Il est rare qu’un livre me salisse les mains parce que celui qui l’écrit touille la plume de ses écrits – dans son propos liminaire surtout – dans les idées troubles de la France des culottes de peau, bien croupie, ceux qui alternaient morgue et suffisance, ceux qui savaient si bien envoyer nos paysans de grands-pères se faire couper en rondelles ou gazer sur le front de la Marne. Je plains mes amis Marc Parcé, Patrick Beaudouin et Pascal Frissant de voir tripoter leurs écrits ou leurs déclarations par les pognes pas très nettes de ce délirant. Même les bons combats pour des causes justes ne peuvent être partagés avec des Savonarole au petit pied comme lui. Par bonheur ce Rougé pas frais ne m’a pas abordé, comme le lui avaient conseillé de le faire certains de mes amis cités ci-dessus, sans doute parce que je suis un stipendié du vin industriel, un technocrate inféodé aux lobbies alcooliers, un socialo-communiste, un bobo parisien, et autres joyeusetés dont raffole le Rougé pas frais, donc tout ce que déteste ce plumitif sans envergure. Lapaque qui me hérisse aussi le poil lui au moins a du talent.
Piégé, je regrette mes 18 euros 90 centimes que j’aurais préféré consacrer à un beau flacon. Mais comme je respecte les livres je ne jetterai pas le sien à la décharge ni le mettrai dans mes chiottes – j’adore lire au cabinet – non, je me contenterai de le ranger tout en bas de ma bibliothèque entre Rebatet et Drieu la Rochelle pour qu’il s’y trouve en compagnie amie.
Tout n’est pas à jeter dans le déballage pétaradant du Rougé pas frais mais le voisinage de bons arguments avec certains propos outrés gâte sa sauce déjà un peu lourdingue. À trop vouloir prouver, à n’accumuler que des charges, à se contenter d’approximations, à déverser ses phantasmes, notre petit journaleux nous fait le coup de Me Collard bien connu pour faisander la plupart des dossiers qu’il plaide.
D’ordinaire je m’abstiens de tout commentaire sur cet espace de liberté à propos d’un livre qui me déplaît mais, cette fois-ci, je refuse de taire mon dégoût pour des propos qui desservent ceux que le Rougé pas frais dit vouloir défendre. Comme tous les prêcheurs, avec ses outrances, ses saillies, il donne des armes aux adversaires du vin. D’ailleurs, cet « illustre inconnu » qui s’autoproclame journaliste indépendant nous ne l’avons guère vu monter aux créneaux, face aux hygiénistes de toutes obédiences, lors des récentes batailles. Il devait être en train de suer sang et eau sur sa pauvre copie sans doute.
Bien évident s’il venait à l’esprit du susdit de répondre à ma charge par une bordée de vents odoriférants dont il semble avoir le secret je me ferais un plaisir de les jeter illico à la poubelle. Lui me doit les 18 euros 90 que j’ai indument dépensés plus le préjudice de voir mon nom imprimé une fois sur son torchon. Moi je ne lui dois rien, si ce n’est mon plus profond dédain.
Vous vous doutez bien que je ne vais pas vous offrir quelques « bonnes feuilles » de ce machin qui m’est tombé des mains et m’a sali les pieds. Certes il y en a mais elles ne sont pas de la main du Rougé pas frais (100 PAGES d’Annexes sur 239, très pique-assiette notre gars), et les siennes : 29 pages de propos liminaires délirants et rien que 90 pages sur le fond ce qui n’est pas très lourd en dépit d’un style très Chassepot inspiré de l’agité du bocage, même avec des pincettes je ne me risquerais pas à les transcrire. Que voulez-vous tout le monde n’a pas le génie de pouvoir se glisser dans la peau d’un immonde de talent comme Louis-Ferdinand Céline...
Je laisse le dernier mot à Coluche « De tous ceux qui n’ont rien à dire, les plus agréables sont ceux qui se taisent. »