Très beau titre mes amis, raccoleur en diable, beau comme une manchette du France-Soir de Pierre Lazareff. Que cache-t-il derrière ses fagots ? Des souvenirs ! Les chemins de la mémoire prennent parfois d’étranges itinéraires. Pendant le mois d’août les grandes surfaces culturelles se sont transformées en hard-discounter : face à la dégringolade des ventes des DVD, liée au téléchargement sauvage, la braderie a fait rage. Tout à 5 euros, et pas des nanars. Ainsi, de passage dans l'une d'elles, pour l’achat d’une carte numérique pour mon Ixus je suis tombé en arrêt devant un étrange produit dans le rayon classique : Roberto Alagna chante Luis Mariano chez Deutsche Gramophon. C’était comme si, prise d’un vent de panique face à l’irruption des vins sans IG millésimés, la RVF nous proposait une verticale de « Vieux Papes »
Où que cé t’y qui va chercher tout ça ? Dans l’un des replis de ma mémoire car soudain je me rappelais que maman était une groupie de Luis Mariano. Elle alla jusqu’à aller l’écouter aux Sables d’Olonne lors d’une de ses tournées avec le cirque Pinder. Dieu sait si je l’ai raillé le beau Luis avec ses « Tchik, tchik, aïe, aïe, aïe… » et ses espagnolades à deux balles. Et pourtant, cinquante ans après, la liste des titres repris par Roberto Alagna : La belle de Cadix, Salade de fruits, C’est magnifique, Maman est la plus belle du monde, m’apparaît comme un petit bouquet de merveilleux souvenirs. L’âge bien sûr porte à l’attendrissement sur son passé mais là, ce sont des images bien précises qui sont remontées à ma mémoire : celles de la fête des fleurs de la Mothe-Achard avec ses chars et ses flonflons.
Chaque quartier avait son char : une remorque agricole tirée par un tracteur. Les fleurs étaient en papier crépon : un travail énorme que les femmes réalisaient à la veillée. Les fleurs étaient ensuite disposées sur du grillage. Le thème du char était choisi je ne sais trop comment mais, une année, ce fut Salade de fruits un tube de Bourvil. Vous vous imaginez le tableau imaginé par les artistes locaux. La totale exotique : paillotte, orange, ananas, noix de coco... Bref, tout ça me passait au-dessus de la tête sauf que, un beau matin, ma chère maman aborda la question qui fâche : à l’avant du char était prévu un couple allongé au bord du lagon, elle en pagne et lui en maillot de bain. Afin de ne pas heurter les bonnes mœurs et encourir les foudres du curé-doyen il avait été décidé que ce couple serait formé par deux enfants. Suivez mon regard. Ils m’avaient choisi pour faire le pendant à une " beauté locale" dont j’ai oublié le nom. Bien évidemment dans un premier mouvement je refusai cette exhibition pour, de guerre lasse, céder à ma chère maman. J’étais furax pour deux raisons : primo mon développement musculaire n’avait rien à voir avec celui d’Alain Bernard et deuxio je craignais les quolibets de mes copains sur le sex-appeal du « boudin » avec qui j’allais faire couple hawaïen. Le jour venu la météo n’était pas au rendez-vous. Le soleil était en berne. Je me gelais mes glaouis naissantes et je devais être proche du violet. Par bonheur aucune photo n’a survécu à ce spectacle mais les images sont remontées de ma mémoire par la grâce de Roberto Alagna exhumant le beau Luis Mariano, cher au cœur de ma chère maman, de la naphtaline du passé.
Je vous offre donc ce matin un petit florilège du répertoire de l’homme de Mexico :
- L’amour est un bouquet de violettes qui faisait parti du répertoire de maman avec l’hirondelle du faubourg ;
- Maman tu es la plus belle du monde par Roberto Alagna
- Salade de fruits par l’irremplaçable Bourvil.