Même si au départ ça n’en a pas l’air c’est bien une histoire de vins que je vais vous conter ce matin. Pour ce faire je prends des chemins de traverse mais, après tout, ils valent bien les mornes autoroutes. Imaginez ! Je campe le décor : une comédie à la Feydeau qui, comme de bien entendu, se déroulerait au domicile parisien, cossu mais meublé avec un mauvais goût éprouvé, d’un commerçant enrichi. Nous sommes au tout début des années 60. C’est, comme le dise avec mépris les gars de Télérama, du théâtre de boulevard avec son pesant de cocuage. Le genre « au théâtre ce soir ». Les décors sont bien évidemment de feu Roger Hart. Entre deux claquements de porte, de planque dans un placard, de qui pro quo, de « bons mots », débarque le copain de régiment du maître de maison, le petit Verdot, cafetier de son état dans la bonne ville de Saint-Chamond chère au cœur d’Antoine Pinay l’idole des rentiers plus communément qualifiés de petits bourgeois. Notre petit Verdot campé par un clône de Jean Lefèvre…
J’arrête là mon imagination pour m’attaquer au petit Bourgeois : « Le petit bourgeois n’a pas bonne presse. À gauche, il incarne la honte de la civilisation occidentale (c’est le beauf pavillonnaire, macho, raciste, voire pétainiste). À droite, on le taxe de toutes les tares (il est craintif, hypocrite, moutonnier, corporatiste). Et pourtant, reconnaissons-le : si le petit bourgeois est partout où il n’y a pas de misère mais où l’aisance n’est que très relative, alors nous sommes tous (ou presque) des petits bourgeois ! Coiffant trente années de ravages d’une idéologie qui a transformé l’activité économique du monde en une « économie de casino » (Maurice Allais), la crise de 2009 rappelle à cet immense groupe central – pierre angulaire de la démocratie – qu’il n’a jamais été aussi proche de la porte de sortie de l’Histoire… »
J’arrête là la plume alerte de Jacques de Saint Victor dans son dernier opus vivifiant, plein d’humour « Il faut sauver le petit bourgeois » chez PUF www.puf.com pour revenir à ma cible réelle de ce matin : le vin.
Petit Verdot, outre que c’est un cépage originaire de la région bordelaise qui fait partie de l’encépagement de nombreuses appellations de la dite région, qu’il est classé recommandé dans les départements des Bouches-du-Rhône, de la Dordogne, de la Gironde, du Lot et Garonne, et dans le Languedoc-Roussillon, dans la présente chronique, est un Vin de Pays d’Oc 2007 en provenance du Domaine de Preignes Le Vieux dans l’Hérault www.preignes.com Belle propriétée. Beau projet. Belle bouteille, belle étiquette, beau vin structuré mais très plaisant. C’est un costaud aimable. Intense ! Que du plaisir ! J’ai beaucoup aimé.
Petit Bourgeois tire lui sa dénomination, non de son appartenance à la petite bourgeoisie provinciale mais du nom patronymique de son élaborateur : Henri Bourgeois vigneron à Chavignol www.henribourgeois.com . C’est un Vin de Pays du Val de Loire 2007 pur cabernet franc : un vin roturier d’une grande maison de Sancerre, premier exportateur de sa région. C’est un vin vif argent. Même si ça ne se dit plus par la bouche des es-dégustateurs je l’ai trouvé gouleyant, plein de fruit, charmant.
Pour moi c’est le compagnon idéal pour la pure merguez rôtie sur charbon de bois. À en croire M6, l’émission Capital, il est conseillé de se fournir à la Boucherie Marcel, « le roi de la merguez »19, rue de l’Engannerie 14000 Caen tél : 02 31 86 16 25. Comme je suis plutôt bon garçon et fort serviable, eut égard à mon ancienne présidence des Calvados&Cidres d’AOC sis dans cette bonne ville de Caen je peux vous aider.
Reste Ex Cellar ! C’est le négociant caviste very british www.excellar.net où j’ai acheté mon Petit Verdot et mon Petit Bourgeois au 25 rue des Écoles dans le 5ième arrondissement, un arrondissement très bourgeois intellos, très pantalon de velours râpé, veste de tweed, Paraboot et quelques beaux m2 – la proximité sans doute de la Sorbonne et du Collège de France – dès que, bien évidemment, je me garderais d’étiqueter de l’étiquette « infâmante » de petits bourgeois car ils bénéficient d’une forme d’extraterritorialité de classe du fait de leur propension à pétitionner et à signer des tribunes libres dans le Monde ou des revues plus chics. Ex Cellar, qui dispose aussi d’un point de vente au Royaume-Uni est dirigé par Simon Baile, fils de l’ancien directeur-général d’Oddbins, qui à la tête d’un consortium d’investisseurs vient de racheter en 2008 Oddbins au groupe Castel.