John Kenneth Galbraith fait parti de ces hommes dont j'apprécie l'érudition non pédante, l'élégance intellectuelle et morale, une espèce en voie de disparition.Dans son livre, L'ère de l'opulence, en 1972, il écrivait " Nous accomodons la vérité à notre convenance, avec ce qui concerne au plus près l'intérêt et le bien-être individuel ou qui promet de nous épargner un effort pénible ou un bouleversement inopportun de la vie. Nous trouvons également fort acceptable tout ce qui contribue le plus à l'amour-propre." Les comportements économiques et sociaux poursuit-il, " sont complexes, et comprendre leurs propriétés exige un travail mental astreignant. C'est pourquoi nous nous agrippons, comme à un radeau, aux idées qui incarnent notre entendement ".
Chaque matin, dans la petite lucarne de mon espace de liberté, je m'essaie avec plus ou moins de bonheur, en tentant de ne pas trop vous raser, à décortiquer ces comportements économiques et sociaux bien compliqués, si humains, contradictoires, fluctuants et surtout presque jamais réductibles à des schémas tout fait, rassurants. Ce que je souhaite comme je l'ai souvent écrit c'est faire bouger les lignes, amener les uns et les autres à quitter le radeau de leur strict entendement pour aménager des passerelles, aller et venir entre les territoires des différences, aménager des zones d'entendement. Alors, de grâce ne m'enfermez jamais dans un camp, dans une chapelle ou une église ou un clan.
Ces derniers temps j'ai jeté ma ligne dans des eaux turbulentes et soudain on me classait dans le parti des vins industriels, on me disait ami des grands prédateurs, on me parrait des oripeaux de fossoyeur du petit vigneron, on me traitait d'expert, on me disait en manque de présence médiatique, et pire encore on me morigénait en me demandant d'admettre que l'on ne pensât pas comme moi... N'en jetez plus ! Mon seul souhait, suite à la lecture de mes petites chroniques, c'est d'être entendu. Point à la ligne. Qu'on lise ce que j'écris et non pas ce que l'on pense lire. Qu'on m'entende car, lorsque l'on s'entend on se comprend et lorsqu'on se comprend on peut se parler et alors le débat s'ouvre, la confrontation s'instaure et l'on peut espérer à la sortie de cet exercice de civilité voir les points de vue se rapprocher, bref on peut s'entendre.
C'est la ligne de notre club " Sans Interdit ", nous la cultivons dans la discrétion, avec soin, à notre rythme, hors des pentes naturelles des faux-débats chers à certains, travail patient, de fond, respectueux de notre diversité, soucieux de nos différences, constructif, pugnace, avec un zeste d'humour et une bonne dose de convivialité...