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7 mars 2007 3 07 /03 /mars /2007 07:00

Assis en terrasse Brejoux m'attendait. Me tendant la sienne il me broyait la main. L'homme massif, carré, respirait la bonhommie. Tout en lui rassurait : ses cheveux poivre et sel taillés en brosse qui encadraient un front haut, intelligent ; ses longs sourcils broussailleux surmontant des yeux d'un bleu de ciel pur, attentifs ; son nez et ses lèvres charnues, jouisseuses ; un menton franc et des machoires saillantes, volontaire. Seules ses fringues grisâtres et ses pompes écrase-merde évoquaient la maison poulaga. Flic à l'ancienne, républicain et proche des gens, à son âge il aurait du occuper une place plus élevée dans la hiérachie mais, son peu de goût pour les arrangements et les coups fourrés lui valait de végéter aux RG. En cette fin des années 60, la chaîne de commandement, restait dominée par la droite dure, celle qui avait servi Vichy sans état d'âme, parfois même avec un zèle suspect, et celle, plus versatile, qui penchait toujours du côté du manche. Les évènements de mai avaient exacerbé la paranoïa des tapes-durs et des barbouzards. Que ces gosses de riches osent s'offrir une révolution, en s'attaquant aux biens, les bagnoles incendiées surtout, les rendaient hargneux. L'après-mai favorisait leurs desseins. Entretenir une atmosphère de guerre civile larvée leur convenait. Ils étaient aidés en ce cela par les outrances, surtout verbales et écrites, des groupuscules gauchistes.

Brejoux, pour moins fumer, suçottait en permanence une allumette. Homme de terrain, contre vents et marées, il livrait à sa hiérarchie des analyses subtiles, décortiquant finement la littérature touffue et un poils délirante de la galaxie révolutionnaire. Pour lui, l'enflure des textes marquait une forme de désespoir romantique face à un monde qui n'offrait plus de grandes causes ; les références aux révolutionnaires exotiques : le Che par exemple, ou même l'arrimage au grand timonier, en étaient les signes les plus probants. Toutes ces jeunes pousses d'après-guerre, dans un désir de pureté exacerbé, idéalisaient le peuple, les travailleurs. Pour eux les intellectuels, pour la plupart inféodés au PC, avaient trahi la classe ouvrière. Eux, en sacrifiant études, honneurs et confort, allaient briser les chaînes. En dehors de quelques débordements violents, nerfs de boeuf ou poing américain, la confrontation restait dans les limites du raisonnable. D'ailleurs, comme le soulignait Brejoux, la plupart d'entre eux restaient dans le giron familial et continuaient leur parcours universitaire. Tout cela a des vertus curatives, insistait-il, une thérapie qui fera que beaucoup retrouveront des chemins plus conventionnels. A trop vouloir jouer le jeu des rares extrémistes, ses chefs, favorisaient la radicalisation et la manipulation, qui déboucheraient sur la pose de bombes, des enlèvements ou des coups de mains sanglants. On soupçonnait Brejoux d'avoir le coeur à gauche.     

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