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23 juin 2013 7 23 /06 /juin /2013 10:00

« Drôle de climat, dans une indifférence molle et mortifère, nous nous enfonçons sans même savoir quand est-ce que nous allons toucher le fond… » Mon interlocuteur, un ami d’enfance retrouvé lors d’une remise de médaille, ne me parlait pas, comme la France entière, de la foutue météo qui nous gratifiait soudain d’une canicule violente alors que nous avions ressorti nos pulls, mais du climat politique. En retrait, pendant le discours du Ministre, alors que je m’ennuyais ferme, une main s’était doucement posée sur mon épaule. Je m’étais retourné. Lui. Il n’avait pas changé, svelte, élégant, les yeux rieurs, seuls ses cheveux taillés courts avaient virés du noir de jais au blanc. Discrètement nous nous étions retirés, et familier du lieu dans le couloir il m’avait pris le bras pour m’entraîner vers un petit salon en rotonde qui donnait sur le jardin.  Il portait un jeans et un polo noir. Pieds-nus dans ses Richelieu, je lui trouvais un faux-air de John Malkovich. Je le lui dis. Il s’esclaffa. « Tu n’es pas le premier. Je ne comprends pas pourquoi on me trouve une ressemblance avec lui… » Je lui rétorquais « l’allure ». Il souriait en me proposant d’ouvrir une bouteille de champagne. Le ciel plombé transpirait. L’orage s’amassait. « Une cuvée Louis de chez Tarlant ça te dit ? » J’opinais tout à la joie de ces retrouvailles. Mon ami, grand expert de la carte électorale, revenait de Villeneuve-sur-Lot. Pour lui Buisson avait électoralement raison, la perméabilité entre la droite dite républicaine et le Front National était maintenant une réalité. Sa formule « La France des invisibles est devenue visible », matérialisée par la mobilisation contre le mariage pour tous, était bien une révolution culturelle. Sa référence à Lénine lorsqu’il parle de la politisation de catégories jusque-là réfractaires ou indifférentes à l'égard de la chose publique, pointe la faiblesse de la droite modérée tendance Fillon considérée comme une moindre gauche ou, pour reprendre le mot de Muray, une « petite gauche de confort ». Le sigle martelé par la fille de son père : UMPS est ravageur car il vérole les électeurs de la bonne droite. Le ressort est cassé. Le Front Républicain n’est que le mur lézardé des pourris du système. Place aux démagogues de tous poils, le petit peuple veut du balai même s’il n’accorde que peu de confiance dans les compétences des candidats frontistes et dans la capacité de la grosse blondasse à gouverner.


« Il se peut que dimanche soir, entre la poupée Barbie Maréchal-Le Pen et cette enflure de Collard va venir se glisser le jeune morveux de Villeneuve-sur-Lot Étienne Bousquet-Cassagne flanqué de son maître-chien Michel Guignot dépêché par la direction parisienne pour le tenir en laisse. À 23 ans, glorieusement étudiant en BTS commercial, fils d'agriculteurs fortunés, son père est président de la chambre d'agriculture du Lot-et-Garonne, tendance Coordination rurale, c’est une bouture de la ligne « bleu marine » inspirée par le lieutenant Florian Philippot. Rien qu’une minable bulle médiatique qui a des chances d’être élue car ça arrange tout le monde, y compris les stratèges du PS et du Front de Gauche. Les gens vont mettre leur bulletin de vote pour un petit gars du pays tout juste bon, et encore, à vendre des aspirateurs au porte à porte. Comme dit son très cher père, qui connaît bien la musique puisqu’il l’a pratiquée pour se faire réélire à la Chambre d’agriculture sur des thèmes démagogiques, « Le front républicain ne va pas marcher, et les gens savent qu'Etienne n'est pas Hitler. » Un député du FN de plus ce n’est même pas l’épaisseur du trait alors qu’un nouvel UMP c’est encore une défaite pour la majorité. Catherine Martin, la candidate à la candidature évincée par l’équipe de la grosse Marine ne déborde pas d'enthousiasme à l'égard de celui qui a pris sa place « Il a sa personnalité, c'est un jeune parmi tant d'autres. Il veut arriver et il fait tout pour ça. » Un petit perroquet de plus au palais Bourbon, surnom dont l’on affublé ses détracteurs car il apprend par cœur les discours préparés par son équipe de campagne, quelle importance ? » Mon ami estime au contraire que ce sera une bonne chose car ça confortera la ligne dure de l’UMP. Politique du pire à priori mais, fait-il remarquer, comme pour les démagogues de tous bords seule leur confrontation avec le pouvoir permet de dégonfler la baudruche, il faudra en passer par là. Jouer avec le feu ? Pour lui, non car le risque autoritaire n’en est pas un. Mitterrand a joué cette carte en faisant entrer les communistes au gouvernement. C’est une simple mise au pas. Le baiser qui tue. C’est là-dessus que le couple Sarkozy-Buisson compte pour balayer les socialos du pouvoir. Fillon  qui est une couille molle n’y pourra rien, quand à Copé il a intériorisé la stratégie et attend d’être payé en retour.


L’orage grondait mais la pluie épargnait encore le centre de Paris. Nous en profitâmes pour nous  rendre à pied, tout près, chez Passard que mon ami connaissait bien et qu’il n’avait pas revu depuis son retour à Paris. Nous fûmes reçus comme des princes. Depuis que nous nous étions retrouvés une question me brûlait les lèvres : « qu’avait-il fait pendant tout ce temps ? ». Ce qui m’empêchait  de la lui poser était tout bête, peut-être n’aurait-il pas envie d’y répondre car sa disparition de mon écran radar m’avait d’abord beaucoup intrigué puis, le temps passant, beaucoup de temps d’ailleurs, j’en étais arrivé à penser qu’il s’était fabriqué une autre vie dans un autre pays. C’était tout à fait dans son genre, tout plaquer sans prévenir pour assouvir son besoin de liberté. Très vite, au fil d’une conversation qui commençait à s’épuiser, je sentais confusément qu’il se retrouvait dans une position symétrique à la mienne « Comment vais-je le lui dire ? » et  « Comment va-t-il prendre ce que je vais lui dire ? » Cette retenue réciproque fut brisée par la venue inopinée de ma copine la pétulante Gabrielle accompagnée d’un bellâtre sans relief. Elle me claquait deux bises. Je lui présentais mon ami comme étant mon meilleur ami. En retrait la grande courge apprêtée tirait la gueule. Il ne fallait pas être grand clerc pour s’apercevoir que mon ami plaisait à Gabrielle. Je pris les devants sans détour « Et si vous vous installiez à notre table… » Sitôt dit, sitôt fait, pour le plus grand désespoir de son chevalier-servant qui ne desserra pas les dents tout au long du repas. J’eus droit, dès que Gabrielle eut posé ses belles fesses sur le fauteuil que lui proposait le maître d’hôtel, à des reproches « mais comment se fait-il, petit cachotier, que tu ne m’aies jamais présenté à ton meilleur ami ? » Bien en peine de lui répondre, ce qui n’est pas mon genre, je fus sauvé par le revenant qui, sans rire, lui déclarait « Excusez-le nous venons juste de nous retrouver car je viens de passer dix années dans un monastère… »

 

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