle et bonne avoine alléché sentait ses papilles frétiller. Votre cousine poursuivait « Nous avons eu le désir d’associer les vins de la maison Latour à nos poulardes à l’occasion d’un déjeuner de Presse chez Senderens. C’est une mise en commun des compétences familiales magnifiées par le chef Jérôme Banctel que nous vous proposons de découvrir. »
Vous me connaissez Louis-Fabrice, si l’on me prend par le flanc des bons sentiments je suis toujours partant. C’est donc avec un réel plaisir, et beaucoup de curiosité que j’ai accepté l’invitation de Bénédicte Poisot. J’adore la volaille, c’est un marqueur de mon enfance, le visage de ma mémé Marie et de sa basse-cour un peu anarchique. « Mon petit gars as-tu pensé à barricader le poulailler ? » me disait-elle. Bien sûr que oui car de les voir ainsi toutes « accoumussées » (serrées les unes contre les autres) sur le perchoir dès que le jour baissait me procurait un sentiment de paix, c’était le rythme naturel du temps. L’odeur du poulet rôti et la douceur de la poule au riz font partie intégrante du socle de ma culture culinaire.
Bien évidemment, l’alliance de la Poularde de Culoiseau et des vins de vos propriétés Louis-Fabrice, chez Senderens de surcroît, me hissait sur les hauts-plateaux de la haute cuisine française. Mais, comme je m’en doutais, la réception fut sans façon, sans tralala, simple et de bon goût, chaleureuse et familiale. Benoît, le mari de Bénédicte, leur fille étudiante, étaient là accueillants et heureux de nous présenter le fruit de leur travail. Vous Louis-Fabrice n’étiez point des nôtres, et je ne vous en fait pas le reproche car je crois que vous étiez chez nos « amis » anglais à faire votre commerce, ce qui pour un grand négociant bourguignon, président de la Fédération des Exportateurs est dans l’ordre des choses.
Le déjeuner fut de grande classe par l’excellence de ses mets et de vos vins, mais je ne vais pas tomber dans le travers de certains de mes collègues, qui se prennent pour des chroniqueurs gastronomiques, et vous allécher par une description chantournée des mets. Pour moi un repas, même de presse, reste un lieu de conversation et de convivialité. Tel fut le cas du déjeuner du 18 avril qui allia la haute cuisine, des vins de haut vol et une atmosphère conviviale, décontractée, permettant d’échanger sans se cantonner à des commentaires sur les vins et les mets. Pour tout vous dire, Louis-Fabrice, je me suis senti l’invité de vos cousins comme chez eux dans cette belle campagne du Perche verdoyante et si représentative de cette France à la Vidal de La Blache que j’aime tant.
Les mots ont de l’importance. J’y attache une grande importance car ils sont tant et tant galvaudés par les petites plumes des communiqués de presse que de lire en en tête de la belle brochure de présentation des poulardes de Culoiseau : Éloge de la lenteur excite grandement mes neurones, me fait pressentir que chez les Poisot l’authenticité n’est pas un mot galvaudé. Le temps, prendre le temps de laisser au temps d’accomplir son œuvre : ici des « volailles bien faites ». Ce temps qui est de l’argent nous le compressons insoucieux des rythmes biologiques : les poulardes de Culoiseau au plumage roux et aux pattes blanches, sont issues d’une souche ancienne à la croissance lente. Elles sont élevées jusqu’à leur maturité sexuelle, 4 mois, ce qui leur confère une chair persillée, dense, fine et savoureuse. Le bien-manger des poulardes de Culoiseau est issu des céréales cultivées sur l’exploitation des Poisot. Ce sont des agriculteurs, des éleveurs et des commerçants, ce que l’on nomme dans le jargon une TPE.
Que puis-je vous dire de plus ?
- Tout d’abord allez visiter le site, c’est simple et de bon goûtlink
- Pour ceux qui n’y irait pas un peu de géographie « Installé sur les bords de la Corbionne, Moutiers au Perche est un des villages les plus anciens du Perche. Ce ravissant petit village est accroché à la colline du Mont Harou. Il a abrité au VIème siècle la plus ancienne communauté monastique du Perche, fondée par Saint Lhaumer. Cet ermite venu de Chartres a évangélisé les habitants de la forêt qui couvrait alors tout le Perche. Aujourd’hui, ce village d’éleveurs, d’artisans et de cultivateurs de 500 habitants a su conserver une image forte et est classé parmi les plus beaux villages de France. Les chemins de randonnées y sont très nombreux. Un des chemins remarquables est le chemin du « Gué de Culoiseau » qui depuis le centre du bourg, passe devant l’église, gravit le mont Harou et traverse la forêt. C’est dans cet environnement magnifique, dans un panorama admirable, que nous abritons depuis un demi-siècle le cœur de notre élevage. »
- J’adhère en tant que Secrétaire-Perpétuel autoproclamé de l’ABV à ce que « La Poularde de Culoiseau est l’héritage de la «volaille du dimanche», à la fois tendre et goûteuse, croustillante et juteuse. À partager tout simplement »
- Pour « les parigots tête de veau » vous la trouverez : • Boucherie de l'avenir 51, rue du rendez-vous 75012 Paris - 01 43 43 72 80 - • Boucherie Yves Marie Le Bourdonnec 172, avenue Victor Hugo 75016 Paris - 01 47 04 03 28 • Boucherie le Coq Saint Honoré 3, rue Gomboust 75001 Paris - 0142 61 52 04
- Que le Corton Grand Cru 2003 « Château de Grancey » était grand et je lui ai fait grand honneur n'en déplaise aux modérés...
Voilà, cher Louis-Fabrice, ce petit mot pour vous dire merci de m’avoir fait convier à ce déjeuner chez les Poisot, ce dont je suis ravi. Je profite aussi de cette lettre pour renouveler à la famille Poisot mes encouragements et mes félicitations pour leurs volailles bien faites. Avec eux le terroir reprend de sa consistance, de sa substance humaine, cette main qui fait, qui fait bien et qui permet, bien plus que le verdissement de la PAC chère aux gris bureaucrates de Bruxelles, de faire vivre nos belles campagnes, de les entretenir comme un vaste jardin, mosaïque de territoires boisés, enherbés, cultivés et de villages bien tenus et encore peuplés. L’emploi commence par l’infiniment petit, ces mailles fines qui sont la trame de nos pays.
Bien à vous.