« Un ministère est un lieu où les fonctionnaires qui arrivent en retard croisent ceux qui partent en avance. » Courteline ou Clémenceau, je ne sais ! Ce que je sais en revanche que sous les vieux clichés se cachent souvent une réalité bien différente. Ainsi, mardi dernier alors que l’automne nous tombait dessus sous forme d’un crachin poisseux, délaissant mon vieux destrier à pédales, je me rendis, aux alentours de midi, rue Barbet de Jouy, où se tenait dans le hall du restaurant AURI ( la cantoche, quoi !) ce, qu’en l’un de ces raccourcis dont j’ai le secret, j’ai qualifié de foire aux vins. En effet, c’en était une, mais d’un type particulier car il s’agissait d’une dégustation-vente de 2 lycées agricoles : celui de Libourne-Montagne et celui d’Avize.
Sur le quai de la station Varenne une copie du penseur de Rodin semblait bien lasse de voir passer des trains, à l’angle de la rue de Bourgogne Alain Passard tout de blanc vêtu allait vers ses fourneaux de l’Arpège ; la longue chenille des fonctionnaires s’étirait sur le trottoir et s’agrégeait à la file des usagers de la cantine ; dans le hall des jeunes filles et des jeunes gens en tablier s’activaient, tentaient de capter les chalands, proposaient de déguster : les champenois munis de flutes mais sans bassin déversoir, les bordelais pourvus de dés à coudre en plastique et d’un seau pour le crachoir. Que des lycéennes et des lycéens agricoles. Je les mettais en boîte.
Comme j’étais à la bourre ma dégustation se contenta du minimum syndical : le Blanc de Blancs et le Louise Eugénie pour le Champagne et le Château Real Caillou 2007 un Lalande de Pomerol. Rien de très excitant, du classique, bien fait pour les deux champenois et du boisé encore trop prégnant pour le Lalande pomerolais. N’en tirez aucune conclusion définitive, cette dégustation à la volée n’a rien de représentative. Un jour si j’ai le temps je tenterai un tour d’horizon plus large, plus au calme pour mieux situer les vins de nos lycées agricoles. En étant bon diplomate je noterai simplement qu’ils ne sont pas forcément très rock and roll, qu’ils restent dans une ligne gentiment traditionnelle, ce qui n’est pas forcément critiquable, que j’aimerais que notre enseignement viticole explorât avec un peu d’allant des parcours moins convenus.
Mais là je m’aventure sur un terrain qui n’est pas le mien : l’offre de formation de nos lycées viticoles est-elle bien en phase avec les mutations de notre vignoble et des opportunités qui s’offrent sur les nouveaux marchés. Les jeunes filles et les gens présents derrière les comptoirs du hall de la cantine de Barbet de Jouy étaient tous de futurs commerciaux donc essentiellement tournés vers la vente. L’exercice auquel ils se livraient est bien sûr formateur : aller vers le client, lui faire déguster le produit, se mettre en capacité de le convaincre c’est le BA-BA d’une forme de vente directe aux particuliers, celle que l’on rencontre dans les allées des salons de vignerons. Ces travaux pratiques sont donc utile pour le modèle vigneron, artisan-commerçant, vendant son vin en bouteilles. Loin de moi de critiquer cette démarche mais elle me semble un peu réductrice par rapport aux réalités commerciales auxquelles ces jeunes gens vont se trouver confronter sur le marché du travail. En clair, ne surexpose-t-on pas le modèle vente directe ? Le vin se vend majoritairement ailleurs : circuits de distribution et export, alors je me pose simplement la question.
Pour autant participer comme le font les élèves du lycée d’Avize :
- à la Fête des Vendanges à Montmartre (c’est passé) ;
- à la semaine commerciale les caves de mon père à Brest (c’est passé) ;
- à la foire et le marché d’hiver à Sint-Lievens-Houtem en Belgique les 11-12 novembre ;
- au Terroir’s Tour les 9-10-11 décembre à Ivry-sur Seine puis à Lille ;
- au Salon de l’agriculture en février-mars 2012
- Faire des portes ouvertes tous les WE de novembre et décembre
- Organiser le 17e Salon des vins des lycées viticoles les 23 et 24 mars 2012
est bien sûr une excellente école de formation pour ses élèves et la dynamique créée en 1952, par une poignée d’anciens élèves, qui ont doté le lycée de la Champagne d’un outil de production et de commercialisation des vins sous la forme d’une « coopérative des anciens de la viti » dans les caves léguées par la famille Puisard, est assez exemplaire. En effet, les fondateurs donnent leur temps et leurs raisins pour que les jeunes se forment. Aujourd’hui, un demi-siècle plus tard, ils sont 80 anciens élèves à perpétuer cette tradition et à livrer leurs raisins. Ainsi la production des vignes du lycée classées grand cru, la marque SANGER dispose de 35 terroirs parmi les plus prestigieux de la Champagne. Les 380 élèves et étudiants, avec le chef de cave et les enseignants, créent et commercialisent la gamme Sanger www.sanger.fr
Bravo les jeunes, un tout petit conseil : ne restez pas trop dans votre bulle et vos bulles lorsqu’un client s’adresse à vous, quel qu’il fut, moi en l’occurrence, ne vous contentez pas de faire les serveurs de dégustateurs, engagez la conversation, ne vous contentez pas de débiter les habituels propos sur la cuvée qui s’apparentent à ce que l’on baptise éléments de langage. Faire du commerce c’est créer un lien avec le client potentiel, allez au-devant de sa recherche, l’écouter, ne pas se contenter de lui présenter le tarif… Tout s’apprend mais « la bosse du commerce » comme disait le père Mougard le marchand de bestiaux de mon enfance, on l’a ou on ne l’a pas. Bon courage et ne prenez pas ombrage de mes remarques car elles ne sont que les encouragements d’un taulier qui, sur son espace de liberté, a appris à écouter et à mieux comprendre ceux qui le lisent…