La revue " Fluide Glacial " fondée le 1er avril 1975 par Gotlib (le père du désopilant Gai Luron) ne fait ni dans la finesse, ni dans la délicatesse, mais plutôt dans le gras, le grunge, le mauvais goût ; âmes sensibles s'abstenir (désolé Miren...). Des signatures connues : Binet avec les fameux Bidochon, Franquin de Gaston Lagaffe, Tronchet avec Jean-Claude Tergal... et surtout un lectorat transgénérationnel paillard et bon vivant. Les extraits du texte qui suit est typique de leur goût immodéré pour la provocation, il est publié dans le n° série Or T05384 ou www.fluideglacial.com/pages/homepage.htm Au-delà de ses outrances, de sa mauvaise foi, chers lecteurs, j'ai jugé bon de vous proposer, sur mon espace de liberté, ce texte déconnant car il est le reflet d'une couche de nos concitoyens que nos discours énervent (d'ailleurs la partie les producteurs nous font chier rejoint les propos du PrPitte, désolé de le faire remarquer). Pour ceux qui auront le courage de le lire, eu égard à la typographie réduite, ou à la compréhensible révulsion, et de le décrypter au bon degré merci d'éviter de me couvrir d'injures, je laisse à l'auteur la responsabilité de ses propos...
Manifeste Oenologique : A bas le terroir ! Défendons les VSCAC* !
par Eric Deup
* Vin Sans Caractère d'Appellation Commune
Marre du politiquement correct oenologique, assez de la dictature du bon goût, plein le fion des vins de territoire à boire la bouche en cul de poule : osons le vin sans caractère, le vin global, le rouge neutre, la piquette qui pique pas :
Vous ne pouvez que l'avoir constaté : sous prétexte de défendre je ne sais quels petits producteurs - qui, soit dit en passant, se sont découverts un amour des bonnes choses assez tardivement, quand leurs terres pourries d'engrais ont eu fini de dégueuler les nitrates qu'ils déversaient sans souci à l'époque de perpétuer un savoir-faire ancestral - sous prétexte, donc, de défendre ces fabricants de rouge convertis au "traditionnel" depuis qu'il suffit de marquer bio sur les étiquettes pour doubler les marges, de soutenir ces braves paysans qui mettent un soin authentique et typique à brûler les supermarchés et recouvrir de purin les sous-préfectures à la moindre contrariété, on nous bassine à grands coups de documentaires, articles et autres reportages sur le retour des vins de pays, des petits vins, des vins de caractère !
Vivent les vins apatrides !
Mais, comme moi, vous en avez marre de ces vins au léger goût de myrtille, qui rappellent le fumet de la banane, exhalent les terres argileuses et les cigales ou sentent le cul !
Vous voulez un vin qui sente l'alcool et le raisin ! Vous assumez de boire du vin pour boire et de boire sans soif !
Comme moi, vous vous demandez ce que sont ces histoires de vins de terroir et craignez d'être bientôt obligés d'enfiler béret et sabots de bois avant de le faire avec votre picrate, vous qui aimez tant boire en survêt'.
Vous aussi vous vous inquiétez de cet étrange retour en force des vins qui fleurent bon le pays ou pire la tradition ! Cette louange forcenée des spécificités territoriales, des traditions millénaires évoque en vous les relents nauséabonds des pires courants réactionnaires. L'éloge de ces pinards ethnocentristes n'est-il pas en effet l'expression d'un repli sur soi, d'un refus de l'autre quand le vin issu de différents pays de l'Union Européenne, pour prendre un exemple, serait lui un véritable appel à l'ouverture, à la tolérance, à l'altérité ?! Un verre de ce nectar et vous partez en voyage : plaisir des nitrates espagnols, délice de l'antigel italien, arôme des colorants portugais...rien de tel pour accompagner une bonne tranche de pain de mie au Saint-Moret !
A mort le goût !
A ces nouveaux convertis du vin goûteux vous saurez expliquer que le plaisir est ailleurs, vous qui ne dégustez pas mais qui ingurgitez, qui savez caler ma bouteille bien au fond du gosier sans vous perdre en fioritures papillaires de sommelier efféminé, vous qui savez que ce n'est pas le goût qui importe mais d'avaler.
Et ne me parlez surtout pas de découvrir une bonne bouteille chez votre caviste du quartier : les cavistes sont des voleurs qui s'engraissent sur cette mode stupide du vin de pays. Les supermarchés aussi, me direz-vous, mais là-bas, au moins, on peut faire des courses de caddies. Et l'on trouve certainement beaucoup moins d'adeptes du couplet poujado-populiste du "trop de charges, trop d'impôts" chez les patrons d'hyper que chez les petits commerçants. Mais je me comprends.
Alors réagissez, aidez à la réhabilitation du vin étoilé, sauvegardez le cubi, protégez le vin en poudre mais surtout refusez le conformisme rétrograde, obsolète et dégradant du terroir à tout prix ! Ce combat doit être celui de tous, y compris le vôtre, amis snobs : soyez convaincus qu'il est tout à fait possible de trouver des vins aussi chers que sans goût.
A noter qu'ils connaissent la nouvelle adresse de l'INAO les bougres...