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4 décembre 2011 7 04 /12 /décembre /2011 07:00

Mon escapade New-Yorkaise, me donna l'occasion de me remettre au bon niveau de l’exercice de mon ancien job de fouilleur de merde. L’irruption de la Toile, de la messagerie électronique, des Smartphones, des tablettes, permettait de pister, de géolocaliser, de piéger, d’écouter ou de lire en temps réel n’importe quel pékin. Toutes ces puces qui trainaient dans les poches de n’importe qui, comme dans celles des puissants, absorbaient une chiée d’infos qu’il était très facile de décrypter. Tout allait vite, très vite, très très vite et tenter de fuir, d’effacer les traces de ses actes, de ses paroles, de ses écrits, pour les gus pris dans les mailles du filet électronique, amplifiait leur enserrement et leur incapacité à tenir une ligne de défense. Plus personne n’était à l’abri, le privé, le secret-défense, n’existaient plus ou presque, comme l’avait bien montré WikiLeaks, alors, plus encore que de mon temps, tout s’infiltrait, tout se manipulait, on fabriquait de la réalité avec du vrai, du virtuel avec du réel et inversement. En clair, les hommes de l’ombre étaient devenus les rois du monde, eux seuls sont encore en capacité de démêler le vrai du faux même si eux-mêmes peuvaient se faire piéger et manipuler. Après la chute du mur, la fin de la guerre froide qui avait plongé les services dans l’affliction et la désolation en leur ôtant leur quasi-raison d’être, la reconversion dans le biseness des turpitudes des grands ou supposés tels relevait du boom. La vieille tapette d’Hoover n’était qu’un enfant de chœur vicelard à côté des petits génies que je venais de voir à l’œuvre. Il n’y avait plus de complot ni de comploteurs mais un système que plus personne ne contrôlait, surtout pas les politiques.

 

Après ce temps fort me remettre à écrire, les pieds dans mes pantoufles, c’était comme si on sevrait brutalement un accro. N’ayant plus ma dose d’adrénaline je ne tenais pas en place. Jasmine, qui s’arrondissait chaque jour, me mit notre Matthias entre les jambes dès qu’elle me voyait tourner en rond comme un fauve dans une cage. Thérapie garantie, le petit brulait l’énergie que j’avais à revendre et me tirait vers des jeux ou des dialogues qui me permettaient de lui raconter des histoires. En fait, je ne lui racontais pas des histoires mais une histoire, toujours la même, une histoire qui n’avait ni début ni fin mais que j’emboitais sans peine en le mettant en scène. C’était l’histoire d’un petit garçon qui montait dans un train. Chaque jour Matthias grimpait dans un train et nous voyagions de concert. Avec lui je renouais des fils. Il m’écoutait ravi sans comprendre goutte à ce je lui racontais sauf que je prenais soin de faire rebondir mes histoires avec son bestiaire favori où les ours occupaient une place de choix. Avec lui je revisitais Berlin, Santiago, Paris, l’Ile d’Yeu… mes fantômes... mes phantasmes... je brodais. Le petit me poussait à une forme de surenchère car, comme je me prenais au jeu, mon récit montait, descendait, petit chariot de montagnes russes, filait hors de moi sans aucune préméditation. Même si ça peut vous paraître étrange Matthias devint mon confident.

 

C’est avec Matthias que je découvris chez un vieux libraire, qui se tenait assis derrière un étrange bureau de notaire, le livre de Mario Calabresi : Sortir de la nuit une histoire des années de plomb. Mario Calabresi est le fils du commissaire Luigi Calabresi qui avait participé à l’enquête sur l’attentat de la Piazza Fontana le 12 décembre 1969 à Milan. Cet attentat à la bombe devant la Banca Nazionale dell Agricoltora, qui a fait 17 morts et 88 blessés, marqua le début des années de plomb, guerre intérieure, véritable terrorisme urbain. Pendant son enquête, un drame se produisit : Giuseppe Pinelli, membre d’un groupuscule anarchiste est arrêté. Il meurt en tombant de la fenêtre du bureau du commissaire pendant les interrogatoires. La presse d’extrême-gauche le désigne comme l’assassin de Pinelli. En dépit des enquêtes qui l’innocentèrent, il est traqué. Sa famille et lui vivent un cauchemar. Le 17 mai 1972, alors qu’il sort de chez lui, il est tué de deux coups de pistolet, un dans le dos et un à la nuque. Il était marié à Gemma Capra, qui avait alors vingt-cinq ans et était enceinte de leur troisième enfant. Ce livre empreint de douleur toujours vive mais d’une grande sobriété m’a bouleversé et dès que je l’ai refermé je me suis remis à écrire. Le seul fait nouveau c’était que maintenant Matthias, assis dans sa chaise haute, me contemplait en suçant son pouce avec sa peluche serrée sur sa poitrine..

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