Il est de bon ton dans les cercles qui pensent le vin plus qu’ils ne le boivent de crier haro sur le baudet à propos de ce que fut pendant de longues années l’arrivée du Beaujolais Nouveau. Que celui-ci, emporté par son succès planétaire, se soit vautré dans la facilité, voire même la médiocrité, je suis le premier à en convenir. Pour autant le revirement brutal de jurisprudence, ce désamour ostensible, à propos de ce vin qui se voulait simple et festif, ne se fondent pas exclusivement sur une soudaine prise de conscience du niveau de la qualité ou de l'authenticité du jus du Beaujolais Nouveau de la part des joyeux buveurs.
Dans notre vieux pays la caste intellectuelle a toujours méprisé, ignoré tout ce qu’elle considérait comme l’apanage du populo : l’accordéon par exemple, piano du pauvre, sauf à aller s’encanailler dans les bistros ou les lieux malfamés. Le vin en fut un bel exemple tant qu’il se scindait en deux parts très inégales : la boisson du peuple majoritaire et les vins fins apanage des grands amateurs et des gens aisés. Avec l’urbanisation, la montée des classes dites moyennes, de l’emploi tertiaire, le vin est devenu un marqueur social, un produit de statut : dis-moi ce que tu bois et je te dirai qui tu es.
Où est la fête maintenant, la vraie, joyeuse, ludique, ouverte, sans distinction d’appartenance ? En posant cette question je n’affirme pas qu’elle n’existe plus mais je constate que l’arrivée du Beaujolais Nouveau sera fêtée majoritairement dans les lieux de dégustations, entre membres de tribus, d’initiés, de gens du vin, où, bien sûr on échangera : sur le vin bien sûr, on grignotera, mais où la fête sera étrangement absente. Ce qui faisait le charme du Beaujolais Nouveau des belles années c’est que dans tous les lieux publics, monsieur et madame tout le monde, sans complexe, sans les béquilles du vocabulaire expert, participait à la fête. Ça donnait un air de fête, comme un supplément de bonne humeur.
Sans vouloir pousser le bouchon trop loin c’est à l’image de la danse d’aujourd’hui : on danse seul au milieu des autres, on se met en scène, alors que lorsqu’arrivaient les slows ou les tangos c’était vraiment au bonheur des corps, ce qui ne signifiait pas pour autant que les danseurs finissaient la soirée dans le mitan du lit. Il fallait faire le geste d’aller inviter sa danseuse, quitte à essuyer un refus, premier acte social que la démarche vers l’autre. Tout ça c’est ringard ! Le vin est entré dans sa phase intellectuelle : il faut penser le vin avant de le boire. « Oui, oui, l’accordéon c’est génial quand c’est le bandonéon de Piazzolla que nous écoutons avec ma copine en buvant un bon petit Beaujolais nature de chez… »
Oui j’avoue sans honte que je me fais très souvent chier dans tous ces pinces-fesses du vin où le sens de la fête a disparu pour laisser place à, soit au truc super chiadé par une agence de communication, soit à un truc approximatif où les gens tirent des têtes de trois pieds de long. Alors, dis, quand reviendras-tu, le temps où l’on ne se prenait pas la tête avant de faire la fête ? Resterait-il plus que les vieux pour la faire, ainsi Yves Legrand en sa guinguette du Chemin des Vignes à Issy-les-Moulineaux où en plus du bien boire et du bien manger la maison fait dans le culturel avec une exposition « L’année des Forêts » de Catherine FEFF, les dédicaces de Benoist Simmat et Philippe Bercovici de leurs livres « Les caves du CAC 40 » et « Dico-Vino » et une animation « couccounic » par la fanfare « les Jacky Parmentier » Bien sûr on va me dire que dans la province profonde la fête est toujours au rendez-vous du Beaujolais Nouveau. Merci de m’envoyer des photos. Bonne soirée à toutes et à tous…
Et pour qu'Eva s'envole je lui offre NIRVANA Rap me