Sur la Toile, et c’est pire depuis que Face de Bouc permet les épanchements en ligne, les blogueurs et les bloggeuses exerçant leur « talent » en chroniquant sur des produits commerciaux sont accusé(e)s, cloué(e)s au pilori, vilipendé(e)s car ils ou elles seraient acheté(e)s par ceux qui vendent ces produits via des agences de com., des attachés de presse… Les moyens sont connus, répertoriés, pratiqués par une large majorité de journalistes professionnels, déjeuners dit de presse, voyages dit de presse, cadeaux divers et variés, colis de fin d’année… À l’étage juste au-dessus, plus juteux, il y a ce que l’on dénomme les ménages : animation rémunérée de colloques, de séminaires d’entreprises, articles grassement payés dans des revues professionnelles. En montant encore un peu dans l’achat des plumes, il y a des propositions gracieuses de maisons pour les vacances, de services rendus du genre embauche de membres de la famille, d’obtention de médailles honorifiques – très couru et peu couteux - invitation à des festivals où l’on côtoie des happy few… Le sommet de la hiérarchie étant, bien sûr, une bonne petite enveloppe en liquide qui ne laisse aucune trace, sauf lorsque le « donateur » en tient la comptabilité sur un petit carnet.
Alors, les blogueurs et les bloggueuses seraient-ils pires que leurs illustres prédécesseurs des médias traditionnels ? Je ne le pense pas et, je souligne que l’énumération ci-dessus ne consiste pas à entonner à propos des journalistes un quelconque « tous pourris ! » mais tout simplement à demander à certains chevaliers blancs de la Toile de mettre un bémol sur leur soudaine envie de nettoyer les écuries d’Augias du Net. Franchement, les blogueurs et les bloggueuses, même dans des secteurs bourrés de fric comme le luxe et la mode, ne sont que des petits couteaux car ce sont de petits calibres. Ne voyez pas dans ce qualificatif une quelconque condescendance de ma part puisque fait partie de la confrérie. Ce que je veux dire c’est que tous ceux qui achètent payent le prix en fonction de l’influence, du pouvoir de prescription, de ceux qui acceptent de se vendre. Se vendre ne signifie pas pour autant être un ou un(e) vendu(e), et que d’aller à un déjeuner ou à un voyage de presse c’est se lier par contrat à celui ou celle qui vous invitent. Pour les cadeaux : la bouteille à la sortie ce n’est rien, les wagons de caisses, que reçoivent plutôt les journalistes, à la Nouvelle année mériterait un peu plus de modération de leur part. Pour tout le reste, c’est le début de la fin de la crédibilité.
La crédibilité, la confiance que vous fait votre lecteur, sa fidélité, c’est le meilleur salaire que puisse espérer le blogueur ou la blogueuse. Oui c’est bien joli tout ça mais il faut bien vivre. Il faut assurer les fins de mois. J’en conviens aisément mais dans la mesure où la gratuité, qui est la règle sur le Net, ne permet pas de tirer des revenus directs de ses écrits, le blogueur et la blogueuse, doit avoir recours à d’autres ressources pour vivre. Pour ma part, je ne crois pas, après 7 ans d’exposition sur la Toile, que le Blog puisse se transformer en petite entreprise individuelle médiatique. En revanche, je suis persuadé que de nouveaux formats sont viables, tel le ou la journaliste qui tient un blog : à la seule condition que le ou la blogueur-blogueuse soit un vrai journaliste et non pas le faux-nez de l’organe qui le rémunère. Nos amis journalistes américains dans de grands médias ont démontré qu’indépendance, liberté de ton, crédibilité étaient tout à fait possible. Autre possibilité, s’adosser à un autre métier sans rapport direct avec la sphère d’influence de son blog. On peut avoir une double vie en l’assumant.
Dans le sport de compétition, dans la langue de bois des joueurs et des entraineurs, on utilise le terme « pression ». Je le trouve bien adapté au statut de blogueur ou de blogueuse. Nous ne vivons pas dans un monde de Candy mais dans un monde de mercantis et il ne faut pas se voiler la face du plus petit vigneron à la plus grande maison de Champagne l’important c’est d’accéder aux consommateurs, d’être connus pour les inconnus ou d’entretenir sa notoriété pour les plus connus. Pour autant tous les moyens d’y parvenir ne sont pas bons. À chacun de se forger son éthique, de s’assumer, d’assumer ses proximités, de ne pas se la jouer pur et dur lorsque l’on se laisse aller à servir la soupe ou à passer les plats de ceux qui graissent les pattes. Enfin, même si le marché français ou même francophone, reste important, surtout pour les vignerons indépendants, l’avenir du vin français se situe ailleurs et les blogueurs et bloggueuses francophones chalutent, comme on le dit en langue de marketing, sur un marché mâture et je leur demande de réfléchir au phénomène Parker. En effet, pourquoi le pays qui se vit et se revendique comme le pays du vin n’a-t-il pas accouché d’un influenceur pratiquant notre langue ?
Ayant dans ma vie antérieure détenu une petite parcelle de ce que l’on appelle le POUVOIR j’ai vu, côtoyé de grands squales, des lobbyistes de tout poil, plein de gens qui vous veulent du bien, ça grouille, ça se pousse, c’est la Cour, la basse-cour… Si l’on veut survivre dans ce bal des hypocrites, des corrupteurs, il suffit de les tenir à l’écart, de vivre sa vie comme on l’entend pour pouvoir chaque matin se regarder dans la glace de sa salle de bains. C’est la vie, chacun la vit comme il peut ou comme il veut, et je n’entends donner de leçons à qui que ce soit. Simplement, jeunes blogueurs et bloggueuses ne faites ni preuve de fausse naïveté ou d’ambitions démesurées, vous comme moi ne sommes que de minuscules chiures de mouches sur la grande Toile. Ne soyons ni dupes, ni complaisants, apportons à nos lecteurs du contenu, de l’information, du plaisir et ne prêtons pas le flanc aux aigreurs soit de stipendiés honteux ou des passeurs de plats qui ne crachent pas sur les faveurs accordées par les grands pourvoyeurs de pub dans leur organe dit de presse.