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20 juin 2010 7 20 /06 /juin /2010 02:18

Comment allions-nous faire pour nous éclipser sans éveiller l’attention de nos cerbères ? L’avion décollait au milieu de l’après-midi et, par chance, l’aéroport se situait à quelques kilomètres de notre hôtel. L’achat de nos billets, via l’agence d’Air France à Prague, fut le premier test de notre capacité à passer au travers des mailles du filet. Mon choix de la Compagnie Française, qui assurait la représentation de SAS dans la capitale tchécoslovaque, n’était pas du tout innocent. Je m’y étais rendu sitôt que nous avions formé le projet de nous éclipser et j’avais remarqué que le personnel y était jeune et français. Ce constat m’avait mis en confiance car la mauvaise conscience des français vis-à-vis de ressortissants algériens, surtout celle de la génération qui n’avait pas participé sous les drapeaux au conflit, me paraissait un gage d’un service rapide et discret. Jeanne se chargeait de l’achat et tout se déroula pour le mieux. J’ignorais si les services de la police aux frontières examinaient les listes des noms des passagers en partance. Le risque existait mais nous devions bien évidemment le courir. Restait maintenant à organiser le scénario de notre départ. Devions-nous partir ensemble ou prendre des chemins séparés ? Nous optâmes pour la seconde branche de l’alternative, plus discrète, en convenant, bien sûr que si l’un de nous deux se faisait choper avant l’arrivée dans l’aéroport, l’autre ne monterait pas dans l’avion. J’avais tenté de convaincre Jeanne de partir si c’était moi qui me retrouvais dans cette situation. « Moi je ne risque pas grand-chose, alors que toi tu es vraiment dans le collimateur des cosaques... » Elle refusa.

 

Officiellement, le matin de notre départ, Jeanne serait malade et garderait la chambre. En fait, avant que le jour ne se lève, elle partirait en petites foulées, traverserait le massif forestier fort bien balisé pour aller se réfugier au petit matin dans un parc animalier où elle jouerait les touristes jusqu’à la fin de la matinée. Notre chance c’est que le personnel de service de l’hôtel, que nous avions arrosé de dollars, nous avait à la bonne et il ne viendrait pas fourrer son nez dans notre chambre ce matin-là. Restait à régler les modalités de mon propre départ. Pour donner le change je décidais de beaucoup me montrer, d’aller et de venir auprès des officiels, de les saturer de ma présence pour que le moment venu ils ne s’étonnent pas de mon absence. Pour arriver dans de bonnes conditions à l’aéroport je devais m’éclipser sitôt le déjeuner. Nos amis tchécoslovaques, pour mieux surveiller nos aller-venues, nous transbordaient dans de petits autobus ou même parfois dans des limousines. Jeanne et moi nous nous étions soumis sans rechigner à cette contrainte. Toutes nos escapades, avec leur assentiment, se déroulèrent dans la bonne ville de Prague, pour des temps limités, et avec des motifs culturels. De plus, le temps passant l’attention de nos chiens de garde s’émoussaient. Notre bonne conduite les endormait. Plutôt que d’inventer un gros bobard j’optai pour un coup de poker.

 

Chaque jour, une camionnette conduite par un vieux pépère très porté sur le schnaps se rendait à l’aéroport en début d’après-midi pour aller récupérer la presse internationale qui était ensuite distribuée aux différentes délégations. Mes relations avec le préposé étaient des meilleures. Je lui avais, en effet, procuré une bouteille de Cognac que j’avais déniché dans un magasin d’Etat réservé aux hiérarques auquel lui, simple pékin, n’avait pas accès. À plusieurs reprises je l’avais accompagné. Mon plan était simple mais risqué. Après le déjeuner j’annoncerais très officiellement que je devais me rendre à l’ambassade d’Algérie pour y réceptionner des documents arrivés par la valise diplomatique. Les seconds couteaux des services de Sécurité sont toujours très respectueux vis-à-vis de ceux qui manient des documents de ce type. Ma demande les prendrait de court. La bureaucratie à en horreur l’improvisation. Afin de leur sortir une épine du pied je proposerais d’accompagner le préposé à la presse à l’aéroport puis de là je prendrais le bus pour me rendre à l’ambassade. De nouveau c’était risqué mais jouable. Si tout fonctionnait comme je l’envisageais à l’aéroport il me serait facile de me défaire du brave pépère. Dernier point d’importance : nous ne pouvions, sans éveiller les soupçons des douaniers, partir pour l’Amérique du Sud sans bagage. Jeanne ne pouvait faire son petit footing munie d’une valise et moi partir à l’ambassade avec armes et bagages. C’est Ernesto, l’amoureux transi qui me procura la solution.     

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