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20 août 2009 4 20 /08 /août /2009 00:05

Pendant des années, celles que j’ai passé à arpenter la rue de Bourgogne, comme celles plus récentes qui m’en ont éloigné, à  l'angoissante et importante question, eut égard au prestige de son nom patronymique :  y-at-il un caviste rue de Bourgogne ? la réponse était clairement : NON !

 


 

Certains d’entre vous vont me rétorquer que je ne sais plus quoi inventer pour chroniquer. Faux ! L’examen des rues de Paris montre qu’il existe une rue d’Alsace près de la gare de l’Est (normal), une rue de Bordeaux du côté de Jussieu (normal c’était le territoire de l’ex-Halles aux vins remplacée par une Faculté amiantée), une rue de Provence tout près des magasins du Printemps et des Galeries Lafayette (normal les provençaux sont très au bonheur des dames), une cité Champagne qui se termine en impasse dans le 18e du côté de Pyrénées, une rue d'Anjou très banquière près du Faubourg St Honoré qui accueille l'INAO, une rue de Cahors dans le 19e, mais pas la plus petite trace d’une rue du Languedoc ou du Roussillon (normal pour les parisiens, pendant des décennies, vin du Midi égalait Bercy). D’ailleurs, paradoxalement, c’est dans ce périmètre de Bercy que nous retrouvons la plus grosse concentration d’appellations : Médoc, Saint-Emilion, Pommard, Minervois, Corbières, Chablis…

 

Fort bien me direz-vous mais pourquoi diable pointer ma question sur la seule rue de Bourgogne ?

 

Tout bêtement parce qu’elle est névralgique. En dépit de son étroitesse et de son sens unique elle irrigue les allées du pouvoir en reliant la place du Palais Bourbon : l’Assemblée Nationale à la rue de Varenne : l’hôtel de Matignon, l’hôtel de Villeroy : Ministère de l’Agriculture et d’autres hôtels abritant des ministères de moindre importance. Elle coupe les rues Saint Dominique : Ministère de la Défense, de Grenelle : Education Nationale, Industrie, Travail… Elle est stratégique donc cernée par des rues truffées de types qui passent leur temps enfermés dans des cars à jouer à la belote ou écouter les Ipod dans des tenues très seyantes qui les font ressembler aux robots des jeux vidéo.

 

 

Le VIIe c’est la quintessence des gens bien comme il faut qui ont élu Edouard Frédéric Dupont de 1936 (95% de voix) à 1993 député de cet arrondissement. Maire de l'arrondissement depuis la réforme de 1983 jusqu’en 1995, surnommé Dupont des loges (en référence aux concierges) son parcours politique est très représentatif d’une certaine Droite française (pétainiste mais pas collaborationniste, colonialiste mais gaulliste, proche du FN sans s’y agréger…) J’y ai passé presque 15 ans de ma vie professionnelle donc j’y ai quelques souvenirs.

 

 

Le plus marquant de ceux-ci, et la rue de Bourgogne en est le théâtre, se situe au petit matin d’un lundi du mois de mai 1988, Michel Rocard vient de former son gouvernement et, en compagnie d’Henri Nallet et de Jean Nestor, nous nous rendons pédestrement au 78 rue de Varenne pour la passation des pouvoirs : le Ministre sortant est François Guillaume qui avait lui-même succédé à Henri Nallet en 1986. Nous devisons. Henri Nallet me confie : « j’espère que le Président ne va pas nommer Julien Dray Secrétaire d’Etat… ». L’ouverture est à l’ordre du jour mais le filet lancé vers le Centre ne ramène que des petits poissons : Stirn, Pelletier, Durafour, Lalonde… Simone Veil, Barrot, Stasi n’ont pas sauté le pas. Lors du remaniement post législatives : Soisson, Rausch, Durieux, Hélène Dorlhiac rejoindront le navire et Alain Decaux sera Ministre de la Francophonie. Ma situation personnelle est étrange : la veille au soir j’ai dit oui à Henri Nallet, alors que je suis toujours Directeur à la Société des Vins de France et que je vais le rester jusqu’à la fin juin. Passer de mon vaste bureau de plain-pied de l’Hôtel de Villeroy (c’est aujourd’hui celui du Ministre qui à l’époque logeait au 1ier étage depuis le passage d’Edgar Faure) à celui que j’occupais avec vue sur le port de Gennevilliers, relevait du grand écart. J’ai toujours su gré, à mes collègues bien sûr, mais aussi à ceux que l’on baptise partenaires sociaux, de m’avoir facilité la tâche et, Dieu sait qu’elle était compliquée…

 

 

Bref, revenons à ma question initiale : Y-a-t’il un caviste rue de Bourgogne ?

 

 

Et à la réponse que j’ai donné : de mon temps NON ! Aller à l’Assemblée à pied, et non dans les limousines officielles, pour les questions au gouvernement du mercredi – nous étions régulièrement sur la sellette avec les crises, les réformes européennes, le GATT, la vache folle –, le vote du budget du Ministère, la défense des projets de loi d’orientation – en France on adore orienter l’agriculture et la moderniser – portait donc fréquemment mes pas à fouler les trottoirs de la rue de Bourgogne.

 

 

On trouvait tout rue de Bourgogne ! De quoi se nourrir : boucher, épiciers, marchand de fruits et légumes, boulanger-pâtissier avec une mention spéciale à la maison Pradier qui a absorbé la maison Rollet (même dans le petit commerce la concentration ça existe ; on pouvait y trouver des fleurs chez le très classe Moulié ; on pouvait se faire couper les tifs chez Michel Caro avec sa vitrine signée PIEM ; on pouvait prendre son petit noir au Voltigeur ou au bar tabac l’Assemblée ; on pouvait y acheter son journal ou ses magazines chez le marchand ad hoc ou des livres au Dauphin ; on pouvait nettoyer son linge au pressing ; on pouvait se restaurer bien sûr : le Lotus Blanc pour les midinettes des Ministères, le Sac à dos pour les ingénieurs du Ministère, les Glénan pour les invitations des membres du cabinet ; on pouvait se cultiver dans les galeries de peinture ; on pouvait acheter des meubles chics ; on pouvait chiner chez des antiquaires ; on pouvait dormir  à l’hôtel Bourgogne&Montana et à l’hôtel du Palais Bourbon ; retirer de l’argent à la Société Générale ; acheter des médicaments dans les 2 pharmacies; y rêver au Club des Poètes…

 


 

 

On y trouvait donc tout, sauf un caviste !

 

 

Comment, dans cette rue reliant le Ministère en charge de la viticulture à l’Assemblée Nationale où les représentants de nos terroirs viticoles se lèvent pour faire barrage à ceux de leurs collègues sensibles aux chants des prohibitionnistes, a-t-on pu admettre une telle absence et surtout que pendant des décennies nul ne s’en soit soucié, moi le premier.


 

 

 

Par bonheur, depuis 2007, l’affront à la France du vin est réparé par la grâce d’Hervé Beaudron qui a ouvert son AMPELOS au 31 rue de Bourgogne www.ampelos31fr . Belle boutique que j’ai découvert récemment alors que je m’étais égaré en auto dans cette rue que je ne fréquente plus depuis que je ne suis plus un habitué des cabinets. Le samedi 1ier août j’y suis allé pédestrement. La disposition du lieu est très agréable, on s’y sent comme dans certaines librairies chères à mon cœur de lecteur. Envie de toucher les flacons, de causer au patron, ce que je fis. Bien m’en pris l’homme est d’un commerce agréable et pratique la conversation sans ostentation. C’est agréable, j’adore bavarder. Bel assortiment de vins et de spiritueux mais, comme j’ai déjà été un peu long, je chroniquerai un peu plus avant à la rentrée sur les projets d’Hervé Beaudron. Enfin, cerise sur le gâteau, j’ai pu lors de mon passage à l’Ampelos faire l’emplette d’un flacon « Le Champ des Murailles » 2007 un Corbières signé de l’ami François de Ligneris : « et une future chronique pour l’espace de liberté ! » et oui c’est ainsi le hasard fait souvent bien les choses avec moi…

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commentaires

M
Je vais tenter un commentaire : c'est un rouge simple, qui n'a rien à voir avec l'image d'un grand cru, abordable dans le vrai sens du mot, qui a l'accent rocailleux des Corbières, qui nous régale des parfums de la garrigue et qu'il convient de boire frais (une bonne heure de frigo) le soir à la fraîche en écoutant Nougaro, lequel, comme par hasard, a fini sa vie en écumant les Corbières.
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F
Cher Jacques,Il ne faut donc jamais désespérer... Le 1er Août est la fête (entre autres personnes très recommandables) de Ste Espérance (toi qui n'en avait plus beaucoup de trouver un jour un caviste rue de Bourgogne), de St Pélerin (personne n'oserait discuter cette caractéristique te concernant) et de St Eléazar (de la vie!...). Merci d'avoir arrêté ton choix sur "Le Champ des Murailles"! Bien à toi, François des Ligneris 
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P
C'est avec impatience que j'attends un commentaire sur ce Corbières, et donc de ce que peut réaliser l'ex propriétaire d'un grand cru de St Emilion dans le Languedoc.Pierre Masson
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