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25 août 2007 6 25 /08 /août /2007 00:02

Le bateau accosta en début d'après-midi. Anselme Turbé, le vieux, père entre autres, du rousineur et du cornard, m'attendait au pied de la passerelle. Court sur pattes, râblé, le cheveu blanc en brosse, l'oeil bleu, le toujours vert patron de la " Belle Héloïse" me présentait une main dont je connaissais la fermeté. Qu'il fusse là, droit comme un i minuscule, constituait, sur l'échelle du protocole non écrit de l'Île, l'équivalent de l'accueil par le Président de la République d'un chef d'Etat sur le tarmac d'Orly - en ce tempslà Roissy n'était encore qu'un morne champ de betteraves - donc un évènement rare. Sans même solliciter mon avis il m'embarquait dans son Ami 6 pour me conduire jusqu'à l'hôtel des voyageurs tout proche puisqu'il donnait sur le port de pêche. J'étais tellement éturbollé, comme on dit chez moi, que je trouvais naturel qu'une chambre m'y fut réservé. D'ailleurs, tout ce déploiement d'attentions, sur ce confeti où d'ordinaire le non-ilien fait l'objet d'un ostracisme ostensible, glissait sur moi comme un filet d'eau tiède. Le vieux Turbé, qui devait lire dans le vide de mes pensées, m'assurait : " que sur le port jamais il n'y avait de doute. On savait que t'étais un gars fidèle. On était sûr que tu reviendrais la voir..." Sans prendre la peine de lui répondre je hissais ma carcasse moulue jusqu'à l'étage. Ce qui m'arrivait me dépassait et je ne pensais qu'à dormir.

On frappait à ma porte, des petits coups secs. Tiré de mon sommeil plombé je grommelais un oui pâteux en me relevant sur mon céans. Au travers de la brume de mon éveil je distiguais, dans l'encadrement de la porte, la silhouette d'un monsieur d'un autre temps. Avec sa canne et son chapeau, son pantalon rayé et son veston noir lustré, le père de Jean me souriait. Confus, de mes vêtements froissés, de ma barbe de trois jours et de ma saleté, je bredouillais des phrases confuses pleines d'excuses et du plaisir que j'avais de le voir. Le bon docteur de l'ïle - je n'ai plus souvenir de vous avoir narré dans mes écrits confus que, le père de Jean, exerçait avant sa retraite, rue Guisthau, à Port-Joinville et, qu'aux beaux jours, il revenait sur son île - sans se soucier de mon trouble, allait se poser sur la seule chaise de la chambre. Il posait sa canne et son chapeau sur la petite table de bois blanc qui complétait le mobilier sommaire. Toujours souriant, il s'inquiétait de ma santé. Ma réponse peu convainquante m'attirait une réponse paternelle : " vous devriez rester sur l'île quelques jours pour vous requinquer..." Mon silence le convainquait qu'il s'adressait à un mur. Le brave homme changeait de terrain : " Turbé m'a prévenu de votre arrivée. Je me permets de vous rendre visite car ce soir je ne pourrai être des vôtre. A mon âge, on se couche tôt. Jean arrivera par le bateau du soir. Nous désespérions de vous revoir cher Benoît..." Ce nous, cette coalition compassionnelle commençait à m'irriter. Je n'en laissais rien paraître. Douché, rasé et changé, je descendais avec le bon docteur prendre une menthe à l'eau en terrasse. La conversion roulait sur les petits riens de la vie. Elle m'apaisait. J'acceptais de me laisser gagner par la chaleur de ce petit monde ilien.  

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