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26 août 2009 3 26 /08 /août /2009 00:02


« Il faut se rendre à l’évidence, Montaigne était incapable de se faire cuire un œuf » mais pire encore, lui, « né et nourri aux champs », propriétaire foncier, viticulteur, déclare ne rien entendre aux « plus grossiers principes de l’agriculture » et « ignorant […] ce que c’était faire cuver du vin » Ce n’est pas moi qui l’écrit mais un très savant professeur émérite de l’IEP de Bordeaux dans son livre « La table de Montaigne » chez arléa. « Bref, souligne-t-il, tout concourt à ce qu’il se « détourne volontiers du gouvernement » de sa maison, d’autant que s’ « il y a quelque plaisir à commander, fût-ce une grange, et à être obéi des siens », il n’en reste pas moins que « c’est un plaisir trop uniforme et languissant ». Mieux vaut se laisser aller à « cette humeur avide des choses nouvelles et inconnues », qui nourrit, « le désir de voyage ». Mieux vaut se consacrer à sa « librairie », et même se tourner vers la politique… »

 

Voilà une belle franchise dont certains plumitifs du vin devraient s’inspirer car trop souvent ils se parent d’attributs empruntés à l’air du temps pour avoir l’air savants. J’avoue, sans aucun rouge au front, en dépit des cours et des travaux pratiques du frère Bécot à l’École d’Agriculture de la Mothe-Achard http://www.berthomeau.com/article-34022380.html, être un grand ignorant des choses de la vigne et du vin mais, contrairement à Montaigne je sais faire cuire un œuf. Mais ce qui m’importe c’est que « finalement, Montaigne nous apparaît comme un honnête buveur. Il n’est pas comme Erasme, un fin connaisseur. Il ne cherche pas, comme Rabelais, la vérité dans la « dive bouteille ». Pour lui, le vin, est à la fois un moyen d’étancher sa soif et un plaisir de la vie de tous les jours. »

 

Le maire de Bordeaux – pas celui d’aujourd’hui bien sûr mais notre gentlemen farmer – préfère les vins blancs ou les clairets comme les gens d’en haut au XVIe siècle ; les « gens de travail » boivent, eux, « les gros vins rouges et noirs » alors que les « personnes de repos », elles, se délectent de blancs et de clairets : c’est Olivier de Serres qui le note dans son monumental ouvrage Le Théâtre d’agriculture et mesnage des champs (1600).

La rédaction de Vin&Cie qui ne recule devant aucun obstacle, toujours à la pointe de l'information de ses chers lecteurs laissant la RVF loin derrière, a décidé de remonter le temps et de poser ses traditionnelles 3 Questions à Michel de Montaigne. Les réponses valent leur pesant de bon sens. Lisez-les et dites-moi ce que vous en pensez... 

 

1ière Question : Votre goût pour le clairet qui, comme chacun sait sauf les provençaux, provient du « foulage sommaire de raisins noirs ou blancs non éraflés », vous rattache au goût de l’élite mais Michel de Montaigne comment buvez-vous ?

 

Réponse de Montaigne : « […] Je ne bois que du désir qui m’en vient en mangeant, et bien avant dans le repas. Je bois assez bien pour un homme de commune façon : en été et en un repas appétissant, je n’outrepasse point seulement les limites d’Auguste, qui ne buvait que trois fois précisément ; mais pour n’offenser la règle de Démocrite, qui défendait de s’arrêter à quatre comme un nombre mal fortuné, je coule à un besoin jusqu’à cinq, trois demi-setiers environ [3/4 de litre] ; car les petits verres sont les miens favoris, et me plaît de les vider, ce que d’autres évitent comme chose malséante. Je trempe mon vin plus souvent à moitié, parfois au tiers d’eau. Et quand je suis en ma maison, d’un ancien usage que son médecin ordonnait à mon père et à soi, on mêle celui qu’il me faut dès la sommellerie, deux ou trois heures avant qu’on le serve. Ils disent que Granaos, roi des Athéniens, fut l’inventeur de cet usage de tremper le vin d’eau ; utilement ou non, j’en ai vu débattre » (III, 13, 792)

 

2ième Question : Pour ce qui concerne le service de la boisson vous êtes assez moderne Michel de Montaigne vous ne prisez guère les coutumes médiévales, pourquoi ?

 

Réponse de Montaigne : « Moi je me laisse aller aussi à certaines formes de verres, et ne bois pas volontiers en verre commun, non plus que d’une main commune. Tout métal m’y déplaît au prix d’une matière claire et transparente. Que mes yeux y tâtent aussi, selon leur capacité. » (III, 13, 777)

 

3ième Question : Vous êtes bon vivant, franc buveur, que pensez-vous des dégustateurs exigeants et snobs ? Pour clore ce questionnement, pensez-vous, comme François Mauriac ou Philippe Sollers, « qu’hors du Bordeaux, il n’est pas de vin digne de ce nom ? »

 

Réponse de Montaigne : « La délicatesse y est à fuir et le soigneux triage [choix] du vin. Si vous fondez votre volupté à le boire agréable, vous vous obligez à la douleur de la boire parfois désagréable. Il faut avoir le goût plu lâche et plus libre. Pour être un bon buveur, il ne faut pas le palais si tendre. » (II, 2, 254)

« Diogène répondit, selon moi [comme je l’aurais fait], à celui qui lui demandait quelle sorte de vin il trouvait le meilleur : « l’étranger », fit-il » (III, 9, 687)

 

La rédaction remercie chaleureusement le Pr Christian Coulon dont la plume a permis la réalisation de cette imaginaire interview « La table de Montaigne » chez arléa www.arlea.fr  

 

 

 

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