Monsieur le 1er Président, cher Philippe Séguin,
Je vous sais amateur de bonne chère et de bons vins. Vous êtes, comme on dit, un bon vivant. La première fois où je vous ai croisé c'était début juin 81, jeune bretteur de la droite, dans l'hémicycle de la nouvelle Chambre rose vous pourfendiez, avec talent et une belle dose de mauvaise foi, les nouveaux arrivants. L'eau a coulé depuis sous les ponts de la Seine. Des hauts et des bas en passant par un démâtage grave du côté de l'Hôtel de Ville : qu'étiez vous aller faire dans cette galère ? Depuis vous avez jeté l'ancre rue Cambon. Sous l'hermine vous voilà 1er juge des comptes de notre France dispendieuse. Vous devez vous y ennuyer ferme, l'ivresse du politique est une addiction incurable. C'est avec un réel plaisir que je vous ai vu lever votre verre, en compagnie de Catherine, chez Christies, lors de la soirée de lancement du n°spécial Vins du Point. Je vous ai salué d'un " bonsoir Monsieur le 1er Président..." qui vous a permis d'afficher votre sourire ironique.
Mais revenons à votre nouveau job. La Cour vient de publier le 8 février dernier un " rapport sur la politique sanitaire de lutte contre l'alcoolisme " 21 pages très conseiller référendaire maniant la toile émeri et l'eau bénite. Pour un non initié, je dois l'avouer, le pensum est assez peu digeste. Il y ai dit que l'Etat ne sait pas ce qu'il veut, qu'on a du mal à recenser les financements, que le système d'information sur l'alcoolisme est perclus de faiblesses ce qui rend illusoire les tentatives d'évaluation, que les actions d'information et de prévention reposant essentiellement sur une communication grand public, notamment sous forme de campagnes, est d'une portée réduite. Ecrit en français simple : c'est le foutoir, la gabegie et c'est inefficace. Par exemple " En 2003, la Cour relevait que l'ANPAA ne disposait pas d'un système interne de suivi de la gestion de ses activités locales. Un nouveau plan comptable a été mis en place au 1er janvier 2005 et vise à ventiler les dépenses de prévention et de soins, à consolider au niveau national les comptabilités des établissements locaux et à suivre leur activité au travers de tableaux de bord. Mais la mise en service de la nouvelle version du logiciel de gestion des patients annoncée dans la réponse du directeur de l'ANPAA aux observations de la Cour, a été retardée suite à des difficultés techniques..." Compétence vous avez dit compétence 4 années pour des prunes..." ça doit vous plaire cher Philippe Seguin de tancer la bureaucratie.
A mon tour d'être impertinent : pour faire simple, la Cour des Comptes c'est le service d'audit interne de l'entreprise France, un service de luxe bien sûr, vu le coût de ce beau monde. Mais ne chipotons pas, nous sommes un grand pays, et que le retour sur investissement soit quasi-nul, qu'importe ! L'important c'est que nos magistrats publics se piquent de juger, du haut de leur haute compétence sur tout et n'importe quoi, les politiques elle-même. Du fond d'un bureau, penchés sur leurs liasses, maniant avec aisance le politiquement correct, entonnant sans nuance des antiennes éculées du style " la réduction de l'accès à l'alcool, stratégie pourtant efficace pour en diminuer la consommation, n'a pas progressé " (merci de me faire parvenir les sources), nos procureurs à charge feraient bien de réclamer haut et fort des enquêtes lourdes sur les réalités de l'alcoolisme de la France d'aujourd'hui. Le fléau de l'alcoolisme mérite mieux que ce brouet convenu simple écho du sanitairement correct. Quelques économies sur les campagnes dispendieuses et inefficaces ajoutées à une saine gestion des zinzins, l'ANPAA par exemple, dégageraient sans nul doute des moyens pour ce travail de fond.
En vous remerciant par avance, monsieur le 1er Président, d'avoir supporté ma prose alcoolisée, je vous prie de croire à mon entier et actif dévouement à la cause d'une bonne gestion des deniers publics et à mon engagement sincère à tout ce qui fera régresser l'alcoolisme qui est la pire contre-publicité à l'égard du divin nectar que je défends avec mes petits moyens. A vous revoir autour d'un verre pour aller au-delà de ces quelques mots. Bien à vous.
Jacques Berthomeau