Mon premier mouvement, face à la nouvelle de la dernière exaction signée du CRAV, dans la nuit du 11 au 12 août, à Autignac près de Faugères, fut d’adresser cette lettre à ceux qui ne sont même pas des vandales, ce serait leur faire trop d’honneur de les assimiler à des Barbares qui, après tout, pillaient pour leur survie, mais des lâches et de sinistres crétins. Les traiter des cons reviendrait à leur accorder, par avance, des circonstances atténuantes.
Ils n’en ont aucune !
Même pas d’être les sous-produits d’une quelconque révolte, d’être de soi-disant « soldats perdus », des égarés d’un combat autrefois légitime.
Ce ne sont que des hébétés pas des héritiers d’une page d’Histoire.
Ce ne sont que des casseurs bien pires que ceux qui sévissent dans ce que, faute de mieux, les médias nomment les quartiers difficiles.
Pire parce qu’ils ne sont pas des désœuvrés mais des installés, des exploitants viticoles – j’ai du mal à leur accoler le nom de viticulteurs – qui font pousser des raisins.
Pour des clopinettes diront certains ! Et d’entamer les couplets sur la mondialisation, sur le négoce prédateur, de condamner les péteurs de cuves tout en leur conseillant de porter leurs coups sur les vrais responsables : « Ils feraient mieux de s’attaquer à d’autres cibles, des gens qui se comportent comme des voyous en achetant nos vins à des prix dérisoires. » Faire un peu comme sur la dalle d’Argenteuil entre bandes rivales, œil pour œil, dent pour dent, manier le manche de pioche ou la barre à mine contre les mecs d'en face.
« Vos gueules les mouettes ! » ai-je envie de crier. Les explosifs comme ces braves outils ne sont pas les armes de nouveaux gueux ou de damnés de la terre retournées vers leurs exploiteurs mais les symboles résiduels d’années de double langage, d'un verbe qui tient lieu de politique, de l’incompétence parfois, de la duplicité souvent, de l’incapacité de faire et d’assumer des choix courageux.
Hors ces « maîtres à penser », derrière ces actes de saccages, à titre individuel, se cache d’abord le poison de la jalousie face à un projet qui, s’il réussit, démontrera auprès de leur entourage, l’incompétence des auteurs, les remettra à leur juste place : la dernière.
Entreprendre, prendre des risques, tenter d’emprunter des voies nouvelles, oser afficher une éventuelle réussite sont autant de camouflets pour ceux que j’avais dénommés dans l’une de mes premières chroniques : les désastronautes.
Ceux qui se sont presque toujours trompés.
Ceux qui se sont accrochés, comme la vérole sur le bas clergé, à leurs présidences aussi diverses que variées, sans jamais assumer la portée de leurs discours.
C’est donc à eux que je m’adresse car ce sont eux qui ont enfantés les abrutis qui sont allés saccager les installations de Fabien Pujol et Walter Valgalier : « un outil de vinification à la pointe s’adressant aux vignerons indépendants qui préfèrent investir dans le commercial plutôt que dans leur cave. »
Où est le crime que de proposer à ces vignerons un centre de vinification équipé des technologies les plus modernes leur permettant de bénéficier d’un équipement qu’ils ne peuvent pas s’acheter individuellement ?
Simple prestation de service puisqu’il n’y a aucun transfert de propriété de la vendange, puisque le vigneron décide de ses itinéraires de vinification avec son œnologue, puisque chaque domaine est vinifié séparément et à l’issue de la période d’élevage, puisque les vignerons récupèrent leurs vins.
Simplement, une initiative intelligente pour faire du « cousu main » en optimisant ses ressources financières.
Que les promoteurs, pour amortir leur projet, fassent de la prestation plus volumique pour le compte d’opérateurs régionaux, voilà sans doute ce qui fâche le plus ceux qui s’accrochent à des outils obsolètes, mal gérés.
Attention, loin s’en faut, je ne mets pas tout le monde dans le même panier, mais je pose la question : si certains outils coopératifs ne sont plus attractifs, plus adaptés aux marchés auxquels ils sont censés fournir des vins demandés par les consommateurs, pourquoi ?
Faute, un peu, aux financements publics qui, s’ils n’ont pas manqué, pendant des années leur déversement en pluie fine a arrosé, sans grand discernement, un peu tout le monde, sans jamais aboutir à la mise en place d’outils de vinification à la hauteur des enjeux. Dans mon rapport j’avais proposé qu’ils fussent réservés qu’à ceux qui s’obligeraient à le faire.
Qu’en a-t-il été ?
Ceux qui ne voient, dans la masse des présidents et de leur bureau, qu’un collège électoral, se sont bien gardés, en dépit de leur approbation de façade, de jouer cette carte vitale.
Là encore, mon propos n’englobe pas ceux qui, malgré les obstacles que certains se sont évertués à mettre en travers de leurs initiatives, se sont attelés à cette tâche difficile. Ils se reconnaîtront facilement. Alors exhumer, pour faire à nouveau diversion, l’affrontement entre les « investissements dans des structures capitalistes » et ceux de la coopération viticole n’a aucun sens.
À cette dernière de faire la preuve, tout en ne jetant pas ses valeurs fondatrices aux orties, qu’elle est en capacité de relever ce défi. Quand à appeler de ses vœux une néo-coopération « plus offensive économiquement » relève du pur discours. Dans ce domaine seul le faire est convainquant. Tous les éléments du choix sont sur la table depuis plus de 10 ans, pourquoi diable avoir tant attendu ?
La conséquence de ce sur-place mortifère c’est que « l’acheteur » reste le maître absolu du jeu d’un marché de cueillette. Certains metteurs en marché, parmi lesquels des groupes coopératifs, tirent parti de cette situation. Ce n’est bon pour personne : une économie viticole offensive économiquement ne se construit pas sur un champ de ruines. Les « grands » du secteur, enfermés dans leur tête à tête avec la Grande Distribution, auraient intérêt eux-aussi à réfléchir sur la création de valeur dans chaque hectare de vigne. L’irruption des vins sans IG est une opportunité à saisir, mais si elle est utilisée comme un outil de destruction, il ne faudra pas s’étonner que la « base » traitée à toutes les sauces soit se décourage, soit en vienne à des actes qui seront de réels gestes de désespoir ou de colère.
Ma chronique, en dépit de sa vivacité, n’a rien d’un « J’accuse ». Je n’ai ni le talent, ni la stature d’un Zola pour ce faire. Si je me permets d’interpeler certains c’est que depuis plus de 25 ans je suis « un témoin engagé » qui en a marre de toutes ces vessies que certains veulent faire passer pour des lanternes. Dans cette histoire j’ai aussi ma part de responsabilités et je l’assume. Mettre les mains dans le cambouis est bien plus inconfortable que de faire des discours et nul ne pourra écrire que je n’ai pas mouillé le maillot, en pure perte souvent.
Maintenant que je ne suis plus en charge que de ce petit espace de liberté mes propos ne visent qu’à tenter de faire sortir ceux qui sont en charge du secteur d’oppositions stériles, d’un autre âge, pour que les énergies s’investissent dans des projets d’entreprise quels que soient leur nature. « Faire gagner de l’argent aux viticulteurs n’est pas un « crime » mais une simple nécessité pour que nos territoires tirent leur épingle du jeu dans la nouvelle donne mondiale : le vin est un produit d’avenir.
Et si nous le préparions vraiment cet avenir !
J’en ai terminé. Sans doute aurais-je du m’abstenir puisque mon interpellation tombera dans l’indifférence générale mais je suis ainsi fait et je ne suis toujours pas vacciné contre l’envie de ferrailler pour que les choses avancent. Sachez, ceux à qui je m’adresse, que sans la liberté de blâmer il n’y a pas d’éloge flatteur et que mon espace de liberté vous est grand ouvert s’il vous prenait l’envie de me répondre.
Bien à vous.
PS. les citations et les infos sont tirées du dernier Vitisphère. http://www.vitisphere.com/breve.php?id_breve=55712