Le vin fait couler beaucoup d'encre et de salive ces derniers jours : tout le monde se rue sur le dernier sujet qui fait peur : le dérèglement climatique même que la frétillante Isabelle Giordano avait organisé un débat sur son Service Public à partir d'un article d'un certain Claude-Marie Vadrot sur le sujet dans Politis. Le titre de l'émission valait déjà son pesant de cacahuètes : AOC : un label qui ne veut plus rien dire ? Faudra expliquer à la dame que l'AOC n'est pas un label de qualité. Bref, Denis Saverot a du ramer sec pour faire entendre des arguments intelligents. Notre ami Jacques Dupont Merveilleux du Vignoble, absent car en voyage, avait lui exécuté Vadrot par mail " rien qu'un tissu de conneries ". N'ayant pas lu la prose du sus-dit car je croyais Politis définitivement coulé en dépit de la nième souscription de soutien, je ne ferais présentement aucun commentaire mais l'audition de ses propos m'ont laissé songeur : amalgames, approximations, tout un laïus de sauveur de la viticulture française menacée, références constantes à ses copains vignerons pour justifier son pathos. Bref, ça avait le goût de bouchon de vieux con qui s'autoproclame expert de pinard comme y dit. Bref, puisque la séduisante Isabelle Giordano fait dans l'AOC discrédité moi ce matin je la prends à contre-pied et je la déclasse en IGP : facile Berthomeau !
En effet, ce bouquin est sympathique, précis et très bien documenté « nous avons rencontré 21 médecins, des kinés, des prêtres, des notaires dans le coin et des viticulteurs pour comprendre la fabrication du vin. On a refait le chemin des meurtres » précisent les auteurs, j’ajouterais trop bien documenté pour les descriptions des lieux et des sites : comme une impression de plaquettes de syndicat d’initiative. La mise en place est besogneuse mais ensuite, lorsque les cadavres s’accumulent, le polar prend son rythme et le scénario bien ficelé capte l’attention : c’est clair j’avais envie d’aller au terme. Mais Dieu que le présent de l’indicatif est plat ! Mais Dieu que le verbe être et avoir sont transparents ! Mais, à tout pécheur miséricorde, nos trois auteurs sont des hommes de l’image pas encore des écrivains.
Alors me dire-vous, pourquoi chroniquer sur eux ? 3 raisons essentielles :
- la première : j’ai acheté le livre donc je l’ai lu et lu jusqu’à la dernière ligne même si je zappais sur la fabrication des cierges ou sur des descriptions du genre « Nadya avance un peu plus dans la nef, attirée par quatre peintures circulaires sur fond bleu turquoise. Un écriteau indique qu’il s’agit d’une fresque du XIIIe siècle représentant le martyre de Ste Catherine. Sur la gauche, dans la saillie, une Vierge étirée semble pointer du doigt les quatre médaillons. ». De plus comme la seconde moitié est bien plus efficace que la première l’impression finale est bonne. C’est comme si nos trois lascars se bonifiaient en écrivant.
- la seconde est plus complexe à exprimer, en effet, dans la mesure où nos jeunes pousses lisent peu ou pas du tout, si par bonheur le succès de ce polar est en partie dû à un lectorat jeune c’est tout bénéfice pour l’amour des livres. Que les trois auteurs me pardonnent, leur modeste cru, qui n’a d’ailleurs pas la prétention d’être un GCC, est un bon produit technologique. Un produit d’initiation pour néo-lecteur, comme le sont pour vins dit technologiques. Le succès des vins rosés en atteste. En poussant le bouchon un peu plus loin j’écrirais à propos d’AOC que c’est un excellent livre sans IG, un honnête vin de cépage. Un livre d’hommes d’images proches de la culture de la Toile. Mon propos n’a donc rien de condescendant, bien au contraire il reconnaît que nos goûts d’initiés, de gens qui se disent cultivés, doivent, sans pour autant jeter par-dessus bord notre culture, s’ouvrir à une forme de simplicité. Le polar qui a gagné ces dernières années ses lettres de noblesse me semble être un bon terrain d’initiation.
- la dernière je la trouve (voir la phrase en rouge dans l’avant-dernier paragraphe du commentaire) dans un commentaire trouvé sur le Net « J’ai acheté ce polar uniquement pour le plaisir futile d’avoir une dédicace d’un des auteurs, présent dans le Carrefour ou je faisais mes courses. Bon, j’aime aussi les polars, les français particulièrement, mais sans ça je n’aurai probablement pas acheté ce livre.
J’ai pu donc discuter avec Yann Marchesseau, un monsieur très sympa et avec qui j’ai échangé quelques avis sur le polar français,.
Bref, qu’en est-il de cet AOC ?
J’en suis fort désolé mais je suis très mitigé.
Le côté narratif est plutôt bon, notamment ce qui tourne autour du vin. Mais les dialogues, très présents, sont plus laborieux. J’ai l’impression que les auteurs ont voulu faire réalistes, les phrases fusent comme dans une vraie discussion, mais j’ai trouvé ça assez artificiel justement. A force de vouloir faire vrai ils sont arrivés à quelque chose qui sonne faux.
Les personnages des flics sont assez creux, surtout celui du capitaine Cuche, absolument pas crédible dans son emploi des termes anglais dans sa discussion, genre all right pour dire d’accord. Ça me fait penser à Tintin en Amérique…
Les autres personnages sont des stéréotypes de notables d’une petite ville de province : le député forcément arrogant et avec le bras long, le couple de pharmaciens, la maire, l’aristo du coin…
L’intrigue en elle-même, le meurtrier, son mobile, tout ça est plutôt bon, sans être renversant, mais ce n’est pas non plus le but recherché. Au final, ça se lit sans déplaisir malgré ses défauts, mais aussi sans surprise.
Reste que ça permet de découvrir le monde du vin, et ça c’est toujours intéressant.
Par contre, j’ai trouvé que tel quel ce roman ferai une bonne série policière en deux épisodes sur France 2. Limite le scénario pourrait-être le livre lui-même. Bien filmé, bien joué (en enlevant les tics de langage du flic), ça pourrait être bien sympa. »
Normal nos trois larrons, conseillés par François des Ligneris, étaient entourés de bons conseils sur l’univers de la vigne et du vin de Saint-Emilion
Au final, je ne jouerai pas au verre à moitié vide ou à moitié plein mais je vous recommande d’aller sur leur site www.aoc-leroman.com pour découvrir leurs « teasers » sur leur premier livre dont je viens de vous parler et leur nouveau, écrit à 4 mains cette fois-ci, les frères le Boloc’h, « Le sang des Immortels » Pour ce faire une fois sur le site cliquer sur films.