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11 septembre 2014 4 11 /09 /septembre /2014 00:09

Sur un forum, comme il en existait avant que Face de Bouc draine les chalands, un brave continental notait « Au cours d'un de mes séjours en Corse au début des années 60, j'ai vu, lors d'une excursion à Corte, une laiterie coopérative arborant le macaron caractéristique du Roquefort Société. Stupéfait qu'on puisse fabriquer du roquefort en Corse, j'ai interrogé notre guide local qui nous a affirmé que si, bien évidemment, on ne « fabriquait » pas de roquefort dans l'Île de Beauté, une partie des laits collectés pour la fabrication des fromages locaux était néanmoins utilisée pour préparer et ensemencer des « pains » de fromage qui étaient ensuite expédiés sur le continent pour affinage dans les caves appropriées afin de justifier de l'appellation de roquefort. »


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Oui il en fut ainsi, voir l’histoire plus loin. Mais aujourd’hui la Corse est dans une situation paradoxale.


« Elle a le lait de brebis le mieux payé des trois bassins traditionnels (entre 1200 et 1250 euros les mille litres). Pourtant, la production ne cesse de baisser, alors que le succès des fromages corses ne se dément pas. « Entre 2008 et 2012, nous avons perdu 1,6 million de litres », indique Antoine Ottavi, président de l’interprofession laitière ovine et caprine de Corse (ILOCC). La collecte s’élevait l’an dernier à 6,5 millions de litres. Cependant, 30 % de la production (quelque 3 millions de litres) sont transformés directement à la ferme. Pour satisfaire la demande des industriels, il manque de 1,5 à 2 millions de litres qui sont importés de Sardaigne et du bassin de Roquefort. « Nous craignons que la baisse de la collecte continue sur la même pente », dit Antoine Ottavi. En Corse, l’accès au foncier reste souvent précaire. Cela n’incite pas à réaliser des investissements productifs ni à l’amélioration de la productivité. L’accès aux financements est difficile. Le sous-équipement, notamment en bâtiments et équipements de traite, est important. Ce qui accroît la pénibilité du travail. De plus, la population des éleveurs est vieillissante : la moitié a plus de 50 ans. Plusieurs actions ont été lancées pour stopper cette hémorragie. Mais, la tâche est difficile.


Parmi la quinzaine d’entreprises, dont un seul groupe national (Société des Caves), neuf ont créé un GIE pour s’approvisionner à l’extérieur. « Ce sont des solutions à moyen terme, mais à long terme la situation est vraiment problématique, assure le président de l’ILOCC. Il est plus facile d’avoir une collecte propre que de s’approvisionner auprès des grands groupes ». Cette situation fragilise les petites laite- ries qui ne parviennent pas à atteindre une taille critique. Co-produit de la transformation fromagère, le brocciu (420 tonnes par an) est la seule AOP fromagère de l’île de Beauté. Le plateau des fromages corses est pourtant d’une grande richesse. L’un des enjeux de la filière est de parvenir à identifier ses produits avec des signes officiels de qualité. « Nous travaillons sur trois ou quatre projets d’AOP (sartinese, bastelicacciu, venachese, niolo), avec le lait produit en Corse, et sur un projet d’IGP sur les pâtes pressées pour du lait transformé en Corse mais avec la possibilité de s’approvisionner à l’extérieur, explique Antoine Ottavi. Il y a un consensus de la filière autour de ces projets ». La dégradation de la collecte est d’autant plus dommageable que le potentiel de marché des fromages corses est loin d’être exploité. Environ 70 % des fromages sont écoulés sur le marché local et le reste sur le continent (Rungis notamment) et à l’export. »


 Roquefort-Corse.jpg

égouttage du caillé, fromagerie de la socité des caves de Roquefort à l'Ile Rousse 1955

 

« La légende veut que l'origine de l'installation des industriels de Roquefort en Corse tienne à « la rencontre fortuite, aux eaux de Vichy, d'un négociant aveyronnais, d'un Corse et d'un fromage de Niolo, blanc et gras, qui ne pouvait échapper à son sort d'être mangé ». Plus que cette rencontre factuelle, l'intérêt que les industriels du roquefort vont porter à la Corse tient à deux facteurs : d'une part la nécessité d'étendre leur aire de collecte pour faire face à la demande croissante de fromage ­ une extension que facilite l'amélioration des transports maritimes ­, et d'autre part, le décalage des dates de lactation entre Corse et Rayon. En effet, en Corse les mises-bas ont lieu à l'automne pour les brebis, la traite a donc lieu de novembre à mai, alors que dans le Rayon elle est plus tardive, de février-mars à juillet.

 

Des grandes maisons de Roquefort, c'est Louis Rigal qui, le premier, a entrepris la fabrication de roqueforts blancs en Corse. Il était à la recherche de lait et ne pouvait plus surenchérir sur ses concurrents pour leur « voler » des producteurs dans le Rayon. Il se serait également aperçu à la lecture de sa correspondance commerciale que, de Paris et de la région du Nord, on lui demandait surtout des fromages frais « n'ayant pas acquis ce piquant, ce relevé qu'ils prennent d'habitude à l'affinage ». Or, le désir de cette clientèle n'était facile à satisfaire que durant les premiers mois de traite (de mars à août) ; c'est alors qu'il se serait avisé que « la Corse était un pays essentiellement adonné à la culture pastorale, que, grâce à l'influence du doux climat maritime, le pacage des bestiaux y était possible à un moment où les rigueurs hivernales obligent les fermiers de nos régions aveyronnaises à nourrir les troupeaux dans les bergeries ». La période de traite corse est d'autant plus intéressante qu'elle correspond au pic de consommation (septembre à mai). Non seulement elle permet d'offrir des roqueforts primeurs aux consommateurs, mais aussi de réduire les frais de stockage en chambre froide.

 

Dès 1894, Louis Rigal réalise des essais. Il éprouve un certain nombre de difficultés à discipliner les bergers, « toujours errants à travers le maquis ». Mais il finit, en 1899, par installer une fromagerie et par faire des bénéfices. En 1901, il est à la tête de six laiteries réparties en Balagne, Casinca et dans la plaine d'Aléria. Le succès aidant, il est imité par d'autres industriels : en 1901, la maison Maria Grimal et la Société des caves et des producteurs réunis de Roquefort créent également six laiteries. Ainsi dès 1905, près de 1 400 000 litres de lait sont collectés en Corse, soit environ 5 % de la production de pâtes de roquefort. Le nombre de laiteries progresse avec rapidité, surtout après la Première guerre mondiale, période pendant laquelle le lait tend à manquer sur le Rayon. »

 

« Il est clair que les industriels de Roquefort ne sont pas venus s'approprier des savoir-faire fromagers en Corse, mais chercher une matière première pour produire leur propre fromage et selon leur propre logique industrielle. D'ailleurs les laiteries de Roquefort sont dénommées « succursales » et le lait corse n'est collecté qu'en fonction des besoins de Roquefort : lorsque la campagne roquefortaine n'est pas commencée. Les maisons de négoce ne revendiquent pas non plus la provenance corse, même si les fromages blancs corses revêtent des qualités particulières et ont des destinations précises. »

 

La suite ICI link


Roquefort-Corse2.jpg

 

« À travers la chronique d'un siècle de relations entre les industriels aveyronnais du Roquefort et les producteurs corses, cet article se propose d'analyser les transmissions, les échanges ou les appropriations successives qui ont pu s'opérer entre les deux cultures laitières et fromagères. Cette chronique peut être analysée en trois temps. Celui de la rencontre à la fin du siècle dernier. Celui de l'hégémonie des industriels de Roquefort en Corse, période où la culture fromagère traditionnelle corse est bouleversée alors que celle de l'industrie du Roquefort est à son apogée. Celui, enfin, courant des années 1970 à nos jours, qui serait le temps du repli de la fabrication du roquefort et de la redécouverte du patrimoine régional corse, tant par les Corses que par les industriels de Roquefort. »

 

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