Les Charentes cultivent leur particularisme, la revue régionale viti-vinicole : le Paysan vigneron l'exprime bien, tant par son titre même que par son contenu : on bichonne la vigne, elle est superbe, c'est un beau vignoble industriel. Je reçois toujours la revue qui, au temps de ma mission, sous la plume de sa rédactrice Catherine Mounier, avec la modération traditionnelle propre aux charentais, trouvait mes propositions assez iconoclastes : syndicat des vignerons, fin de la double fin, augmentation de la QNV, vin de pays de l'Atlantique... Mon successeur Zonta, en bon fonctionnaire atteint du syndrome du chant du coq, m'a enterré vite fait et ainsi va le monde, la roue tourne comme la girouette. Bref, je lis toujours le Paysan vigneron qui se veut maintenant aussi bordelais.
L'édito titre : La pyramide de Bordeaux je cite " Si l'image de la pyramide est souvent reprise au sujet des vins - pour illustrer l'idée de segmentation - cette image colle parfaitement à Bordeaux aujourd'hui. " Ceux qui sont au sommet se portent mieux que jamais, les tranches intermédiaires essaient de tirer parti de la situation tandis que le quart du bas souffre énormément ", note un bon observateur de la filière. Les plus à la peine sont sans doute les viticulteurs qui font du vrac. Pour eux, les difficultés ne sont pas cachées. A la recherche des responsabilités, on stigmatise volontiers " le tout AOC " pratiqué pendant longtemps sans retenue par la région, accompagné d'une certaine ignorance des attentes du consommateur et d'un léger laxisme du décret d'appellation Bordeaux et Bordeaux supérieur, datant de 1974. L'aval, c'est-à-dire les metteurs en marché, n'est pas non plus exempt de reproches. Un témoin autorisé exprime sa vision assez sombre du contexte " Pour avoir oublié de se recapitaliser, le négoce bordelais n'a plus produit d'argent, a perdu de sa rentabilité et n'a plus intéressé les investisseurs. Fait aggravant il est allé droit au mur quand il a commencé à jouer les petits châteaux. Une politique de courte vue mais avait-il le choix ? Cependant, pratiquant de la sorte, il a aboli la stratégie des grandes marques. Bordeaux compte encore 450 maisons de négoce, ce qui est énorme. Un certain nombre n'existent que parce qu'elles " margent " sur les crus bourgeois et les grandes appellations, en laissent de côté les " petits Bordeaux ". On peut penser qu'il y aura au sein du négoce des disparitions ou des regroupements, de même qu'en viticulture. Malheureusement, la phase de déclin ne semble pas finie." Pour faire bonne mesure, on parle aussi " d'une incapacité de la filière bordelaise à adopter une gestion de crise".
Pour la suite, lire le Paysan vigneron de juin le.paysan@wanadoo.fr c'est un bijou picto-charentais (cf mots en italiques et en bleu) en effet, ils ont été pendant un bout de temps des grands experts en laxisme et en une certaine ignorance des attentes du marché, nos amis viticulteurs charentais. Quand à la stratégie des grandes marques que n'ai-je entendu pendant mon séjour à Cognac! Du côté de l'incapacité de la filière bordelaise à adopter une stratégie de crise du côté des Charentes on peut sans problème jouer un rôle d'expertise de première. Pris au deuxième degré l'édito a un côté ironique et compassionnel, je suis mauvaise langue comme vous le savez. En 2001, avant d'écrire mon rapport, je suis allé à Vinexpo dans la petite 104 de la DDA de Charente, le goudron fondait sur les routes entre Cognac et Bordeaux, dans ma petite tête les sédiments s'accumulaient et je me disais qu'il allait falloir sortir le bleu de chauffe pour faire comprendre à la filière qu'elle filait droit dans le mur...