J’appréciais ! À nouveau, et c’était jouissif, je déambulais dans les alcôves et les soupentes de la République à ma guise. Le vidage express des séides du nain à talonnettes déblayait le paysage et déliait les langues. Mon petit cercle se reformait et le soir du second tour le champagne coula à flot pour fêter la claque sur le sale bec de Guéant. Le missile Solère le ramenait à son bon niveau : à plat ventre, touché et hors d’état de nuire. Même son pote de chambrée, élu lui, s’en réjouissait sur les écrans de télé. Les couteaux s’aiguisaient déjà à l’UMP. Mais tout cela n’était que du menu fretin à côté de la nouvelle qui me remonta très vite aux oreilles : la Direction centrale de police judiciaire venait de mettre à jour une putain d’affaire de vol et de corruption en bande organisée, à l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle, de 7 douaniers. Nos ennemis jurés, ces cow-boys arrogants et suffisants, ces sous-merde aux ordres du Ministère des Finances, pris la main dans le sac des trafiquants de drogue : un cataclysme, une affaire hors norme portant sur des présumés vols de mallettes bourrées d'argent liquide et appartenant à des trafiquants de drogue. Nos potes lèvent enfin le voile, découvrent l'existence d'un véritable système organisé et érigé par des fonctionnaires assermentés, très bien notés par ailleurs par leur hiérarchie. Oui, enfin mis à jour la face sombre des méthodes qui ont cours dans les arrières salles et les couloirs pourtant sécurisés de l'aéroport de Roissy, une vraie plongée au cœur d'un système en place depuis plus de 15 ans, un vaste réseau de détournement de liasses d'euros et de dollars où se croisent, trafiquants de drogue et douaniers ripoux sans scrupule.
Finie la réputation d’incorruptibles de ces soi-disant mains blanches dirigés par les têtes d’œuf de Bercy, une sale affaire qui interroge vraiment sur la surveillance de ces douaniers qui ont toute latitude de circulation au sein des aéroports. Avec ces gommeux on bascule vraiment dans un tout autre monde. Nous les soupçonnions mais il a fallu être patient, les mettre en filatures, les repérer, à Roissy, dans la zone réservée où défile sur les tapis des millions de dollars ou d’euros. Ces cons ont été vus « se servir en argent liquide » dans les valises des présumés trafiquants faisant transiter l'argent de la drogue par avion. À notre avis, à la grande maison, ils ne sont pas tous seuls car pour durer aussi longtemps il est nécessaire de bénéficier de protection aux étages élevés et il ne faudra pas s’étonner si tout ce beau monde n’était pas en cheville avec les trafiquants. Va falloir aussi dépiauter leur train de vie, qui, de sources sûres, se révélerait démesuré car les détournements se montent à des millions d’euros. La règle du jeu de ces braves gens dans la zone de contrôle des bagages de l'aéroport de Roissy: « Soit tu croques, soit tu t'en vas. » Personne n'était obligé de suivre. Les gonzes en vêtements de ville, avec ou sans revolver accroché à leur ceinture naviguaient dans l'immense périmètre, librement, de terminaux en terminaux, pour « détroncher » les profils intéressants.
L’art de dénicher la mallette gavée d'euros et déposée par un caïd de la drogue c’était, d’après eux, la spécialité maison. Performants les gabelous, tellement compétents qu’ils sont passés du service public à leur propre service avec une facilité déconcertante. Aussi incroyable que cela puisse paraître, dérober des centaines de milliers d'euros en toute impunité, ce ne fut qu’une simple question d’amorçage de la pompe à fric : une première valise contenant près de 800 000 dollars tombe dans l'escarcelle d'un premier douanier qui se dit : « Après tout, pourquoi pas… » Ensuite, une belle petite chaîne de solidarité professionnelle : la somme est acheminée dans la salle réservée aux agents où, en cheville avec un second douanier, notre futur millionnaire part avec le butin, placé sous bonne garde, jusqu'à son dépôt dans des comptes en banque en Andorre par un troisième larron spécialisé dans le placement financier. Biens formés les mecs des Finances rodaient le système qui ne présentait guère de risque quel est le trafiquant de drogue qui serait assez fou pour porter plainte pour le vol de sa valise contenant 600.000 € ? Depuis le début des années 90, les mecs de la brigade « de ciblage » repéraient et « détronchaient » des cibles susceptibles de les intéresser. Affûtés dans ce type d'exercice, les limiers rataient rarement leur cible. En se procurant le billet de certains passagers, en se renseignant sur leur mode de paiement et en les filant discrètement dans les halls de l'aéroport, les agents décrochaient la timbale. Ensuite, à eux la belle vie, un train de vie à donner le vertige, certains ont flambé une grosse partie de leur butin en Asie, au Brésil, dépensant sans compter et investissant dans les hôtels de luxe. En Thaïlande, d'autres s'adonnaient à d'autres plaisirs… L’Octris va se faire un plaisir de mettre à jour l'étendue et l'ampleur d'un système jusqu'ici insoupçonnable, mais rendu possible par un fonctionnement sans garde-fous et les gabelous ce sont des fous-furieux « Il faut à tout prix revoir l'organisation de l'administration des douanes, qui reste une administration et qui peut échapper à tout contrôle judiciaire » dit-on dans la Grande Maison, un comble non !