« Adieu coquelicots » ou le dossier de l'agriculture, une émission du 3 mars 1970 à la télé nationale, encore en noir et blanc, dans un décor spartiate, cristallisait le malaise identitaire des gaullistes et des dirigeants paysans. Elle était signée et présentée par François-Henri de Virieu chroniqueur au journal Le Monde.
Voici 2 petits extraits du texte puisé dans mon roman du dimanche.
« Oser mettre en avant que l’avenir était ce GAEC de l’Isère avec son étable de 1000 vaches laitières, ses deux éleveurs, dont l’un d’eux était prof de maths constituait un crime de lèse-agriculture familiale. La France éternelle des champs se voyait ravaler par des technos, tel René Groussard, au rang d’un secteur comme les autres à moderniser à marche forcée. Ironiquement je soulignais, face au bel Albin médusé, et à un Préfet au bord de la défaillance, que le mémorandum Mansholt publié à la fin de 1968 et le Rapport Vedel affirmaient sans détour qu’une partie de la paysannerie était condamnée à terme et qu’elle devait se reconvertir. Pour Sicco Mansholt 80% des exploitations sont trop petites. La pilule est amère même pour les modernistes, tel Michel Debatisse car le diagnostic des «technocrates» mettait à nu les ambigüités de leur propre pensée.
En effet, martelais-je, comment pourraient-ils concilier leur stratégie économique de modernisation qui jetait sur le bord du chemin beaucoup de paysans et le mythe de l’unité paysanne chère à la FNSEA. Faisant étalage de mes lectures je citais une tribune de Maurice Papon publiée dans le Monde le 8 avril 1969 « Mansholt et Malthus », ou il usait de sa rhétorique pour stigmatiser ce plan qui pour lui « est une erreur à l’échelle de l’histoire » car il risque « d’amplifier le risque de massification urbaine sur lequel la société urbaine sera sans doute obligée de revenir pour survivre ». Un grand visionnaire le Maurice ! »
« … Moi le fils de paysan vendéen je ne pouvais rester indifférent à cette fameuse « Révolution Silencieuse » de Debatisse qui allait broyer beaucoup des miens. Du petit cartable qui m’accompagnait toujours je tirai une coupure des débats à l’Assemblée Nationale où Michel Cointat se livrait à un grand moment de démagogie qui devrait figurer dans une anthologie de la pensée agrarienne. ... « … À la suite d’affirmations technocratiques hâtives, les agriculteurs n’ont plus osé croire en l’ordre éternel des champs»
Je vous invite fortement à visionner les 10 premières minutes de l’émission sur une vidéo de l’INA.
Tout à la fin vous y découvrirez, les visages de Sicco Mansholt commissaire à l’Agriculture et de Jacques Duhamel, alors Ministre de l’agriculture. Puis autour d’une table, lors du congrès de la FNSEA de Lyon : Michel Debatisse, Bernard Lambert avec son éternelle clope et un Raymond Lacombe tout jeune. Enfin dans le début du reportage vous pourrez voir un cheval dans les vignes.