" La lutte contre le tabagisme relève de l'imploration, de la gesticulation. Depuis trente ans, on aurait dû observer une réduction des ventes de 20%. On en est loin. Cette année la consommation repart à la hausse ! " C'est un jeune homme de 78 ans qui s'exprime ainsi, le professeur Robert Molimard, ancien chef de service de médecine interne à l'hôpital de Nanterre, fondateur de la société française de Tabacologie, un des premiers chercheurs-cliniciens à avoir étudié "la fume" (1), c'est-à-dire l'acte de fumer. Il a fumé vers 12 ans en gardant les vaches, son père travaillait dans une fabrique de tabac, il s'est arrêté le jour de son 33ième anniversaire. Quelqu'un qui sait de quoi il parle.
Pour lui une certitude : ni les injonctions préventives, ni les augmentations de prix ne suffiront à vaincre la dépendance. " On est arrivé à un degré excessif de stigmatisation du fumeur. Selon un récent rapport européen, le tabagisme passif serait responsable de 5863 morts annuellement en France. C'est déjà fort de café de donner le bilan au mort près s'agissant d'estimations statistiques, mais tenez-vous bien : sur ces 5863 décès, 1114 sont des non-fumeurs. Autrement dit, les 4749 autres seraient...des fumeurs victimes de leur propre tabagisme passif. On croit rêver." Et de conclure " Je ne suis pas antitabac, je suis anti-cancer, anti-infarctus, antibronchite chronique, anti-pauvreté. J'ai introduit le terme de "défumer", je voudrais qu'on supprime l'idée d'arrêt du tabac, que le fumeur ressent comme un arrêt de mort. Un enfant abandonne son doudou quand il n'en a plus besoin, parce que son psychisme s'est reconstruit. Pour lâcher la cigarette, il faut défaire tous les liens que l'on a établis avec la cigarette, ce qui nécessite une véritable reconstruction de la personnalité. C'est long et difficile, mais c'est possible."
Quand on a assisté ces derniers jours à l'orchestration de l'interdiction de fumer dans les restaurants, bars et discothèques, avec un sommet de mise en scène avec la fermeture du bureau de tabac de l'Assemblée Nationale, et que l'ayatollah Contassot, adjoint au maire de Paris, veut infliger des amendes du même ordre que les crottes de chien aux jeteurs de mégots sur la voie publique, je m'écrie : sont-ils devenus fous ? Je ne suis pas fumeur de clops et je n'apprécie pas particulièrement les mégots de mon voisin du 7ième qui s'accumulent devant l'entrée de l'immeuble (son épouse le virant pour qu'il fume dehors) mais quand est-ce que l'on va ouvrir la chasse aux fumeurs, la délation des contrevenants ? Société d'irresponsables, gouvernance par l'incantation, les leurres, inefficacité chronique de la lutte menée sur des bases loin des causes profondes. Tant que la santé publique restera du ressort exclusif d'acteurs administratifs, elle restera pauvre, sans impact sur les populations à risques. Quand on pense que la grande mesure pour les femmes enceintes consiste, en matière d'alcoolémie, à l'apposition d'un logo sur les bouteilles, on croît rêver. Mais ils sont où les médecins qu'on appelait autrefois de famille, connaisseurs de l'histoire de leur clientèle, agent de base de la santé des populations ? A quoi ça sert la Sécurité Sociale ? Sans elle notre médecine libérale ne serait pas ce qu'elle est, alors un peu de service public en échange serait-il péché mortel ?
(1) " La Fume.Smoking " Robert Molimard Editions Sides