Pour quiconque cherche à comprendre les gens d’en face, tout particulièrement ceux de l’ANPAA, la cohorte des blouses blanches prohibitionnistes masqués, il est absolument indispensable de lire les pages 230 à 244 de la somme de Didier Nourrisson « Crus et cuites Histoire du buveur » que je vous ai chaudement recommandé de consommer sans modération.
Bien évidemment je ne vais pas tenter de vous résumer cette période de la IIIe République mais me contenter de vous livrer quelques citations afin de vous allécher.
La loi du 13 février 1873 visant à « réprimer l’ivresse publique »
« Elle s’attaque à l’ivresse, du moins quand elle est « publique et manifeste ». Il s’agit donc d’entraver la consommation populaire. Les riches peuvent bien s’ivrogner à domicile, leur cave ne craint rien. Tandis que le peuple, condamné au cabaret, est particulièrement visé par ces mesures d’ordre. Il s’agit d’une loi de classe. » note l’auteur.
Le sénateur du Nord le Dr Tesselin le clamait avec force lors des débats parlementaires sur la loi.
« C’est la classe la plus abrutie, la moins éclairée de la société que vous atteindrez par votre loi… Vous voulez frapper l’ivresse publique, parce que l’ivresse publique est celle du peuple, car le peuple n’a pas d’endroit où se retirer et, quand il s’enivre, il se montre dans la rue. Ceux qui s’enivrent de champagne et commettent des excès dans l’intérieur de leur maison sont bien plus coupables […] car ils n’ont pas l’excuse de la misère et le désir d’échapper à la malheureuse situation dans laquelle ils se trouvent. »
« C’est la première loi qui tend à responsabiliser le citoyen, car « le mal à sa source immédiate dans l’homme ». Ce n’est pas la société qui est coupable, c’est bel et bien l’individu qui créé son malheur et le mal commun. »
Le mouvement antialcoolique prend beaucoup d’ampleur à la fin du XIXe siècle. La Société Française de Tempérance et l’Union Française antialcoolique fusionnent en 1905 c’est la Ligue nationale contre l’alcoolisme « la fusion d’un antialcoolisme d’élite avec (un) antialcoolisme populaire. »
En 1912 la LNCA fait état de 98 774 membres mais « L’énorme majorité est « tempérante », puisqu’on ne dénombre que 3000 membres abstinents. Les consignes sont d’ailleurs très claires, par conviction ou par pragmatisme : « Nous ne faisons la guerre qu’à l’alcool et aux innombrables liqueurs fabriqués avec lui […] Nous défendons le vin, la bière et le cidre, à la condition que ce ne soient pas de dangereuses falsifications. » les membres de la LNCA, en même temps que militants d’un certain boire, sont bels et bien des « buveurs ».
Clémenceau « compromis dans le scandale de Panama, l’ancien médecin refait surface enpolitique avec l’antialcoolisme : il signe un ouvrage Le Grand Pan, en 1896, dénonçant le fléau alcool et son emprise sur la société française… Sommons l’Etat de faire son devoir, tout son devoir, pour arrête de façon définitive l’invasion du fléau destructeur. »
Reste le peu connu Paul-Maurice Legrain, aliéniste à l’hôpital Sainte Anne à Paris l’apôtre français de la tempérance. C’est indéniablement le père spirituel des inspirateurs de la loi Evin. Il considère que l’absence de fréquentation de tout alcool est la seule bonne manière d’assurer la prévention de l’alcoolisme, il fait de l’abstinence une politique, voire une mystique »
« Après la Grande guerre, Legrain construit le problème social de l’insécurité routière, étend le champ des toxicomanies et inaugure la « rédemption » par la consommation de jus de fruits. »
« C’est un constat politique et nationaliste qui l’entraîne : la France connaît une grave « dépopulation » en regard de l’explosion démographique des pays voisins et sa société est littéralement gangrénée par l’alcool « Les nations intoxiquées s’en vont ; les races alcoolisées s’éteignent. »
Le maréchal nous voilà s’en souviendra…
L’homme se radicalisera, prendra des postures de martyr, et exercera son « apostolat social » au sein de l’Ordre International des bons Templiers. « Fondé à New-York… il constitue une franc-maçonnerie aux exigences morales élevées … Notre but idéal est l’abstinence… »
Il sera l’un des premiers à dénoncer l’ « automobilisme ». Pour lui c’est une maladie addictive « surtout boire et conduire devient pour la première fois suspect ». Ça ne vous rappelle rien ! « Legrain prône une solution radicale « le permis de conduire devrait être retiré en cas d’ivresse. »
Pour le détail se reporter au livre de Didier Nourrisson : instructif et passionnant… Vous pouvez lire son article Aux origines de l'antialcoolisme ICI link
A suivre sur mes lignes…