Oui chers lecteurs nous ne sommes pas encore le 1ier avril et mon annonce correspond, à la seconde près, au temps consacré au vin par TFI et, qui plus est, en direct. Ça vous a échappé me direz-vous, comment cela se fait-il ? Pourtant le titre de l’émission : « Les vignes du Seigneur », en dépit de la présence de quelques mécréants sur le plateau, marquait bien la sacralisation de notre divin nectar. Je ne vais pas vous faire languir plus longtemps et vous révéler le pot aux roses : ça s’est passé le 22 mai 1982 au cours d'un Droit de Réponse « Les vignes du Seigneur » animé par Michel Polac. Allez jusqu'au bout de cette chronique si vous souhaitez la voir !
S’il est une émission de télévision qui a symbolisé « la libération de la parole post mai 81 » c’est bien le Droit de Réponse de Michel Polac réalisé par Maurice Dugowson. Dans une atmosphère électrique, tabagique, bordélique, ça partait dans tous les sens sous la houlette d’un Polac adepte de la mauvaise foi de l’intello parisien, ça castagnait, ça irritait la France bien pensante, c’était un espace de liberté, foisonnant, bourgeonnant, où des journalistes de haut vol : Dominique Jamet (Le Quotidien de Paris), Claude Cabanes (L’Humanité), Jean-François Khan (L’évènement du Jeudi), Noël Copin (La Croix), Thomas Ferenczi (Le Monde), Pierre Benichou (Le Nouvel Observateur), Jean-Marcel Bouguereau (Libération) et de grands dessinateurs Siné, Plantu, Wolinski ou Cabu apportaient de la pertinence et de l’impertinence aux controverses. Sans jouer au vieux con : ça avait un peu plus de peps que les aigreurs d'un Zemmour ou d'un Nauleau...
Le pitch de l’émission : « Grandeur et décadence des vins français (ou supposés tels) selon la qualité et le prix. Les affrontements ne sont pas à la hauteur de la réputation de l'émission, malgré l'agressivité de Guy RENVOISE, auteur du guide des vins de France, qui fait le procès des vignerons, et Marcellin COURET, président des coopératives des vins de France, qui s'attaque aux vins de coupage (mélange de vins étrangers ). Mr HUGUET, qui représente les vins d'Alsace, différencie les grands crus et les vins de consommation courante. John WINDROTH, cofondateur de l'académie du vin en France, parle des difficultés actuelles pour trouver ce qu'on veut. J.F. DUBREUIL est très inquiet de l'avenir de son métier de caviste, à Nantes. Discussion assez vive au sujet des vins du midi (rendement a l'hectare) et des vins du Beaujolais (chaptalisation); avis des œnologues ; test de dégustation (de trois vins) sur le plateau ; duplex téléphonique avec Lucien LEGRAND, marchand de vin à Paris, qui parle de l'humanisme du vin et de la confiance nécessaire entre le marchand et le consommateur. Enfin, on rappelle que dans le monde entier, les vins français sont un sujet d'admiration. »
J’ai visionné cette émission. Vraiment elle est à voir ou revoir car il y a de grands moments, dans une ambiance assez soft, sous la houlette d’un Michel Polac débonnaire, bienveillant. Pas trop de fumée mais des verres et des bouteilles de vin sur les tables. Les deux incontestables vedettes de la soirée sont, tout d’abord, un Jean Huillet égal à sa réputation, tee-shirt blanc avec croix occitane, le verbe haut et la dialectique imparable, qui lorsqu’il a la parole ne la lâche pas, vraiment je me suis senti rajeunir en l'entendant brasser de l'air ; ensuite un Guy Renvoisé égal à sa réputation, délivrant des sentences définitives, dénonçant le laxisme de l’INAO qualifié par lui d’usine à faire des décrets. Y’a aussi le père Bréchard qui défend becs et ongles sont Beaujolais, un marchand de vins nantais dénonçant l’industrialisation du vin, parlant de vins asexués et des négociants capables de faire du Muscadet doux pour plaire aux américains ; un Lucien Legrand qui, au téléphone, essaie de prendre de la hauteur en parlant d’humanisme et qui fait cette déclaration prémonitoire sur le Midi en disant qu’il est la Californie française ; un Marcellin Courret qui se croit au Conseil de l’Office du Vin de Table, phraséologie classique, et même un trait d’humour à propos de la chaptalisation « les vignerons de certaines régions ne devraient pas fêter la St Vincent mais la St Louis... » Allusion à la marque de sucre ce que traduit le dessinateur de la soirée par un dialogue entre 2 buveurs : l’un dit « tu bois avec une pince à sucre ? » L’autre « Oui c’est du Beaujolais. » Au cours de l’émission Polac propose une dégustation de 3 vins rouges n°1, 2,3 qui se révèlent être : 1 Côte de Nuits 76 à 69,50 F, 1 Pommard 71 à 82,50 F et 1 Côte du Ventoux à 5 F. Je vous laisse la surprise des avis lors du visionnage de l’émission. Je ne vais pas tout vous raconter car vraiment vous auriez tort de ne pas la télécharger.
Pour vous mettre en bouche sachez que Desproges y fait une prestation discrète mais remarquée (vous en aurez un exemple dans l’extrait que je vous propose. En conclusion de l’émission, et ça nous fait plus encore regretter sa disparition, il pose une question grave « doit-on euthanasier les aquaphiles ? » en ajoutant que les buveurs d’eau sont des monstres. Mais la cerise sur le gâteau reste tout de même le débouchage de bouteilles de champagne en plateau pour fêter le vin français. Que de chemin parcouru à rebours depuis ce temps d’extrême liberté sympathique où l’on pouvait parler de vin sur TF1, en prime time, pendant plus d’une heure, en déguster sur le plateau, sabler le champagne en direct ! Et si nous entamions dès aujourd’hui la route inverse ? Bien sûr, comme le disait notre Raffarin du Poitou « La route est droite mais la pente est forte ». Pour vous persuader cliquez sur ce lien pour visionner l’extrait. Ensuite, une petite manœuvre, pour un modeste coût de 4 euros vous permettra de mettre dans votre médiathèque 1h 15mn 48s de débats sur le vin à la télévision.
http://boutique.ina.fr/video/art-et-culture/gastronomie/CPA82050732/les-vignes-du-seigneur.fr.html