Imaginez-vous la tête de mon entourage qui me considère, à juste raison va s’en dire et c’est mieux en le disant, comme l’un des plus grands, des plus éminents experts du monde du vin, lorsque le facteur vous tend un paquet, que vous l’ouvrez avec fébrilité et fierté – l’envoi de l’auteur ça classe son homme – et que vous découvrez avec stupeur, puis horreur le titre de l’opus «Bien acheter son vin pour les Nuls ». Les bras vous en tombent, votre ego part en charpie, le socle de votre immense notoriété se fendille, vous êtes tel, la femme de Loth, transformé en statue de sel.
Chute du piédestal, sourires en coin autour de vous, vous voyez poindre les rives de la Bérézina, c’est bientôt la traversée de la Moskova et vous restez coi. Vite, se ressaisir, dire que Saverot&Goujard&Simmat sont de joyeux drilles, des adeptes de la dive bouteille, des experts éminents au service d’une vieille dame qui cherche à troquer sa permanente pour des dreadlocks, des gars qui œuvrent pour l’extension du domaine du vin. Reprendre son souffle, souligner que certes il m’arrive de tailler des costards à certains collaborateurs de Denis Saverot lorsque leur plume dérape link mais jamais au grand jamais il serait venu à l’esprit de mon ami Denis, car c’est lui qui m’a fait porter et qui a dédicacé l’ouvrage pour Nuls, d’attenter aux fondements de ma notoriété. Donc va pour jeter un œil sur des lignes destinées à des « primo-amateurs »
Bref, pour un ex petit rapporteur ce que je note d’emblée c’est qu’un bouquin avec une Introduction et 6 parties est assurément pas écrit par des énarques qui n’aiment rien tant que les plans en 3 parties. Ça commence par la boîte à outils qui je l’avoue ne me passionne guère car j’ai horreur de la mécanique. J’y note cependant quelques lignes sur la paupérisation du vignoble français et des petits vignerons (bien lire Marx pour les Nuls s’impose) et trois notules bien balancées sur les lieux les plus judicieux pour acheter son vin, je cite : la supériorité naturelle des cavistes, l’intérêt des grandes surfaces et le casse-tête des foires aux vins (bien comprendre Saint Ignace de Loyola pour les Nuls) et pour finir Les joies de l’achat au château pour les péquenots il est de coutume de dire à la propriété ou chez le vigneron.
Dans la seconde partie : les meilleurs vignerons de France pour les Nuls y’a une flopée de gens que j’aime. Je décide donc derechef, afin d’éviter d’en oublier et de vexer les autres de ne vous livrer que 3 noms (en fait 4) car ce sont de fidèles lecteurs (y’en a plein d’autres dont Francis Boulard, Jean-Luc Thunevin… mais il me fallait faire un choix ce qui est toujours une réelle douleur) : François des Ligneris, Aline et Paul Goldsmith qui sont, selon le trio, des incontournables et Guy Salmona qui lui est une valeur en devenir.
Je fais l’impasse sur la troisième et quatrième partie car c’est du commerce et, comme je ne suis pas toujours d’un commerce agréable sur ce type d’approche, les 3 lurons s’en donnent à cœur joie : « Même une nonne craquerait pour le Bon Pasteur 2009. Corsage en dentelle, culotte de velours, bas de soie, parfum raffiné… Une classe de dandy. » ou « PUR : Cette maison porte bien son nom. Sans soufre ajouté, toute la pureté des arômes de ce rouge (un Beaujolais-Villages rouge 2011). Des notes fruitées, très naturelles et une bouche sincère et dodue. » Non mais, tout de même, Denis tu te dévergondes grave, comment peux-tu mettre dans le même bateau notre cher Michel Rolland national et ce pirate de Cyril Alonso, ça va faire jaser dans les châteaux et pas sûr que Jean-Robert goute cet accouplement contre-nature.
La cinquième partie, dites la partie des Dix agglomère tout d’abord joyeusement, le genre choux et carottes, l’essentiel et l’accessoire sous le titre les 10 questions essentielles sur le vin mais bon les Nuls, même un peu décrottés par Saverot&Goujard&Simmat, ne vont s’étonner que l’on plaçât sur le même plan pourquoi le vin est présent dans la liturgie chrétienne et pourquoi il n’y a pas de chaîne et de publicité sur le vin en France ? Du côté des 10 questions qui fâchent c’est plus homogène même si à la question : pourquoi la France ne compte-t-elle aucun Danone ou l’Oréal du vin ? reçoit une réponse est un peu courte mais sans doute ne faut-il pas trop fatiguer les Nuls avec du jus de tête stratégique. Donc, sans me pousser du col ou faire enfler mes chevilles, je ne suis sans doute pas le meilleur juge de la pertinence des questions et des réponses données aux 10 questions sur l’avenir de la viticulture mondiale ? Pas sûr que nos 3 gosiers en pente soient de bons macro… économistes mais comme les économistes ont la fâcheuse tendance ces derniers temps à se vautrer sas doute mieux vaut lire dans le marc de café ou plus sérieusement dans la lie de vin pour esquisser les chemins de l’avenir.
Ceci écrit, l’ouvrage fait dans le ludique, dans la non prise de tête, c’est le parti pris de la collection, une collection dont je ne connaissais que la première de couverture, alors je ne vais aller chercher des poux sur la tête des 3 auteurs qui, à leur manière contribuent à l’extension du domaine du vin, et qui, hormis certaines obsessions et approximations, font tout même progresser la connaissance des gniards et des jeunes filles en fleur. Dans le genre tendance c’est Vérigoud même si l’absence du livre de Jacques Dupont, Choses Bues comme livre de référence des 3 auteurs, est bien plus qu’un oubli mais une faute de goût et quand à la Toile et aux blogueurs ils subissent un régime sec très proche de celui de la loi Evin. Les Nuls, cher Denis Saverot, sont des accros de la Toile, certains ne savent lire que sur un écran, alors tout comme la conversion récente de la RVF aux nouvelles tendances bio, biodynamique et « nature », il serait temps que, tel Paul sur le chemin de Damas, ébloui par la lumière des écrans, vous embrassiez sans hésitation notre modeste apostolat.
Merci, cher Denis, de cet envoi sympathique qui m’a fait progresser dans la connaissance du vin, je ne désespère pas de te convaincre un jour que certaines de tes analyses empruntent trop à l’émotionnel et à ce qui fait plaisir aux gens du vin : l’entre-soi…