Comment voudriez-vous que je me remette à écrire alors qu’autour de moi, comme toujours après la chute d’un autocrate, les ouvriers de la vingt-cinquième heure, et dans le cas présent des ouvrières, telle la NKM, porte-parole du prince président, et la calamiteuse ex-Ministre de la grippe H5N1, qui dans un soudain élan, alors que l’agité s’en est retourné à ses footings de courtes pattes, en appelle l’une à Maurras, et l’autre au droit d’inventaire à la Jospin. Désopilant ! Jamais, depuis longtemps, je n’étais autant gavé de toutes ces rancœurs recuites, accumulées, rancies, pourries, pestilentes, dont raffolent les politiques lorsqu’ils viennent de prendre une raclée. Ils lâchent la bride, ils se débondent, le barrage de la trouille, de la révérence rompt, l’heure est au courage post-mortem. J’en arrivais à admirer le Copé qui s’essayait avec un certain succès à la modestie. Mais, tout cela n’était que broutilles avant que ma très chère Jasmine, jamais en reste de me faire plaisir, me mette sous le nez l’opus d’une illustre inconnue : Marie-Célie Guillaume, directrice du cabinet de Patrick Devedjian au Conseil général des Hauts de Seine depuis 2007. Le titre ne biaise pas : Le Monarque, son œuvre, son fief, avec en sous-titre Hauts-de-Seine : chronique d’un règlement de comptes.
La bougresse écrit vivement et bien. C’est un régal ! Les pseudos sont évidemment transparents : le Monarque, la Première Dame, la deuxième Première dame, le Préfet Tigellin, Maître Jourdain la plume du Monarque, le Conseiller aux Cultes, Langue de VIP, le Muet d’Orsay, Gazelle du Sénégal, Belle Amie, @fdebeauce, l’Arménien, le Dauphin, Don Léonard, les Thénardier… pour les principaux protagonistes. Je ne résiste pas à vous lire à haute voix des pages frappées au coin de la pertinence et de l’impertinence. « Debout dans un coin, Préfet Tigellin, objet de toutes les curiosités, écoute l’air affable le célèbre philosophe mondain prodiguer ses conseils sur la paix en Orient tout en surveillant sans relâche les convives du coin de l’œil. Rien ne lui échappe. Les questions des journalistes, les jeux d’alliances d’un clan à l’autre, le numéro un peu surjoué de Maître Jourdain, le cinéma de Belle Amie, le frémissement d’impatience qui flotte dans l’air dans l’attente du Monarque et de son épouse. Il est la clé du dispositif, celui sur qui tout repose. Contraire et double du Monarque, il a minutieusement construit avec lui une proximité d’autant plus mystérieuse que tous les oppose. Les collaborateurs historiques supportent mal cette relation qu’ils ne comprennent pas. Ils ont vu arriver avec un mépris à peine dissimulé ce haut-fonctionnaire passe-muraille et discret, ne s’en sont pas méfiés. Mal leur en a pris ! En quelques années, Préfet Tigellin les a tous supplantés. Le Monarque a une confiance absolue en lui, il l’appelle à chaque instant, l’associe à tous ses rendez-vous et lui délègue tout, absolument tout, secrets d’Etat et affaires privées. »
Pour la bonne bouche, la réception de Madame de P, maire d’une agglomération de 265 000 habitants aux magnifiques remparts classés, parlementaire active et appréciée, par le Monarque dans son bureau privé. Tailleur pantalon strict, gros dossier sous le bras, elle est intimidée, cela ne lui ressemble pas. Le Monarque l’écoute à peine et il « s’est approché. Il est encore sous l’effet de l’euphorie de son combat de boxe imaginaire. Il savoure l’hystérie adorante de ses groupies, leurs cris de désir qui montent à lui, il ressent dans tout son corps la tension du duel et l’excitation de la victoire. Il a chaud, très chaud. « Regarde dans quel état je suis, tu ne peux pas me laisser comme ça… » Son souffle est court, son visage se congestionne. « Monsieur le Monarque, enfin, contrôlez-vous ! »
- Sois gentille… Comment je vais faire pour mon discours, là tout de suite ? Tu vois bien que j’ai besoin de me détendre ! Allez, c’est pas grand-chose… » supplie-t-il.
Elle tourne la tête, ferme les yeux quelques instants. Les images affluent par flashs, souvenirs refoulés d’une autre vie. Un sourire imperceptible, un léger hochement des épaules. Tout cela a si peu d’importance, les hommes sont pitoyable. Cela ne dure que quelques instants. Le Monarque est pressé. Madame de P. compréhensive. Après tout se dit-elle, non sans humour, le Monarque a tellement de soucis, tellement de responsabilités, il faut bien qu’il les évacue. Si elle peut l’aider, c’est vrai que ce n’est vraiment pas grand-chose. Apaisé, souriant, le Monarque ajuste sa cravate et enfile sa veste. « Bon, faut que j’y aille. J’ai un discours. »