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27 décembre 2009 7 27 /12 /décembre /2009 00:00

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Le virage brutal que nous prîmes à notre retour ne nous devait rien, il résulta d’une brutale accélération des évènements qui échappa à notre contrôle et nous propulsa dans une suite de sacs de nœuds dont nous eûmes beaucoup de peine à nous dépêtrer. Souvent, les tuiles vous tombent sur le coin de la tronche alors que tout vous semble sous contrôle, sans risque apparent, par temps calme. Certes ma position à géométrie variable, si elle me permettait souvent de planquer mes abattis, me plaçait à mon insu dans des zones de fortes turbulences. Jusqu’ici je m’en étais toujours sorti grâce à un art consommé du j’m’en foutisme. Par rapport aux craintifs et aux calculateurs, toujours sur leurs gardes, le fait de ne s’inquiéter de rien, de s’en foutre, constituait un atout majeur dans un monde où tous les coups sont permis. Je n’attendais rien de la vie et, à ma grande surprise, elle me procurait un lot de frissons et de jouissances incommensurables. Rien ne pouvait donc me faire changer de cap, et surtout pas Chloé qui se révélait chaque jour, à sa manière, une redoutable manœuvrière. Nous formions un duo à nul autre pareil. Du côté de la place Beauvau ceux qui m’avaient propulsé dans le nid des petits frelons de la GP, pour y accomplir les basses besognes traditionnelles, commençaient à trouver que j’occupais beaucoup trop d’espace et surtout que je n’en faisais qu’à ma tête. Jusqu’ici, mes hautes protections, ma position d’éminence grise près d’un Ministre important, mes accointances dans des groupes barbouzards rivaux, les avaient incité à la plus extrême prudence, mais comme l’occasion qui se présentait à eux de me brûler les ailes, leur paraissait si belle, inespérée même, qu’ils n’avaient pas hésité une seule seconde à me tendre leur piège foireux.

À peine avions-nous posé le pied sur le tarmac de Villacoublay qu’un motard porteur d’un pli, à me remettre en mains propres, se plantait face à nous, salut militaire, et je me retrouvais convoqué en fin de matinée chez le Ministre de l’Intérieur soi-même.  Chloé s’esclaffait « tes désirs sont des ordres ... » et le bel Albin, intrigué par ma soudaine importance, me prenait par le bras pour m’entraîner à l’écart. « Mon garçon jusqu’ici vous m’intriguiez, maintenant vous m’inquiétez. Quels sont vos rapports avec Marcellin pour qu’il vous traite ainsi ? Il vous a infiltré auprès de moi ? Attention je sais, moi aussi, cogner et cogner dur... » Avec aplomb je le rassurai « Soyez sans crainte, je ne suis manipulé par personne, et surtout pas par Marcellin, je travaille pour mon propre compte et je vous protège... » Il sursautait « Me protéger ! Me protéger de qui, de quoi, expliquez-vous ! » Toujours avec le même aplomb je coupai court « Convenez-en, Monsieur le Ministre, ce n’est pas le lieu. Dès que j’en aurai terminé avec Marcellin je m’expliquerai sur tout auprès de vous... » Mon ton conciliant mais sans appel le sidérait « Vous ne manquez pas de souffle mon garçon : en finir avec Marcellin, rien que cela. Soit vous bluffez et vous le faites bien. Soit vous êtes un personnage d’une dangerosité exceptionnelle... » Mon large sourire le déroutait plus encore « dans les situations fangeuses, monsieur le Ministre, avoir les pieds dans le marigot, même si ça n’est pas toujours très confortables, vaut mieux que de le regarder d’en haut si l’on veut avoir prise sur les évènements... » Il soupirait « ne me dites pas que vous êtes flic. Je veux dire de la Police ». À mon tour, avec une familiarité qui m’étonnait moi-même, je le prenais par le bras « Si je savais ce que je suis je ne vous le dirai pas Monsieur le Ministre car, pour ne rien vous cacher j’ai du mal à savoir ce que je suis vraiment... » Ma pirouette lui tirait un rictus et, sans se dégager de mon emprise il se contentait de me dire « alors à ce soir dans mon bureau... » J’opinais.

Même si Marcellin n’avait jamais fréquenté l’école des cadres du PC, et aucun doute n’était possible vu son passé Vichyssois, il m’appliqua pendant le premier quart d’heure un traitement de choc s’inspirant largement des principes de l’intimidation maximale chère aux héritiers des soviets. Mon dossier, était lourd, à charge, fort bien préparé par ces messieurs qui, en rang d’oignons, affichaient des mines faussement contrites en me contemplant avec commisération. Le problème pour eux c’est que ce dossier était aussi plein de trous, de belles brèches dans lesquelles j’allais m’enfourner une fois l’orage passé. Marcellin, je le sentais, plus il tapait sur le clou plus il doutait du bien fondé de sa méthode. Pourquoi ? Je ne saurais vous le dire mais, sans doute, l’instinct du flic, la prescience que ses munitions, certes bruyantes, relevaient plus de l’opéra-bouffe que de la bonne police. Pour lui, au fur et mesure qu’il m’assénait des reproches cinglants plus ceux-ci prenaient la tournure de vrais compliments : « un vrai bourrin, obtus, obéissant, ne lui paraissait pas en mesure d’accumuler autant de conneries sensées ». Mon ennui amusé devait aussi transparaître. Et puis, brutalement, alors que j’affutais ma contre-attaque, Marcellin s’interrompait. Soupirait. Allumait une cigarette l’air mauvais. Mes chefs prenaient peur je le voyais dans leurs regards de cireurs de pompes lécheurs de bottes. « Messieurs, vous pouvez prendre congé... » Le geste accompagnait la parole, un rien méprisant et impatient. Les hauts-fonctionnaires, tels des généraux répudiés, dignement, un à un, se retiraient après avoir exprimé leurs respects à Monsieur le Ministre. « Accompagnez ces messieurs... » L’adresse frappait le Directeur de cabinet alors qu’il s’attendait à être épargné. Il ne mouftait pas. Marcellin bouffait de la fumée avec une délectation malsaine. Toujours debout, j’attendais. « Asseyez-vous et dites-moi tout... »

 

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