Notre jeune pousse de club, ce "Sans Interdit" toujours sous serre, nous avons pour ambition d'en faire un advocacy tank à part entière. J'entends déjà les ricanements et les réflexions peu amènes de ceux qui trouvent que je suis un agité du bocal et que j'ai le chou trop large mais, comme je m'en tamponne le coquillard, vu leur efficacité au cm2, je persiste et je signe. Kes céke ça un advocacy tank ?
Une des quatre variétés principales de think tanks qui sont comme chacun sait des " laboratoires à idées ", des " creusets de la pensée ", un nouveau concept venu du monde anglo-américain que la langue et le monde politique français ont du mal à intégrer. Les advocacy tank ont un objet plus restreint, ils sont au service d'une cause précise, ils produisent des idées et des recommendations qui se conforment à un socle de valeurs communes et un axe d'argumentation précis. Leur but est intéressé : gagner la bataille des idées. Pour "Sans Interdit" cette définition lui va comme un gant.
Mais, comme nous sommes au pays des sceptiques et du non d'abord, comme le souligne Pascal Lamy le DG de l'OMC "La notion de "think tank" suscite pourtant encore une certaine méfiance en France. On l'associe à cet autre concept sulfureux venu d'outre-Atlantique : le " lobbying ", officiellement banni du vocabulaire institutionnel hexagonal. Pourtant, plus personne ne croit en France que nos élus politiques, armés d'une administration omnisciente, sont en mesure de déterminer l'intérêt général in abstracto, et que celui-ci ne serait aux Etats-Unis que le résultat de la compétition entre intérêts égoïstes. Cette opposition est simpliste..."
On va m'objecter que pour vendre du vin ya pas besoin de gagner la bataille des idées... Erreur tragique qui nous confine dans une stratégie de ligne Maginot : nous défendre, ratiociner sur tout et rien pour céder sur tout au bout du bout. " Dans le monde moderne, qui est un monde du savoir, les Britanniques savent s'approprier la pensée, jouer avec brio de la stratégie de l'information. Cette capacité à utiliser la recherche et le monde universitaire pour étayer leurs thèses, les français ne l'ont pas assez." C'est de Pervenche Bérès - la filleule de Jean Pinchon, députée européenne socialiste, peu soupçonnable d'avoir un faible pour ce type de structure - elle ajoute " Ce qui m'agace c'est que parfois les Français ont raison mais ils ne savent pas vendre leurs idées."
Nous avons, même si leur modestie doit en souffrir, les meilleurs experts européens du vin : Françoise Brugière, Patrick Aigrain et sans doute dans leur coin quelques autres à l'INRA ou dans nos Ecoles. Je l'ai constaté il y a deux ans lors d'un colloque organisé par la Commission européenne : ils dominaient le sujet de la tête et des épaules. Que faisons-nous pour mobiliser cette matière grise, mettre en réseau nos pôles d'excellence : est-il donc impossible de connecter Bordeaux à Montpellier et à Dijon ? Chacun dans son coin et les cochons seront bien gardés et nos amis anglais les mieux placés...
Bref, à " sans Interdit " nous assumerons notre statut d'advocacy tank pour sortir le vin de nos débats gaulois, faire comprendre aux décideurs que c'est le seul produit agricole à vocation exportatrice, à potentiel de développement, capable de conjuguer tradition et modernité à condition de ne pas le confiner dans une vision étriquée et défensive.
Je vous conseille de lire Les Think Tanks cerveaux de la guerre des idées de Stephen Boucher et Martine Royo éditions le Félin...