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17 décembre 2006 7 17 /12 /décembre /2006 00:02

Le patron du Conti, gagné par la grâce, nous faisait servir à volonté des demis de bière. Comme je n'avais rien dans le ventre depuis mon café du matin, mes yeux se brouillaient, je me sentais à la limite de l'évanouissement. Une belle main se posait sur mon bras. Une belle voix me disait " Vous devez avoir faim... " L'autre main me tendait un sandwich pendant que la voix ajoutait " c'est un sandwich au saucisson sec comme vous aimez..." Je me cabrais. La voix riait, un rire clair. Je la contemplais, ahuri. Elle était étonnante, non, bien plus ! rayonnante. Une légère coquetterie dans l'oeil, des cheveux longs et soyeux qui s'épandaient sur ses épaules nues et, tout autour d'elle, comme un halo de sérénité. Elle n'était pas belle. Elle était plus que belle, incomparable. En la remerciant je me disais que, sa robe boutonnée du haut jusqu'en bas, d'ordinaire, j'aurais eu envie de lui ôter. Je crois qu'elle le sentait. Moi si j'avais su rougir j'aurais rougi. Je pointais mes yeux yeux vers le bout de mes pieds. Je rencontrais le bout des siens. Elle portait des ballerines noires. J'aimais.  "Mangez !" J'obéissais. Le sandwich mariait le craquant d'une baguette fraîche avec l'onctuosité du beurre et le fondant d'un saucisson coupé gros. J'appréciais. La bouche pleine j'osais un compliment. Sa réponse me fit avaler de travers. " Je l'ai fait pour vous " Elle me tendait un demi de bière. " Restez avec nous Benoît, ici, tout le monde vous adore..." Je fondais. Moi, c'était sûr, je l'adorais et par bonheur une chaise recueillait mes abattis.

A loisir je la contemplais. Elle avait l'air du jeune fille sage mêlant romantisme et pieds sur terre. Moi si disert, je restais sans voix. Comme un enfant face à son bol de soupe je faisais durer le plaisir de mon sandwich. Bien sûr, je me couvrais de reproches. Comment avais-je pu ne pas la remarquer ? Peu importait puisqu'elle était là. Qu'elle me donnait du Benoît. Me préparait un sandwich au saucisson sec. Qu'elle savait que j'aimais le sandwich au saucisson sec. C'était une apparition. Mon retrait du cercle n'avait en rien perturbé la discussion. Un autre de mes camarades avait naturellement pris le relais. C'était aussi ça la magie de mai. Elle et moi, comme isolé du monde, nous étions seul au monde, sur une île, genoux contre genoux car elle venait de s'asseoir face à moi. Ce elle me crispait. L'échange était inégal. Insoucieuse de mon infériorité, elle se penchait vers moi pour me murmurer à l'oreille, en pouffant, " vous croyez que nous allons bâtir un monde meilleur..." Tout en m'extasiant sur ce nous, que je réduisais à deux, je réfrénais mon envie d'effleurer de mes lèvres la peau ambrée de son cou. Une trace de sel, d'embruns, je la sentais naïade. Tel un naufragé, abandonnant le souci du bonheur de l'humanité opprimée, je m'agrippai à cette intuitition en lui posant cette question étrange : " aimez-vous la mer ? "   

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