Afterwork du Taulier : ne pestez pas contre le mauvais temps « les vacances vont vous faire du mal »
Je profite du bruit fait autour de la colline de l’Hermitage sur notre petite blogosphère – en m’excusant auprès de ceux qui sont importunés par cette intolérable agitation – pour avoir une pensée pour les premiers congepés, de leur ruée sur les routes nationales avec leur petite auto du genre 4CV ou sur leurs petites motos Terrot ? L’irruption du populo, même sur les rives de la grande bleue, cette Côte d’Azur paradis des privilégiés, ça devrait émouvoir nos chers bobos tendance Besancenot. C’est le syndrome Poutou. Fiers d’être ultra-minoritaires, la pointe la plus avancée de la classe ouvrière mais sans le jaja qui tache, ni la tente Trigano, il ne faut pas pousser trop loin les élans ça pourrait tacher la moquette de l’appartement.
En ces temps d’aucuns chantèrent la Nationale 7, la Route bleue historiquement la plus longue et l'une des plus mythiques routes nationales françaises avec 1004 km à son apogée. Jusqu'en 2006, elle a relié Paris à Menton via la Vallée de la Loire, l'Ouest de la Bourgogne, le Nord-Est de l'Auvergne, Lyon, la Vallée du Rhône, le Massif de l'Esterel et la Côte-d'Azur. Contrairement à une idée très répandue, elle ne desservait ni Saint-Étienne, ni Marseille. A sa création, en 1824, elle est définie comme étant la route de Paris à Antibes et en Italie, par Nice. Elle succède alors à la route impériale 8. Suite à la réforme de 2005, la RN7 a été démantelée et il n'en reste alors que cinq sections le long de son ancien parcours.
Donc en cet après-midi pluvieux, rien que pour faire fulminer le Vindicateur, au lieu de pester contre le mauvais temps, j’ai décidé de laisser la plume à un grand et énorme râleur. Un vrai chieur, la mesure-étalon de ce qui se faisait de mieux dans la grosse mauvaise foi. Comme aiment à le dire certains plumitifs du Net un maître dans l’art de pousser un coup de gueule. Et, Dieu sait qu’il en avait une sacré gueule.
« Eh bien, ça y est ! La période la plus bête de l’année vient de commencer. Cette période dits « des vacances », du grec vaos, aller, et du latin, cançus, repos. Aller au repos. Il semble que les citadins n’aient plus que cette idée en tête, dès qu’arrivent les premiers jours de juillet. Les pauvres gens ! Ils ne savent pas, bien sûr, que cette prétendue détente que l’on trouve sur les plages, au milieu des étendues d’herbe ou au pied des montagnes, n’est qu’un mythe, un mythe qu’il est nécessaire de détruire.
LE SOLEIL EST UNE COCHONNERIE !
Oui, je le dis tout net, le soleil est une cochonnerie. Il est bon de le souligner, car depuis quelques années, par un étonnant mécanisme mental, l’homme du XXe siècle a associé ce gros astre stupide à une notion de beau temps, et semble dès lors n’être plus gouverné, dans ses désirs et dans ses actes, que par le baromètre. Dans les méandres boursouflés de son cerveau, l’humain a remplacé le cartésianisme et la morale chrétienne par une grenouille subjective qui monte et qui descend de l’échelle de son subconscient et dirige son psychisme selon les fluctuations de la température extérieure.
Le citoyen n’est plus qu’un torse huilé, qui demande dans ses prières : »Donnez-nous aujourd’hui notre bronzage quotidien. » Quand il élève la voix, ce n’est plus pour réclamer un gouvernement stable et une balance des comptes équilibrée, mais pour réclamer du soleil.
Il faut en rendre responsable le régime démocratique, l’action des syndicats et le développement du camping qui permettent à toutes les classes sociales d’accéder, en scooter, en des lieux où ils ne pouvaient s’aventurer autrefois qu’en yacht ou en smoking.
Jadis, l’ouvrier ne pouvait pas profiter du soleil, la preuve : il ‘est jamais question de soleil dans les romans d’Emile Zola, qui a si bien décrit le peuple. Et le peuple d’il y a cinquante ans se fichait pas mal de bronzer. Il était malheureux certes. Il avait faim, il avait froid, il était malade et mourrait jeune, mais il n’était pas psychiquement traumatisé.
Qui a névrosé le monde d’aujourd’hui ?
POURQUOI ÇA FAIT DU MAL ?
Il est vrai que le soleil dans certains cas, réchauffe de vieux membres, chasse de vilaines sciatiques et dessèche de sournois bacilles.
Mais ce ne sont là que d’infimes compensations en regard du danger permanent que le soleil fait courir à l’individu. Danger uniquement psychologique, évidemment. Car après être resté quatre semaines sans rien faire, dans une quiétude douillette, loin du bruit de sa machine-outil, loin de son supérieur hiérarchique, en un mot loin des symboles de son labeur, le travailleur relâche son autodéfense cervicale. Il laisse aller à la dérive et s’endort dans un doux farniente. Il est comme l’enfant dans la mère, il a chaud, il est bien ! Or, l’homme est déiste. C’est la base de sa complexité. Inconsciemment, il s’invente un dieu pour concrétiser la douceur de ses vacances. Ce dieu, c’est le soleil, et le mal est fait.
Le soleil ne représentera désormais dans les ramifications mentales de l’homme que ce qui est bon, et le reste ne sera que fange, boue et vomissure.
En septembre, lorsqu’il reprendra son travail, l’homme ne sera plus qu’une larve hébétée ressassant sans cesse des souvenirs. Il sortira de sa poche de lamentables photos montrant sa bedaine étalée, et gloussera en les faisant circuler : « Là, c’est moi… au soleil d’Arcachon… »
Dans l’exercice de son travail même, il sera troublé. Perdu dans un rêve, il sourira béatement devant sa machine, retrouvant au fond de sa rétine les images éblouissantes de ce soleil qui l’aura saoulé pendant trente jours, tandis que sa main sera doucement broyée par l’engrenage ou que sa phalange s’écrasera sous le marteau.
Il ne sera plus qu’un grand corps bronzé vidé de sa conscience. À cause d’un petit mois de vacances, il aura gâché sa vie, sa carrière, son avenir. Il ne sera jamais plus ni bon époux, ni bon père, ni bon citoyen.
Voilà ce qu’aura fait de lui le soleil.
Nous n’avons qu’un seul conseil à vous donner : ne jouez pas avec votre santé morale. NE PARTEZ PAS EN VACANCES, ou, si vous ne pouvez pas résister, choisissez un endroit où le soleil ne se montre jamais. Allez à Deauville. »
Ce magnifique texte engagé est de qui chers lecteurs ?
Afin que vous ne preniez pas de fausses pistes il n’est ni l’œuvre d’Henri Guaino, ni de Michel Onfray, mais d’un râleur disparu.