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1 juin 2007 5 01 /06 /juin /2007 00:37

Dans la vie il est des rencontres qui marquent., déterminantes, de celles qui donnent à votre trajectoire une courbe ascendante. Sur le moment on prend plaisir à la conversation, on se dit qu'on a eu de la chance de croiser une telle personnalité. En 1975, au retour de mon séjour Contantinois, je logeais chez des amis, les Grollemund, et un soir, lors d'une petite réception, j'ai rencontré Jean-Michel Bellorgey.

 

Pour être impressionné, je fus impressionné : un esprit supérieur, membre du Conseil d'Etat, mais en total décalage avec l'image classique de l'énarque haut-fonctionnaire, tant sur le plan vestimentaire que pour les idées. Il en avait, des personnelles, très. Cultivé, engagé, hétérodoxe, paradoxal, irritant même, mais un personnage qui ne peut laisser indifférent.

 

Bref, le temps passe et une fin d'après-midi il m'appelle. Je suis à l'époque dans mon petit cagibit de la rue Barbet de Jouy, au 2ème étage de ce qui était la Direction de la Production et des Echanges du Ministère de l'Agriculture : chargé de mission. Je pense pour le compte de mon patron Bernard Auberger, premier Inspecteur des Finances occupant ce type de poste à l'Agriculture (nous sommes sous VGE). Le message est simple : le 1er Secrétaire, le François de Jarnac, l'envoie, lors d'une législative partielle, affronter à Vichy, un vieux radical : Gabriel Perronnet. Pourrais-je l'éclairer, lui l'intello parisien, sur les questions agricoles et rurales de ce fin fond de la France qui je crois est le Bourbonnais. J'accepte bien sûr.

 

Et me voilà qui fait des fiches sur les vaches allaitantes afin que Jean-Michel puisse résister aux quolibets de Perronnet, vétérinaire de son état, l'accusant de ne pas savoir distinguer un viau d'une vache. Chemin faisant je découvre le vignoble de Saint-Pourçain, un vieux vignoble réduit à une peau de chagrin par la crise phyloxérique : 600 ha. C'est un VDQS depuis 1951, 19 communes, les cépages : tressaillier, chardonnay et sauvignon pour les blancs ; gamay à jus blanc et pinot noir pour les rouges. J'abreuvais donc mon candidat de détails pour qu'il compensât son handicap de parachuté. Bref, il est battu avec les honneurs. En mai 1981, la vague rose emporte de vieux élus, Perronnet est du lot. Je suis à l'ONIVIT. Jean-Michel m'appelle " Jacques veux-tu occuper de hautes fonctions ? " De répondre " dis comme ça je ne peux que répondre oui..." C'est ainsi que mon aventure de "cabinet" a commencé. C'est mon Colombo - surnom vychissois de Jean-Michel, eut égard à l'état de son éternel imperméable crado - qui me précipitait dans le marigot politique.

 


 

 

Jean-Michel a quitté la politique active, il s'en est retiré. Il écrit. Des livres d'une grande érudition, d'accès difficile mais, tels les grandes bouteilles de notre divin nectar, il faut prendre le temps de les découvrir, de les goûters, de les savourer. Comme le personnage, complexe, ils ne laissent jamais indifférents. Je vous offre donc un passage de Vichy-Tombouctou dans la tête éditions Bleu autour qui, à mon sens, cerne bien le Jean-Michel Bellorgey homme public.

 

 


 

 

" La "question sociale" a, pendant ce temps, et même avant que je ne devienne, par hasard, en tout cas pas selon le projet de ma formation politique, président de la commission des Affaires Sociales de l'Assemblée, mobilisé le plus clair de mon énergie, comme elle l'avait fait antérieurement, sous d'autres formes, dans l'Administration dite, curieusement, active, et au Conseil d'Etat, ainsi que dans divers mouvements caritatifs ou sociaux ; à la Ligue des droits de l'homme, je n'ai pris de service qu'après mon entrée au Parlement, et, quelques difficultés qu'on  ait rencontrées pour s'accoutumer à mon goût de toutes les formes de spiritualité, on a fini par me le passer, au bénéfices des convictions et des combats communs. J'étais, de longue date, convaincu qu'aucun progrès durable n'était, en matière sociale, concevable sans mobilisation et consolidation politique. J'ai pu, pendant la durée de mon mandat, vérifier que cette mobilisation et cette consolidation n'allaient pas de soi, même sous le signe d'un projet politique de gauche. Socialisme et intelligence des enjeux sociaux, ainsi que des procédés propres à leur rendre justice, ne marchent pas nécessairement de pair ; ce qui ne signifie pas, bien au contraire, que, à d'autres pensées et à d'autres projets, de meilleures performances soient plus aisément accessibles. A qui veut rendre la société plus juste, le monde plus "habitable" - le mot est, je crois, de Gombrowicz -, y compris pour les plus faibles, il faut consentir à mettre plusieurs fers au feu ; courir le risque que le monde change sans qu'on en maîtrise totalement les changements ; s'interdire de tout vouloir changer car, même si on ne s'y emploie pas avec des arrières-pensées ("Tout changer pour que rien ne change", dit, fortement l'exergue du Guépard du prince de Lampedusa), les résultats sont rarement à la mesure des espérances ; ne pas répugner à faire usage de la loi, mais ne pas tout en attendre ; ne pas mépriser la vertu de charité, sans lui prêter trop d'effet lorsqu'elle s'exerce à défaut d'autres disciplines, au moins dans ce monde-ci, où elle n'est pas généralement cultivée, et qui n'est pas prêt d'être transfiguré par la grâce " Ce monde n'est pas outillé pour la joie ; la joie, il faut l'arracher aux temps futurs " ; j'ai toujours présent à l'esprit cette phrase de Maïakovski, inscrite de la main de mon frère, à la première page d'un livre d'anthropologie, cadeau d'anniversaire [...] "

 

 

 

La vie a de drôle de détour, je dois beaucoup au St Pourçain et je me devais de l'écrire...

 

 

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