Quel bonheur qu'il existât encore des journalistes engagés dans la lignée des Zola, Mauriac et autres grandes plumes courageuses; le vin est le dernier refuge, dans nos grands hebdomadaires, de ces chevaliers blancs toujours prêts à carracoler aux flancs de nos beaux côteaux viticoles, ils sont perfusés au terroir, ils sont le dernier rempart face aux barbares...
EC est de ceux-là (Eric Conan pour le sérail) dans l'Expressmag du 5 septembre il commet un article sympathique dont l'entame est courte en bouche "la crise du vin français ne fait que commencer, et elle sera longue et douloureuse : la vraie question est de savoir quel tour elle prendra..." Bian bian mézencore ? En un raccourci saisissant mais flou il place de chaque côté de la couche du grabataire : d'abord les forces du mal, ensuite les bons docteurs...
Et là, vlan le diagnostic tombe comme un couperet : "beaucoup de vins français ne sont pas bons! Tout simplement. C'est une des raisons de leur déclin à l'exportation..." Et bien cher EC, non, le déclin des vins français, même si sous les grandes ombrelles de nos appellations s'abritent des vins indignes d'elles, ne trouve pas on origine dans une régression qualitative.
Au Royaume-Uni d'abord, nos concurrents qui font des vins avec des pratiques oenologiques que réprouvent nos chers chroniqueurs, ont convertis des consommateurs de bière de la classe moyenne, des femmes en particulier, de boire leur Chardonnay à la sauce australienne. C'est Jacob Creek's la marque phare de Pernod-Ricard. C'est la première raison.
La seconde est plus grave pour les tenants du tout terroir c'est qu'une part de nos fidèles clients ont été séduits par ces vins de marque "industriels", crime de lèse-majesté pour le tonnant Perricco Légasse qui s'étrangle dans Marianne.
Alors, puisque EC fait référence au colloque de Banyuls, il aurait du faire le déplacement pour entendre l'ami René Renou dire que les vins de terroir c'était 15% du marché mondial et que son combat pour la réécriture des décrets et la réforme de l'agrément n'était pas exclusive de la remise en ordre de l'ensemble de notre ressource vin.
A force d'écrèmer on fabrique beaucoup de petit lait alors la sélectivité chère à AC, qui est un élitisme qui ne veut pas dire son nom, le vin qu'on va acheter avec sa petite auto grâce à la RTT n'est plus qu'un produit culturel pour ces bobos qu'exècre tant EC (surtout ceux de l'Hôtel de ville de notre capitale) et tous ces viticulteurs qui font du bon raisin pour faire des vins de qualité, plus modestes certes, mais appréciés par nos voisins anglais et autres aux papilles vierges, on en fait quoi ?
Voilà la seule question qui vaille plutôt que de gloser sur une soi-disant crise viticole. La grande mutation du monde du vin appelle une analyse sereine de notre ressource en vin, et comme le dit très justement Marc Parcé "on fait du vin avec du raisin pas avec des mots " et je ne vois pas ce qu'il y aurait de déshonorant pour un viticulteur de produire, comme le font les champenois, des raisins pour élaborer des produits de marque à grande diffusion...