L’ami Robert Laloum cuisinier tavernier du côté de Montreuil à la table d’Emile www.latabledemile.com m’a fait passer cette excellente interview de l’ami Pascal Frissant par Remy Cougnenc publié le 20-02-2012 au journal La Marseillaise. Afin de lui donner une audience « nationale et internationale » sic je prends la liberté de la publier sur mon espace de liberté. Un petit détail :à la Marseillaise « Coupe Roses » est un domaine alors que c’est un château www.coupe-roses.fr on ne se change pas. Bonne lecture et un grand salut à Pascal que j’ai toujours identifié comme audois plus qu’héraultais…
« Tandis que le 10e salon mondial des vins et spiritueux du pourtour méditerranéen s’ouvre ce matin, Pascal FRISSANT viticulteur héraultais explique que la vente au-delà des frontières européennes est devenue quasiment incontournable. Sans forcément être un gage de prospérité.
Installés à La Caunette au cœur du Minervois, à la frontière de l’Hérault et de l’Aude, Pascal Frissant et son épouse Françoise sont à la tête du domaine « Coupe-roses ». Ils exportent 85% des 40 hectares produits. Entretien avec un vigneron amoureux de son métier.
Vinisud est-il cet outil merveilleux que l’on nous décrit ?
« La masse des affaires qui se traite à Vinisud est importante. Ce salon international draine beaucoup de gens qui créent des contacts. Il existe une vraie activité de rencontre entre acheteurs et vendeurs. C’est une confrontation intéressante parce qu’elle permet de savoir si notre vin plait ou pas, si l’étiquette accroche ou pas. C’est aussi un lieu où l’on s’éduque à ce que l’on veut. Cela nous apprend à nous positionner, on affûte nos discours.
Le problème de Vinisud c’est que l’inscription reste chère. Trop pour certains petits vignerons qui aimeraient y être mais ne peuvent se le permettre parce que Vinisud engendre trop de frais même si de petites solidarités s’établissent. »
Aimeriez-vous que le salon ait lieu tous les ans ?
Non pas forcément. Par contre il serait intéressant de monter un marché du vin avec tous les vins disponibles sur un site et une grille d’analyse sensorielle dans chaque langue qui permette à un acheteur du bout du monde de pouvoir commander son vin du Languedoc. Ensuite, ce qui nous manque ce sont les activités culturelles qui magnifient le vin, son histoire, les vignerons, les espaces…
Sud de France, la marque ombrelle de la Région Languedoc-Roussillon, ne peut-il pas être cet outil ?
C’est un outil intéressant mais incomplet. Leur message est mécanique mais pas sensible. Je crois qu’ils ne se sont pas assez posé la question de la qualité. Sud de France ne devrait pas être qu’un outil de communication par ailleurs bien faite. Il faudrait que la marque ait davantage le souci d’équilibre durable, du bio. Autant de valeurs porteuses à l’exportation. Il faudra aussi réfléchir sur la part de la culture dans la communication autour du vin.
Quelle est la place des exportations dans la viticulture régionale ?
On est autour de 40% sur les AOC et à 50% sur les vins de Pays d’Oc. Donc c’est l’exportation qui nous fait tourner. C’est une donnée nouvelle qui n’existait pas il y a à peine 15 ans. Il y a des succès et à côté des gens qui n’arrivent pas à vendre. Mais il faut nuancer. Ils y a ceux qui exportent à des bons prix et ceux qui exportent à des prix honteux, extrêmement bas. L’exportation en soi est un indice mais on ne peut pas faire un lien direct entre l’exportation et la prospérité des viticulteurs. Quand on exporte à des prix trop bas, on fait juste tourner la machine. Finalement, on exporte davantage des bouteilles, des bouchons et des cartons que du vin. D’un point de vue rationnel, on peut considérer que les exportations qui n’ont que pour but de faire tourner les chaînes d’embouteillage sont inutiles. Surtout que l’impact carbone est important. En même temps c’est délicat de tirer des bons prix à l’export parce qu’on vit une érosion des marges. Exporter signifie aussi qu’on a au moins un certain savoir-faire.
L’exportation est-elle devenue incontournable en Languedoc ? Peut-on s’en sortir sans exporter ?
En Languedoc très difficilement. Dans le Var, ils n’ont même pas besoin de s’enquiquiner à exporter ni même d’avoir de jolis lieux d’accueil. Vu le nombre de touristes qui passent, ils peuvent vendre des pièces dégueulasses au prix qu’ils veulent et tout part. Dans le Minervois, personne ne passe. On n’a pas de station touristique ni de grande ville. Il y aurait bien Barcelone mais personne n’ose aller y vendre du vin. Pourtant il existe un cousinage culturel entre la Catalogne et le Languedoc. D’ailleurs il faudrait que Christian Bourquin (ndlr : le président de Région) nous aide à aller vendre du vin à Barcelone.
Comment se crée-t-on son filon à l’export ?
La première des choses c’est qu’il faut avoir du bon vin. Les étrangers n’achètent pas n’importe quoi. Il faut avoir le respect de son vin et des clients. Quand on essaie de rouler les acheteurs ça vous retombe toujours dessus. Il faut être honnête et régulier. Ensuite il faut aimer ses acheteurs. Il y a une part de séduction, de partage des cultures… Il faut avoir une méthode tout en concédant un peu d’intimité. Les bourrins ne vendent jamais de vin.
Quels sont les marchés porteurs ?
Le Japon c’est très sérieux. Ca va mieux avec les Etats-Unis depuis que le dollar a repris un peu de poids. La Chine c’est une folie. Ils sont très connaisseurs. Il y a aussi l’Australie, le Québec, Hongkong, Taiwan… On est un peu fatigués des pays européens parce qu’il y a toujours un voisin qui passe pour vendre moins cher.
L’émergence des vins du nouveau monde a-t-elle changé la donne ?
La concurrence avec les vins du Nouveau monde se fait sur les marchés à l’export. En France, ils ne vendent pas plus d’un million de bouteilles par an. Et souvent des vins de table. D’une manière générale, il y a très peu de vins étrangers qui rentrent en France. Par contre, on a perdu pas mal de marchés en Allemagne à cause d’une offensive des Italiens sur des vins convenables à bons prix.
Plus de concurrence, cela veut dire plus d’instabilité et de l’angoisse si l’on commence à perdre deux ou trois clients ?
Oui mais en même temps, la plupart de nos importateurs investissent de l’argent pour nous implanter, nous faire connaître sur les marchés étrangers. Ils n’ont donc pas d’intérêt à ce qu’on coule. Avant de se passer de nous, ils vont y réfléchir à deux fois. Une fois que leur réseau est connu, leurs clients leur demandent nos vins. Et s’ils n’en n’ont plus, ils perdent de l’argent.
Ce qu’on peut craindre le plus c’est une guerre en Iran. Le coût du pétrole augmenterait et avec lui celui de l’énergie, de la bouteille, de la capsule, du transport et de la production du raisin. On pourrait avoir une très grave perturbation du commerce.